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Les théologies issues du christianisme social
Des théologies privilégiant des engagements sociaux et éthiques, donnent l'impression d'une mosaïque de tendances. Elles possèdent une sensibilité commune qui s'inspire de leur origine, le christianisme social ; elles se soucient de promouvoir la confrontation avec la culture moderne et l'engagement, au nom du Christ, dans des combats sociaux, et même politiques dans certains cas.
La plupart des fondateurs du christianisme social (E. Gounelle, L. Ragaz, W. Rauschenbusch notamment) ont voulu promouvoir un Réveil social à une époque (fin xixe-début xxe s.) où un processus d'industrialisation et d'urbanisation s'était produit en Europe et en Amérique du Nord. Par ailleurs, le développement du socialisme constituait un défi pour les Églises. Souvent d'origine évangélique, ces hommes mettaient les expériences spirituelles au centre du christianisme. Mais l'action politico-sociale, en brisant des liens estimés trop étroits entre les Églises et l'« ordre établi », était considérée à la fois comme un aspect indispensable de l'évangélisation et comme un accomplissement nécessaire de la foi chrétienne.
Des études, comme celle de F. W. Marquardt notamment, ont rappelé l'enracinement de la théologie de Karl Barth dans le christianisme social. Cependant, le barthisme s'est d'abord constitué, après la Première Guerre mondiale, contre ce mouvement, auquel il reprochait un certain « immanentisme ». La lutte contre le nazisme et la Seconde Guerre mondiale ne tardèrent pas à changer cette situation. Dans différents pays, ainsi qu'au sein du Conseil œcuménique des Églises alors naissant, un « barthisme engagé » a été vécu avec intensité et bientôt complété par la lecture d'autres théologiens comme le « socialiste-religieux » Paul Tillich.
Un nouveau christianisme social se développe alors, débordant le mouvement du même nom, pour devenir une mouvance regroupant, de façon plus ou moins informelle, un ensemble de groupements soucieux de « présence au monde » et de « service politico-social » (c'est le cas en France, par exemple la C.I.M.A.D.E) ; il y a là une réaction contre un processus de sécularisation risquant de confiner le christianisme dans une sphère privée de plus en plus limitée.
Le déclin du barthisme dans les années 1960 (son équilibre dialectique apparaît comme étant un obstacle à un engagement complet) favorise un éclatement d'expressions théologiques ayant deux caractéristiques communes. Il s'agit, d'abord, de « théologies contextuelles » qui cherchent à refléter l'expérience de communautés chrétiennes (en fait, assez souvent, de petits groupes en marge ou au sein de ces communautés) en un lieu donné, à une époque donnée. Il y a un refus de l'universalisme traditionnel de la théologie protestante : on parle en vue d'une situation particulière et à partir d'elle. Ensuite, il s'agit de « théologies politiques », qui cherchent à penser théologiquement une critique politique des pouvoirs politique et économique en place, voire parfois de légitimer religieusement une participation chrétienne à un processus révolutionnaire.
L'exemple le plus connu de ces théologies ces dernières années est la « théologie [œcuménique] de la libération ». Si, en Amérique latine, elle est apparue majoritairement catholique, aux États-Unis, dans sa variante qu'est la « théologie noire de la libération », on la rencontre principalement au sein de groupes protestants. Un de ses représentants principaux est l'écrivain J. H. Cone, qui a réinterprété la spiritualité des Noirs américains (spirituals et blues) dans une perspective théologico-politique. Cette école a rencontré un écho certain en Afrique, comme l'ont montré, par exemple, les déclarations de la Conférence nationale des chrétiens noirs à Accra, en 1974. Mais, à la fin du xxe siècle, elle s'est retrouvée en porte-à-faux face au développement du pentecôtisme. On aurait tort, cependant, d'estimer qu'elle a disparu. Si elle donne moins lieu qu'il y a un quart de siècle à des productions théologiques spécifiques, elle continue d'influencer certains dirigeants d'Églises, notamment ceux qui sont liés au C.O.E., et n'a pas complètement perdu son impact auprès des jeunes.
Ces théologies se sont voulues « tiers-mondistes », ce qui a fait leur succès initial mais les a aussi marginalisées dans les deux dernières décennies du siècle. En fait [...]
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Écrit par :
- Jean BAUBÉROT : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.
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Pour citer l’article
Jean BAUBÉROT, « PROTESTANTISME - Problèmes contemporains », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 janvier 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/protestantisme-problemes-contemporains/