POLYCHROMIE, histoire de l'art

Le terme polychromie, formé à partir du grec ancien polu s (« nombreux ») et chrôma (« couleur »), désigne l’application de couleurs à la sculpture et à l’architecture, soit par le recours à la peinture (polychromie dite « artificielle »), soit par l’assemblage de matériaux de couleurs différentes (polychromie dite « naturelle »). Le mot apparaît dans la langue française au xix e siècle, lors des débats qui ont divisé les savants sur la question de la coloration des statues et édifices des Grecs et des Romains.

On sait aujourd’hui que la sculpture et l’architecture antiques étaient polychromes. Pourtant, l’Antiquité classique demeure associée à une blancheur immaculée, celle du marbre des statues et des monuments que l’on admire en visitant musées et sites archéologiques. On oublie que leur apparence actuelle résulte en fait d’une décoloration due à plusieurs facteurs : les effets du temps et les conditions atmosphériques ont entraîné l’altération ou la disparition de la polychromie d’origine ; les hommes ont aussi leur part de responsabilité, à cause des nettoyages méticuleux qu’ils ont fait subir aux artefacts lors de leur découverte. Et depuis la Renaissance et le développement du néoclassicisme, la valorisation du blanc a créé le mirage d’une Antiquité sans couleur. Aujourd’hui, les chercheurs tentent de redonner vie aux couleurs de la sculpture et de l’architecture classiques.

Origines et fonctions de la polychromie en Grèce

Architecture

L’ utilisation de couleurs pour orner les édifices publics et privés se développe dans les cités grecques entre la période archaïque et hellénistique. L’érection des premiers temples en pierre (vii e siècle av. J.-C.) s’accompagne de l’usage de la peinture murale, même si elle reste limitée. La couleur se déploie moins sur les parois intérieures que sur les reliefs architecturaux et les sculptures des frontons, à savoir les parties extérieures de l’édifice, visibles de tous les fidèles.

L’étude du temple d’Athéna Aphaïa (Égine), daté de 490-480 av. J.-C., suggère que l’essentiel de la polychromie se concentrait sur les frontons en marbre et quelques éléments architectoniques (métopes et triglyphes en particulier). Les colonnes et les murs, en calcaire, étaient enduits d’un stuc lumineux, réalisé avec de la poudre de marbre, tandis qu’une partie du sol était recouverte d’une peinture rouge.

Le décor de l’habitat privé grec est bien documenté pour la période du i v e au ii e siècle av. J.-C., grâce à deux sites : Olynthe (Chalcidique) et Délos (Cyclades). La maison grecque étant refermée sur elle-même, la polychromie se concentrait à l’intérieur des pièces. Les Grecs ont d’abord employé un décor mural assez simple : des bandes délimitaient des registres horizontaux imitant l’appareil de construction. L’introduction de scènes figurées commence à l’époque hellénistique.

La pièce la plus décorée est l’andrôn, dans laquelle le citoyen reçoit ses hôtes pour le banquet. Au centre, un pavement de mosaïque, d’abord composé de galets puis de tesselles de différentes couleurs, vient compléter les enduits muraux pour en faire une salle d’apparat. Sur l’île de Délos, où les étages des maisons ont été conservés, il reste des traces de motifs colorés aux plafonds, qui imitaient le décor des tapis.

Les sépultures pouvaient elles aussi être ornées de couleurs vives, comme on le voit avec la tombe du Plongeur à Paestum (Italie du Sud, 480 av. J.-C.), mais plus encore avec les grandes sépultures macédoniennes (Grèce du Nord, i v e-ii e siècle av. J.-C.). En effet, la façade des tombeaux des aristocrates et des membres de la famille royale imitait celle des temples. Le décor peint se déployait sur des frises ou des panneaux, évoquant des figures mythologiques,[...]

Pour nos abonnés, l'article se compose de 6 pages

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • Adeline GRAND-CLÉMENT : agrégée d'histoire, maître de conférences en histoire grecque à l'université de Toulouse-II-Le Mirail

Classification

Pour citer cet article

Adeline GRAND-CLÉMENT, « POLYCHROMIE, histoire de l'art », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

Dame d'Auxerre, art dédalique

Dame d'Auxerre, art dédalique

Dame d'Auxerre, art dédalique

Statuette représentant une orante, dite la «Dame d'Auxerre». Vers 640 avant J.-C. Calcaire, hauteur…

Korè de l’Acropole d’Athènes

Korè de l’Acropole d’Athènes

Korè de l’Acropole d’Athènes

Traces de polychromie d'origine sur une korè de l'Acropole d'Athènes. Vers 520-510 avant J.-C.…

Aurige de Delphes

Aurige de Delphes

Aurige de Delphes

Exemple fameux du classicisme grec naissant, ce conducteur de char, victorieux aux jeux Pythiques,…

Autres références

  • ACROPOLE D'ATHÈNES

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 45 178 mots
    • 9 médias
    [...]590, on l'observe également au fronton du temple d'Artémis à Corfou. Quoi qu'il en soit, ces fragments, d'un calcaire tendre qui appelle la polychromie et la retient plus que le marbre, sont pour nous les plus précieux témoins de la sculpture grecque à ses débuts, lorsque, échappant au[...]
  • ARCHIPENKO ALEXANDRE (1887-1964)

    • Écrit par Viviane MARKHAM
    • 1 848 mots

    Artiste américain d'origine ukrainienne. Après un passage à l'école d'art de Kiev, sa ville natale, où, de 1902 à 1905, il étudie la peinture puis la sculpture, et un séjour à Moscou, où il poursuit ses études, Archipenko s'installe à Paris en 1908.

    L'enseignement[...]

  • ART & SCIENCES

    • Écrit par Jean-Pierre MOHEN
    • 33 903 mots
    • 3 médias
    [...]main, parfois les hésitations et les erreurs des artisans ou des artistes. Elle rend sensible aussi les étapes fonctionnelles qu'ont connues ces œuvres. Par exemple les statues polychromes des églises, objets de culte fervents, ont souvent été repeintes pour maintenir leur aspect rutilant. Les choix des[...]
  • BAROQUE

    • Écrit par Claude-Gilbert DUBOIS, Pierre-Paul LACAS, Victor-Lucien TAPIÉ
    • 114 567 mots
    • 23 médias
    [...]plateresque déployant ses raffinements et ses ciselures, tout contre la sévérité massive des murs nus ; dans l'imagerie populaire, les figures polychromes de la Vierge, du Christ et des saints, où la souffrance physique et la douleur de l'âme sont traduites par un réalisme hallucinant, composaient[...]
  • BROKOFF FERDINAND MAXIMILIEN (1688-1731)

    • Écrit par Georges BRUNEL
    • 2 278 mots

    Nous trouvons en Brokoff l'un des représentants les plus notables et les plus caractéristiques du baroque tchèque, et tout d'abord par son origine : il est en effet le fils de Johann Brokoff (1652-1718), modeste sculpteur sur bois dont le nom reste attaché à la célèbre statue de saint[...]

  • Afficher les 15 références

Voir aussi