RADIOSOURCES
Les premiers radioastronomes, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, n'avaient observé que l'émission radio générale du ciel à laquelle se superpose celle du Soleil (cf. radioastronomie et soleil). Cependant, en 1946, les Britanniques J. S. Hey, S. J. Parsons et J. W. Phillips mettaient en évidence une source d' ondes radioélectriques relativement intense et de dimensions angulaires faibles, située dans la constellation du Cygne : ce fut la première radiosource connue. Peu après, J. G. Bolton et G. J. Stanley en Australie et M. Ryle et F. G. Smith en Angleterre découvraient plusieurs dizaines d'autres radiosources et en dressaient les premiers catalogues. Il existe deux classes de radiosources : les unes sont fortement concentrées le long du plan de la Voie lactée et appartiennent visiblement à notre Galaxie (ce sont les radiosources galactiques), les autres sont distribuées d'une façon sensiblement uniforme dans le ciel. On a pensé quelque temps que ces dernières étaient des étoiles proches, mais l'identification de certaines de ces radiosources à des galaxies extérieures démontra qu'elles sont extragalactiques. Plusieurs millions de radiosources sont aujourd'hui catalogués. La position de plusieurs centaines d'entre elles est connue avec une précision de l'ordre du millième de seconde d'angle, et on a déterminé la structure, souvent complexe, de ces objets à propos desquels existent des cartes très détaillées, qui sont, en radio, l'équivalent des photographies. Enfin, on a décelé sur les photographies du ciel les objets correspondant, en lumière visible, à de très nombreuses radiosources, confirmant du même coup leur appartenance soit à notre Galaxie, soit au domaine extragalactique. Les objets célestes qui donnent une émission radio sont très variés ; certains appartiennent au système solaire et ne seront pas étudiés ici. Parmi les sources de notre Galaxie, on trouve, d'une part, des nébuleuses gazeuses et des restes d'explosion de certaines étoiles (supernovae), d'autre part, des pulsars, découverts grâce à la radioastronomie, et enfin certaines étoiles ; les radiosources extragalactiques sont soit des galaxies spirales ou elliptiques, soit des quasars (repérés eux aussi par les radioastronomes). Certains de ces objets sont les plus lointains que l'on connaisse dans l'Univers et ont donc une importance spéciale pour la cosmologie (cf. cosmologie). On considère le plus souvent que les radiosources non identifiées à des objets optiques sont surtout des galaxies extrêmement lointaines. D'une façon générale, l'étude de l'émission radioélectrique des différents objets de l'Univers, phénomène qui était totalement inattendu au moment de sa découverte, a complètement renouvelé la plupart des aspects de l'astrophysique.
Radiosources galactiques et émission radioélectrique
Sources de raies et sources de rayonnement radio continu
Certains objets de la Galaxie émettent des « raies » dans le domaine radioélectrique, c'est-à-dire des émissions à des longueurs d'onde bien définies. La première raie radio découverte (1951) est due à l'hydrogène atomique, et sa longueur d'onde est de 21 centimètres. Sont venues s'y ajouter, depuis 1963, de très nombreuses raies produites par plus de 140 molécules différentes, raies qui se trouvent principalement dans le domaine des ondes millimétriques. Les sources de la raie à 21 centimètres et de ces raies moléculaires sont des nuages de gaz interstellaire neutre ou faiblement ionisé, mais aussi des enveloppes gazeuses autour d'étoiles géantes et autour de nébuleuses planétaires ; ces derniers objets résultent de l'éjection de matière par des étoiles relativement peu massives vers la fin de leur évolution. On ne les désigne pas en général sous le nom de radiosources. Les radiosources galactiques proprement dites émettent un rayonnement radio continu, autrement dit sans longueur d'onde où l'émission serait privilégiée (il s'y superpose cependant quelquefois des raies atomiques ou moléculaires). Les plus intenses d'entre elles ont été observées dans toute la gamme des longueurs d'onde accessibles aux radioastronomes, des ondes décamétriques aux ondes millimétriques. Certaines ont un spectre radio plat, c'est-à-dire émettent sensiblement la même quantité d'énergie par intervalle d'une unité de fréquence à toutes les fréquences, sauf aux plus basses, où se produit un phénomène d'absorption interne qui diminue le flux d'énergie sortant de la radiosource : ce sont les radiosources thermiques, qui sont identifiées optiquement à des nébuleuses gazeuses (régions H II) et à des nébuleuses planétaires formées de gaz presque totalement ionisé (l'émission radio est simplement l'émission free-free de ce gaz sous l'effet de sa température élevée ; cf. radioastronomie). D'autres sources galactiques ont un flux radioélectrique plus grand aux basses fréquences qu'aux fréquences élevées ; elles sont considérées comme des restes de supernovae, et l'émission est due au mécanisme synchrotron (cf. la galaxie ; novae et supernovae), qui fait intervenir des électrons de haute énergie tournant dans un champ magnétique associé à l'objet ; on les nomme radiosources non thermiques. Enfin, les pulsars (cf. pulsars) émettent un rayonnement radio sous forme d'impulsions régulières, et le mécanisme d'émission est cohérent et analogue à celui de certains types de sursauts radio solaires. Des étoiles de types particuliers émettent une faible quantité d'ondes radio selon des mécanismes semblables. Les radiotélescopes sont aujourd’hui assez sensibles pour détecter le rayonnement radio thermique des étoiles les plus brillantes.
Radiosources galactiques thermiques
Les radiosources galactiques thermiques sont identifiées à des nébuleuses gazeuses, ou régions H II (cf. milieu interstellaire), immenses masses de gaz chaud (10 000 K environ) ionisé par le rayonnement ultraviolet d'étoiles très jeunes qui se sont vraisemblablement formées en leur sein. La densité du gaz est de quelques dizaines à quelques milliers d'atomes par centimètre cube, mais les observations de la structure radio de ces objets ont mis en évidence l'existence de structures fines et complexes, probablement liées aux vents émis par les étoiles jeunes. Comme les ondes radio ne sont pas absorbées par la poussière qui remplit la Galaxie, alors que la lumière peut l'être de façon considérable, les observations radio ont permis de découvrir de nombreuses nébuleuses gazeuses totalement invisibles optiquement (il y en a plusieurs centaines dans la Galaxie), et aussi de connaître la structure de nébuleuses dont la lumière est en partie absorbée. Enfin, ces nébuleuses émettent des raies radio, produites par la recombinaison de l'hydrogène et de l'hélium, qui ont permis de préciser les conditions physiques qui y règnent. Les nébuleuses planétaires sont des masses de gaz beaucoup plus petites éjectées par certaines étoiles très évoluées et qui sont aussi en grande partie ionisées. De même que les nébuleuses gazeuses, elles émettent un rayonnement radio continu thermique ainsi que des raies de recombinaison dont les propriétés sont comparables à celles des nébuleuses gazeuses.
Radiosources galactiques non thermiques
Les radiosources galactiques non thermiques, relativement étendues comme les précédentes (de quelques minutes d'angle à quelques degrés), sont des restes de supernovae (cf. novae et supernovae). Celles-ci constituent le stade normal de l'évolution des étoiles très massives (plus de six à huit fois la masse du Soleil) qui explosent en éjectant à une vitesse de plusieurs milliers de kilomètres par seconde une fraction importante de leur masse, tandis que demeure une étoile très condensée, naine blanche ou étoile à neutrons, qui est éventuellement un pulsar. Plusieurs de ces explosions ont été observées dans la Galaxie, notamment celle de 1054, dont le résidu est appelé la nébuleuse du Crabe, et celles de 1572 et de 1604, nommées respectivement supernova de Tycho Brahe et supernova de Kepler, du nom des astronomes qui les ont décrites. Dans certains cas, comme celui de la nébuleuse du Crabe, le reste de supernova est alimenté en permanence en particules de haute énergie par un pulsar central. Les électrons ainsi accélérés ont une énergie de plusieurs milliards d'électronvolts (GeV) et rayonnent dans le champ magnétique de l'objet dans le domaine radio, mais aussi éventuellement dans le domaine visible et même en rayons X et gamma : dans le cas de la nébuleuse du Crabe, on a observé à toutes les longueurs d'onde cette émission due au mécanisme synchrotron. Elle présente la polarisation linéaire caractéristique de ce mécanisme. On a aussi observé le pulsar central. On connaît quelques autres objets de ce genre, qui constituent sans doute une étape dans l'évolution de certains types de restes de supernova. Le plus souvent, le reste de supernova se présente comme une coquille plus ou moins sphérique en expansion, dont les dimensions sont fonction de l'âge : le reste d'une supernova ayant explosé il y a dix mille ans a un diamètre de l'ordre d'une centaine d'années-lumière. L'expansion de l'enveloppe se poursuit en se ralentissant jusqu'à ce que l'objet se perde dans le milieu interstellaire. La coquille de ces restes de supernovae rayonne dans les domaines visible, ultraviolet et X en raison de l'échauffement local produit par l'onde de choc née de sa rencontre avec le gaz interstellaire. Des électrons sont accélérés à des énergies élevées dans la coquille et rayonnent dans le domaine radio par le mécanisme synchrotron en interagissant avec un champ magnétique qui provient de la compression et de l'amplification du champ magnétique interstellaire. On a observé dans la Galaxie, grâce à leur rayonnement radio, plus d'une centaine de restes de supernovae qui se répartissent dans un disque très plat, comme le gaz interstellaire et les étoiles jeunes (cf. la galaxie). Il y a en moyenne une explosion de supernova tous les cinquante ans dans la Galaxie, mais toutes ne peuvent pas être observées optiquement.
Émission générale de la Galaxie
La Galaxie produit un rayonnement radio général qui se présente comme un fond continu sur lequel se détachent les radiosources décrites ci-dessus. Ce rayonnement est lui aussi de nature synchrotron et est dû aux électrons de quelques milliards d'électronvolts faisant partie des rayons cosmiques (cf. rayonnement cosmique - Rayons cosmiques) qui se propagent dans le faible champ magnétique galactique (environ 3 × 10–10 tesla). Ces électrons proviendraient des supernovae et forment un disque d'environ 3 000 années-lumière d'épaisseur. À haute fréquence, le gaz ionisé diffus ajoute son émission radio au rayonnement précédent.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- James LEQUEUX : astronome émérite à l'Observatoire de Paris
Classification
Médias
Autres références
-
ASTROMÉTRIE
- Écrit par Jean KOVALEVSKY
- 6 515 mots
- 9 médias
Un ensemble des radiosources dont on a déterminé les positions précises constitue un repère de référence extragalactique radio qui, à l'origine rattaché au FK5, l'a remplacé le 1er janvier 1998. Ce nouveau système (I.C.R.F. : International Celestial Reference Frame) est défini par... -
DÉCOUVERTE DES PULSARS
- Écrit par James LEQUEUX
- 296 mots
La découverte des pulsars constitue un exemple de découverte fortuite consécutive à la mise en service d'un nouvel instrument d' observation astronomique. Il s'agit aussi d'un exemple de mise en évidence d'objets dont l'existence avait été prévue par les théoriciens....
-
DÉCOUVERTE DES QUASARS
- Écrit par James LEQUEUX
- 296 mots
Les premières cartes radio du ciel, élaborées dans les années 1950 et 1960, montrent que, en dehors des sources radio appartenant à notre Galaxie et d'objets identifiés à d'autres galaxies, il existe des sources de petit diamètre apparent qui coïncident avec des objets d'apparence...
-
ÉMISSION RADIO DE LA GALAXIE
- Écrit par James LEQUEUX
- 272 mots
Grâce aux antennes très sensibles qu'il a construites, l'Américain Karl Guthe Jansky, ingénieur aux Bell Telephone Laboratories, étudie dès la fin des années 1920 l'effet de l'atmosphère sur la transmission des ondes radio. Il constate en 1931 qu'un bruit radio (c'est-à-dire une émission...
- Afficher les 12 références
Voir aussi
- ONDES RADIOÉLECTRIQUES ou ONDES HERTZIENNES
- SUPERNOVAE
- ASTROPHYSIQUE
- RAIES D'ÉMISSION, astronomie
- NÉBULEUSES GAZEUSES
- SPECTROSCOPIE, astronomie
- CRABE NÉBULEUSE DU
- RADIOGALAXIES
- COSMIQUES RAYONS
- NÉBULEUSES PLANÉTAIRES
- FREE-FREE TRANSITION
- IONISÉS MILIEUX
- SEYFERT GALAXIES DE
- RÉGIONS H II
- GALAXIES ELLIPTIQUES
- GALAXIES SPIRALES
- NOYAU DE GALAXIE
- RAIE SPECTRALE
- NOYAU ACTIF DE GALAXIE