PHONONS

Les phonons, ou vibrations collectives d'un ensemble d'atomes en interactions, représentent un des aspects les plus importants de la physique des solides. Ils interviennent dans des propriétés aussi diverses que la propagation d'ondes sonores, la chaleur spécifique, la conductivité thermique et électrique, la supraconductivité, la ferro-électricité. On peut comprendre l'existence de telles vibrations à partir des interactions de chaque atome avec ses voisins : si on impose localement, à la surface par exemple, un mouvement perturbateur qui déplace un certain nombre d'atomes de leur position d'équilibre, ceux-ci agissent sur leurs voisins, et la perturbation locale de départ s'étend de proche en proche au solide tout entier sous forme d'un mouvement collectif. Dans l'approximation classique où l'on assimile le solide à un continuum élastique, on peut montrer que le mouvement le plus général est la superposition d'ondes progressives de la forme :

u0 est l'amplitude de la déformation, ν = ω/2 π la fréquence de vibration, λ = 2 π/k la longueur d'onde et v = ω/k la vitesse de phase de l'onde. Celle-ci est indépendante de la fréquence ; en revanche, elle dépend de l'orientation de u0 par rapport au vecteur d'onde k. Mais on sait que, à l'échelle des atomes, il faut remplacer la mécanique classique par la mécanique quantique ; celle-ci implique une quantification de l'énergie εk de l'onde, c'està-dire εk = (nk + 1/2)ωk, où nk est un nombre entier et la constante de Planck. On peut aussi définir une impulsion p du cristal, quantifiée en unités de k. Tout cela permet d'introduire le langage corpusculaire, qui assimile une onde à un ensemble de nk quasiparticules, ou phonons d'énergie ωk et d'impulsion k.

Nature des phonons

Modes de vibrations acoustiques et optiques

Chaînes atomique et moléculaire : dispersion - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chaînes atomique et moléculaire : dispersion

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Il est instructif d'analyser d'abord les modes de vibration de chaînes unidimensionnelles d'atomes. Nous allons considérer deux cas : d'une part, une chaîne d'atomes de masse M positionnés en xn = na ; d'autre part, une chaîne moléculaire avec des molécules M2 formées de deux atomes identiques positionnés en xn = na et na + d (avec d < a/2). On admettra, dans ce second cas, qu'il y a à la fois des forces intramoléculaires et intermoléculaires.

Chaque atome vibre autour de sa position d'équilibre dans le puits de potentiel créé par ses voisins : ce potentiel est parabolique pour les mouvements de faible amplitude, c'est-à-dire que les forces interatomiques sont assimilées à des ressorts de constante α1 (dans le premier cas), et α1 et α2 (dans le second cas). On dit que l'on est dans l'« approximation harmonique ». Si on cherche des solutions de la forme un(t ) ∼ ei(ωtkna) (avec r = na), on peut montrer qu'elles peuvent être représentées par des courbes de dispersion ω(k) qui donnent les fréquences de vibration permises pour un vecteur d'onde k donné. Dans le premier cas, on obtient ainsi une seule courbe de dispersion, qui est linéaire (ω = vk) au voisinage de k = 0 ; cela justifie le nom de « branche acoustique » donné à cette courbe. Remarquons également qu'il existe une fréquence de vibration maximale pour k = ± π/a.

Pour le second cas, on obtient deux branches : une branche acoustique et une branche optique ; ω dépend peu de k pour cette dernière branche et sa valeur est, en première approximation, égale à la fréquence de vibration de la molécule M2 ; cette dernière valeur est un peu élargie par les couplages intermoléculaires. Signalons qu'une différence de masse entre les deux atomes de la molécule conduit également à un élargissement de la branche optique. La figure montre également les amplitudes de vibration lorsque k est voisin de 0 : on remarque surtout que les vibrations sont en opposition de phase pour les deux atomes d'une même molécule. C'est de là que vient l'appellation « optique » pour cette branche : de telles vibrations sont facilement excitées par le champ électrique de la lumière si les deux masses portent des charges opposées, comme c'est le cas dans les cristaux ioniques.

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Dans le cas général à trois dimensions et avec r atomes par maille élémentaire, on peut montrer qu'il y a 3r branches de phonons : 3 branches acoustiques, dont deux sont essentiellement transverses (u0 ⊥ k) et une longitudinale (u0//k), et 3(r − 1) branches optiques. Les valeurs physiquement significatives sont contenues dans la première zone, dite de « Brillouin » (entre ± π/a pour la ), et le nombre de vibrations indépendantes est égal à 3rN, où N est le nombre de mailles élémentaires dans le solide.

L'existence d'un nombre fini, quoique considérable, de modes de vibration est liée aux limites imposées aux mouvements des atomes à la surface du solide.

Détermination des courbes de dispersion ω(k)

Pour déterminer les courbes de dispersion, on fait interagir le cristal avec un rayonnement externe (rayons X, lumière, neutrons). Les neutrons, par exemple, voient le cristal et ses mouvements, par l'intermédiaire de leurs interactions avec le noyau ; au cours de l'interaction, le neutron ou le photon peut absorber (ou émettre) un phonon : on dit que la particule incidente est diffusée inélastiquement. Le vecteur d'onde de la particule incidente change de p en p′ et son énergie de E en E′, de telle manière que :

Interactions entre phonons et d'autres particules - crédits : Encyclopædia Universalis France

Interactions entre phonons et d'autres particules

Remarquons que la quantité de mouvement n'est conservée qu'à un vecteur G du réseau réciproque près : cela résulte de la symétrie de translation du cristal. On peut remonter aux courbes de dispersion en mesurant les angles de diffusion et l'énergie des particules diffusées. Cette méthode est particulièrement puissante dans le cas des neutrons, qui peuvent avoir à la fois des vecteurs d'onde et des énergies adaptés à ceux des phonons, sur toute la gamme des valeurs de ω et k. En revanche, la résolution est moindre dans le cas des rayons X et de la lumière.

Pour la lumière, on parle de « diffusion Raman » quand les phonons sont optiques, et de « diffusion Brillouin » quand ils sont acoustiques.

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Chaînes atomique et moléculaire : dispersion - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chaînes atomique et moléculaire : dispersion

Interactions entre phonons et d'autres particules - crédits : Encyclopædia Universalis France

Interactions entre phonons et d'autres particules

Modes mous - crédits : Encyclopædia Universalis France

Modes mous

Autres références

  • BOSONS ÉLÉMENTAIRES

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    Signalons pour terminer l’importance des bosons comme quasi-particules décrivant le comportement collectif des atomes d’un solide. Lesphonons représentent les vibrations collectives d'un ensemble d'atomes en interactions, lorsqu’on passe d’une description classique à une description quantique...
  • BOSONS ET FERMIONS

    • Écrit par
    • 1 709 mots
    • 1 média
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  • HYPERSONS

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    À côté de l'interactionphonon acoustique-phonon thermique responsable de l'atténuation des hypersons, de nombreux autres effets d'interactions peuvent exister : l'effet des dislocations, la diffraction par les défauts cristallins, les effets thermo-élastique, acousto-électrique dans les milieux...
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    ...ayant un fort moment dipolaire – les molécules d’eau, par exemple – ainsi qu’avec certains cristaux, par l’excitation de leurs vibrations collectives (ce qu’on appelle les phonons) et la libération de porteurs de charges libres dans le cas de métaux ou de semi-conducteurs. La capacité de l’onde...
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