PIERRE DE CORTONE (1596-1669)
Un architecte du baroque romain
Si Pierre de Cortone peut être peintre et architecte, c'est que pour lui comme pour Michel-Ange l'architecture est invenzione, disegno. En dépit du caractère fragmentaire, inachevé, mineur de son œuvre architecturale, l'histoire de l'art a reconnu en lui un des protagonistes majeurs, avec Borromini et Bernin, de la première architecture baroque romaine.
Profondeur plastique et lumineuse de la paroi, gradation contrastée de plans, de courbes et de contre-courbes, orchestration urbanistique, rhétorique iconologique des figures architecturales – thèmes centraux de toute l'architecture baroque romaine – trouvent chez lui des formulations particulièrement séduisantes.
Formation, premières œuvres
En architecture comme en peinture, le milieu familial, Commodi, Ciarpi ne jouèrent qu'un rôle mineur ; Cortone fit son apprentissage en copiant les édifices de la Rome antique et moderne. Les contacts avec les cercles académiques, la maison Sacchetti et Cassiano del Pozzo le familiarisèrent avec la tradition maniériste, la culture néo-platonicienne et les problèmes archéologiques.
De 1623 et 1624 datent plusieurs projets pour l'église de l'académie de saint Luc, dont la reconstruction, souhaitée depuis l'attribution en 1588 de l'église Sainte-Martine à l'académie, n'avait jamais pu aboutir. Derrière le maniérisme ésotérique du parti adopté, témoin des ambitions culturelles du jeune Cortone, il faut voir la nouvelle articulation plastique du mur et la première rupture décisive de la paroi rectiligne.
Pierre de Cortone dessine pour les Sacchetti, avant 1630, la minuscule villa du Pigneto, aux environs de Rome. Sans doute jamais achevée, en ruine dès la fin du xviie siècle, aujourd'hui complètement disparue, elle est connue par un ensemble de dessins et de gravures. Cortone y reste fidèle au type de la villa maniériste ; mais, comme dans ses peintures, un nouveau sentiment de l' espace anime les motifs empruntés. L'édifice ne constitue plus que le motif central d'une vaste composition où l'architecture, avec ses plans multiples (avant-corps central creusé d'une niche, ailes concaves, pavillons latéraux), modèle l'espace avant de se dissoudre progressivement dans le paysage en un jeu de terrasses, d'escaliers, de rampes et de cascades.
Santi Martina e Luca
En 1634, les projets pour l'autel Falconieri et pour Santi Martina e Luca consomment la rupture avec la spatialité maniériste. Cette année-là, élu principe de l'académie, Cortone obtient le privilège de reconstruire la crypte à ses frais. Au cours des travaux, la découverte des reliques de sainte Martine assure les concours financiers qui permettent une reconstruction complète. Dans ces nouveaux projets, façade et coupole constituent deux éléments distincts : dans la vue frontale relativement courte, la coupole, qui apparaît au sommet du Capitole comme un objet architectural autonome, est complètement dissimulée par la façade. En renonçant ainsi à faire coïncider espace réel et espace perçu, Cortone affirme la relativité de la perception. Si la façade appartient au type des façades à deux ordres superposés, colonnes et pilastres ne la divisent plus clairement en travées et une courbure convexe vient l'animer ; elle n'est plus le revers de l'espace interne ; écran plastique relativement indépendant, elle appartient à l'espace urbain.
Les espaces intérieurs manifestent le même souci de privilégier l'espace perçu, avec leur plan en croix grecque à longues branches, dont l'axe longitudinal légèrement plus long corrige la déformation perspective. Comme à l'extérieur, l'architecte a donné aux murs une profondeur et une articulation continue, tandis que dans la coupole se superposent caissons et nervures. Dans cet intérieur complètement blanc, les modulations[...]
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Écrit par
- Giuliano BRIGANTI
:
professore libero docente di storia dell'arte medievale e rinascimentale - Claude MIGNOT : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Médias
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