PIERO DI COSIMO (1461-env. 1521)
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
La « bizarrerie » de Piero
Vasari insiste sur la bizarrerie de Piero. Épris de solitude, fuyant le bruit et les hommes, effrayé par la lumière violente et par le tonnerre, jaloux et possessif à l'égard d'une œuvre qu'il travaille avec passion, presque pour lui seul, indifférent aux réclamations du commanditaire, Piero est un excentrique. Son œuvre, ses inventions capricieuses manifestent ce tempérament : Vasari décrit longuement le Char de la Mort, construit par Piero en 1511, préparé « en secret » et dont le succès « considérable » tint au réalisme terrifiant de son « invention ». Bref, la thèse est claire : Piero est un « caractère », une « nature » ; il est le salvatico, le sauvage d'une société raffinée. Son personnage et son œuvre respirent le fantastique, l'onirique, le primitif. Le surréalisme voudra confirmer Vasari : lors de l'exposition qu'on lui consacre à New York en 1938, l'Allégorie, de Washington, est, par son obscurité même, rapprochée de l'invention libre des surréalistes ; Piero devient un précurseur, l'ancêtre lointain de l'inconscient libéré.
La Sainte Face de Lucques, Piero di Cosimo
Piero di Cosimo (1461 env.-1521), La Sainte Face de Lucques. Musée des Beaux-Arts de Budapest.
Crédits : Bridgeman Images
Les Infortunes de Silène, Piero di Cosimo
Piero di Cosimo (1461 env.-1521), Les Infortunes de Silène, huile sur bois de la série des Scènes de la vie de Silène, vers 1500. Fogg Art Museum, université Harvard Cambridge, États-Unis.
Crédits : Alpheus Hyatt Funds et Friends of Art, Archaeology and Music, Bridgeman Images
La Mort de Procris, P. di Cosimo
Piero di Cosimo (1461 env.-1521),La Mort de Procris. Vers 1495. Huile sur bois. 65 cm X 184 cm. The National Gallery, Londres.
Crédits : Bridgeman Images
Il faut nuancer très fortement ces jugements. L'invention bizarre de Cosimo n'est pas capricieuse, elle est savante. Erwin Panofsky a démontré, dès 1937, que ses panneaux les plus « primitifs » (Scène de chasse, Retour de la chasse, Metropolitan Museum de New York ; Paysage aux animaux, Ashmolean Museum d'Oxford) s'appuient sur une tradition précise de l'histoire de l'évolution humaine, sur Lucrèce, Pline, Vitruve. Le fantastique de Piero tient à ce qu'il n'idéalise pas la vie primitive, il l'actualise au contraire : « Il rend réelles les premières phases de l'histoire universelle. Les plus imaginaires de ses créatures ne sont qu'une application de théories évolutionnistes sérieuses. » Loin d'être onirique, le fantastique vient d'une volonté de véracité fondée sur des conceptions proprement scientifiques.
L'attention aux premiers âges de l'humanité est courante à l'époque : l'humanisme veut glorifier l'activité civilisatrice qui épure la nature. Mais la position de Piero reste originale. Son « primitivisme dur » sympathise avec « l'essor de l'humanité hors de la condition bestiale de l'âge de pierre » ; cependant, « il regrettait qu'on s'aventurât au-delà de cette phase non sophistiquée qu'il eût nommée règne de Vulcain et de Dionysos » (Panofsky). La déchirante douceur de la Mort de Procris (National Gallery, Londres), le mélange heureux de l'humain et de la nature primitive dans la Découverte du miel (Worcester Art Museum, Mass.) témoignent de cette nostalgie pour une époque où le contact intime avec la nature n'avait pas été compromis par une civilisation devenue oppressive.
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 3 pages
Écrit par :
- Daniel ARASSE : agrégé de l'Université
Classification
Autres références
« PIERO DI COSIMO (1461-env. 1521) » est également traité dans :
TOSCANE
Dans le chapitre « La Florence de Laurent le Magnifique » : […] La grande époque de Florence c'est, selon la tradition historiographique, celle de Laurent de Médicis (1449-1492). Maître « magnifique » d'une cité pacifiée, poète et politique, il se voue aux arts et aux études humanistes, formé par Cristoforo Landino, Marsile Ficin et Leon Battista Alberti (1404-1472). Ce dernier, principalement architecte, mais aussi humaniste complet, laissa des traités qui c […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Daniel ARASSE, « PIERO DI COSIMO (1461-env. 1521) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 16 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/piero-di-cosimo/