QUASI-CRISTAUX
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Modélisation des structures quasi périodiques
Si les propriétés structurales paradoxales des quasi-cristaux (réflexions de Bragg et symétries non cristallines) n'ont pas découragé les physiciens de la matière condensée, c'est en partie grâce à des travaux mathématiques réalisés dans les années 1970. Le mathématicien Roger Penrose a montré en effet que l'on peut construire des pavages du plan non périodiques et de symétrie pentagonale en utilisant seulement deux pavés en forme de losange (fig. 4). Chacun des deux types de losange porte une certaine décoration qui permet de préciser les règles d'assemblage entre pavés voisins. Ces contraintes interdisent de réaliser un pavage périodique, mais autorisent néanmoins une infinité de pavages non périodiques. Les pavages de Penrose ont de remarquables propriétés de régularité. La première, appelée isomorphisme local, spécifie que toute partie finie d'un pavage s'y trouve répétée une infinité de fois en d’autres endroits ainsi que dans tout autre pavage permis. Il s’agit là d’un léger affaiblissement de la caractéristique des pavages périodiques construits par répétition d'un seul motif. Une autre propriété des pavages de Penrose est leur auto-similarité : on peut toujours superposer à un pavage donné un pavage du même type dont les losanges sont à une échelle plus grande d'un facteur égal au nombre d'or (1 + √5)/2. Enfin, la symétrie non cristalline d'ordre 5 est manifestement présente dans tous ces pavages. Les pavages de Penrose du plan ont été généralisés en pavages de l'espace à trois dimensions en utilisant seulement deux volumes élémentaires en forme de rhomboèdres. Là aussi, une décoration adéquate des rhomboèdres conduit à des règles d'assemblage qui permettent de remplir tout l’espace mais qui interdisent la périodicité et garantissent une symétrie de type icosaédrique. L’assemblage de ces rhomboèdres donne lieu à des polyèdres simples comme le triacontaèdre formé de vingtrhomboèdres.
Les pavages de Penrose sont construits avec deux losanges élémentaires décorés par des flèches sur deux arêtes et un sommet distingué par un disque. La règle d'assemblage impose que les décorations de deux losanges adjacents se superposent exactement. Il est ainsi possible de construire...
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Le paradoxe initial soulevé par les quasi-cristaux s’est trouvé résolu quand il a été prouvé mathématiquement, dès 1985, que des structures atomiques calquées sur ces pavages de l'espace produisent des figures de diffraction formées de pics de Bragg dont l'arrangement possède la symétrie icosaédrique et qui sont très semblables aux figures de diffraction expérimentales. La modélisation des quasi-cristaux et la simulation de leur diffraction utilisent une construction qui s’apparente à celle des fonctions quasi périodiques. De telles fonctions peuvent être générées à partir de fonctions périodiques en dimension supérieure dont on considère les valeurs dans des sous-espaces de dimension plus basse. Ainsi, la fonction quasi périodique d'une variable cos(x) + cos(√2x) est-elle la restriction de la fonction périodique de deux variables cos(x) + cos(y) à la droite y = √2x. Les symétries possibles des structures périodiques à trois dimensions sont entièrement connues et décrites par la cristallographie classique. On montre, en particulier, que les seules rotations permises sont d'ordre 2, 3, 4 et 6 et correspondent respectivement à des angles de 1800, 1200, 900 et 600. Les symétries pentagonales, octogonales, décagonales et icosaédriques sont donc non cristallines à deux et trois dimensions, mais elles le deviennent dans des espaces de dimensions supérieures. En particulier, le réseau cubique d'un espace de dimension 6 est compatible avec les symétries du groupe de l'icosaèdre. L'espace physique de dimension 3 y est plongé dans une orientation particulière qui est irrationnelle par rapport à ce réseau de dimension 6. Les positions atomiques du quasi-cristal sont obtenues par projection dans l'espace physique de certains points du réseau. Ainsi un point du réseau noté (n1, n2, n3, n4, n5, n6), dont les six coordonnées sont des nombres entiers positifs ou négatifs, se projette dans l’espace physique en un point n1e1 + n2e2 + n3e3 + n4e4 + n5e5 + n6e6 où les six vecteurs ei pointent sur six sommets d’un icosaèdre. Le problème de la modélisation revient alors à sélectionner les points qui induisent par projection la meilleure description des positions atomiques du quasi-cristal réel. Contrairement aux structures périodiques, où il suffit de spécifier un ensemble fini de positions dans la maille cristalline du réseau à trois dimensions, la sélection des sites atomiques d'un modèle quasi-cristallin implique des « volumes » en nombre fini dont la détermination expér [...]
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Écrit par :
- Marc AUDIER : docteur, directeur de recherche au C.N.R.S.
- Michel DUNEAU : directeur de recherche au C.N.R.S.
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SHECHTMAN DAN (1941- )
Physicien et chimiste israélien, prix Nobel de chimie en 2011 pour sa découverte des quasi-cristaux. Né à Tel-Aviv (en Palestine sous mandat britannique à cette date, aujourd’hui en Israël) le 24 janvier 1941, Dan Shechtman fit ses études universitaires au département d’ingénierie mécanique de l’institut israélien de technologie (le Technion) à Haïfa. Après y avoir soutenu sa thèse de doctorat en […] Lire la suite
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Pour citer l’article
Marc AUDIER, Michel DUNEAU, « QUASI-CRISTAUX », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 28 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/quasi-cristaux/