POSTCOLONIALES ANGLOPHONES (LITTÉRATURES)

Au carrefour du postcolonial et du postmodernisme

Une évolution notable de l'écriture postcoloniale est illustrée par le roman Midnight's Children (1981 ; Les Enfants de minuit, 1983) de Salman Rushdie, Indien né en 1947 à Bombay dans une famille laïque de tradition musulmane. Au carrefour du postmodernisme et du postcolonial, cette œuvre retrace sur un mode ludique l'histoire de l'Inde, du début du xx e siècle jusqu'à la fin des années 1970. Doté de pouvoirs magiques, le protagoniste, Saleem Sinai, enfant miraculeux, est le moteur principal d'une tragi-comédie. Ce roman s'inscrit dans une lignée qui passe par Tristram Shandy de Laurence Sterne et Cent Ans de solit ude de Gabriel García Márquez. À la suite de Rushdie, de nombreux romanciers indiens tels que Amitav Ghosh (The Circle of Reason, 1986 ; Les Feux de Bengale, 1990) et Shashi Tharoor (The Great Indian Novel, 1989 ; Le Grand Roman indien, 1993) mêlent reconstitution historique et récit fantastique, tandis que d'autres, plus traditionnels, comme Vikram Seth, l'auteur de A Suitable Boy (1993 ; Un garçon convenable, 1995), puisent leur inspiration dans la grande tradition psychosociologique des émules de Jane Austen. On est tenté de ranger dans la même catégorie que Rushdie le Nigérian Ben Okri, auteur de The Famished Road (1991 ; La Route de la faim, 1994), qui prend aussi modèle sur son compatriote Amos Tutuola, ou le Ghanéen Kojo Laing (1946-2017), auteur de S earch Sweet Country (1986) et Woman of the Aeroplanes (1988). Grâce à de tels écrivains, le réalisme, si décrié en Occident, est revivifié au contact de la tradition populaire ou de genres hybrides comme le réalisme magique.

Cette génération, bien qu'influencée par le postmodernisme, s'en distingue cependant par un désir de réintroduire dans l'écriture une dimension de responsabilité sociale souvent absente en Occident à la même époque. Parallèlement ces écrivains jouent volontiers sur leur familiarité avec au moins deux systèmes différents de perception et de pensée (le local et l'« occidental ») qui, dans leur cas, ne s'excluent aucunement mais viennent au contraire enrichir une vision multiforme de la réalité.

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Écrit par

  • Jean-Pierre DURIX : professeur émérite, université de Bourgogne, Dijon
  • Vanessa GUIGNERY : professeure des Universités en littérature britannique contemporaine et en littératures postcoloniales à l'École normale supérieure de Lyon, membre de l'Institut universitaire de France

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre DURIX, Vanessa GUIGNERY, « POSTCOLONIALES ANGLOPHONES (LITTÉRATURES) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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