PSYCHOTHÉRAPIE
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Origines
L'histoire de la psychothérapie semble traversée par deux courants qui s'entremêlent : l'un applique à des fins thérapeutiques des procédés psychologiques connus (hypnose, improvisation dramatique) ; l'autre mène de pair l'élaboration de procédés nouveaux et celle d'une théorie psychopathologique (psychothérapie morale, psychanalyse). Ces deux tendances pourraient être repérées dès les origines : d'un côté, on a recours à des procédés magiques d'inspiration religieuse ; de l'autre, on a cherché à dégager d'une certaine anthropologie un art de persuader et d'influencer. C'est à ce second courant, plus préoccupé d'apologétique et d'action pastorale que de thérapeutique, que l'on doit le terme même de psychothérapie : on le relève en effet dans la littérature chrétienne, précisément chez les Pères grecs. Pour la période scientifique moderne, il importe d'envisager trois moments : l'un, de Pinel à Freud, est marqué par le développement de la psychothérapie morale et de l'hypnotisme ; le deuxième coïncide avec les découvertes de Freud ; le troisième, qui s'étend jusqu'à l'époque contemporaine, est marqué par une grande diffusion des méthodes et des doctrines.
De Pinel à Freud
On peut attribuer à Philippe Pinel (1745-1826) l'idée de recourir à la psychothérapie comme à une thérapeutique psychiatrique parmi d'autres. Cet usage est lié chez lui à une perspective philanthropique qui interdit de considérer la maladie mentale sans tenir compte de l'homme malade. Pinel et ses élèves conçoivent la psychothérapie comme une forme d'assistance humaine qui ne préjuge pas de l'origine du trouble. Leuret, procédant à une revue systématique des attitudes psychothérapiques du médecin (Du traitement moral de la folie, 1840), recourt lui-même à des interventions psychologiques de type traditionnel (intimidation, conseils, exhortations), mais cherche à préciser le choix de ces dernières en fonction de la personnalité du malade. Ces idées se retrouvent chez la plupart des aliénistes du xixe siècle. Un psychiatre de Berne, Dubois, en dégage la notion de psychothérapie morale : « L'essentiel du traitement consiste dans une conversation intime et quotidienne qui vaut mieux pour le malade que les douches ou le chloral [...]. Le vrai médecin fait plus de bien par sa parole que par ses ordonnances. » La psychothérapie morale eut une grande influence. À Paris, dans son service de la Salpêtrière, Déjerine aménagea une salle de psychothérapie où se conjuguaient les effets d'un strict isolement et de conversations quotidiennes avec le malade. Il s'agissait d'une action délibérément moralisatrice, l'attachement à la maladie étant considéré comme une fuite devant les valeurs logiques, morales et esthétiques nécessaires à un authentique bien-être de l'individu.
Les tenants de la thérapeutique morale s'opposèrent par des polémiques souvent très vives aux praticiens de la suggestion hypnotique qui avait été pendant longtemps l'arme thérapeutique des guérisseurs et des thaumaturges. Les médecins ne s'intéressèrent guère à la théorie du magnétisme animal et à la pratique de l'hypnose avant le milieu du xixe siècle. Liébeault, de Nancy, qui étudia le premier les effets médicaux de l'hypnose et son élève Bernheim, en même temps que Charcot à Paris, l'appliquèrent au traitement des manifestations hystériques. Contrairement à la psychothérapie morale, la suggestion hypnotique se présente comme une méthode spéciale dont les indications doivent être précisées et le mode d'action défini. L'école de Nancy et celle de la Salpêtrière s'opposèrent sur ce dernier point, Bernheim mettant l'accent sur le rôle de la suggestion, et Charcot sur les liens possibles entre le mécanisme de l'hystérie et les effets de l'hypnose. En fait, l'usage de l'hypnose se répandit surtout à des fins de contre-suggestion. Il s'agissait d'inculquer au malade des idées contraires à celles que lui inspire l'état de maladie.
Patiente lors d'une séance d'hypnose, en Allemagne vers 1925.
Crédits : AKG-images
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Écrit par :
- Daniel WIDLÖCHER : professeur de psychiatrie à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie, chef de service de psychiatrie (adultes) au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière
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Pour citer l’article
Daniel WIDLÖCHER, « PSYCHOTHÉRAPIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 02 juillet 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/psychotherapie/