PHONOLOGIE
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Origines et problématiques de la phonologie
La phonologie est née presque simultanément en 1925, aux États-Unis, avec les travaux de Sapir puis ceux de Bloomfield et, en 1928, en Europe, avec les travaux du Cercle linguistique de Prague, dont Troubetzkoy et Jakobson furent les principaux animateurs.
Mais, avant ces débuts officiels, la phonologie avait été largement pressentie, soit par des précurseurs, comme Saussure ou Baudouin de Courtenay, soit par des phonéticiens comme Sweet ou Passy, soit, plus loin de nous, par les « inventeurs » d'écritures alphabétiques et par ceux qui, de tout temps, ont voulu décrire les sons d'une langue.
D'une manière générale, l'intuition des unités linguistiques minimales liée à de bonnes connaissances phonétiques a souvent conduit à présenter des systèmes phoniques proches de ceux que permet de dégager l'analyse phonologique.
L'une des origines de la phonologie réside donc dans sa relation à la phonétique. Avec le développement de la phonétique expérimentale et l'affinement des observations portant sur les caractéristiques physiques des sons apparaît un besoin de hiérarchisation. Ne pas se perdre dans les détails d'une analyse physique, qui voit ses limites constamment élargies par l'apparition de nouvelles techniques, est l'une des préoccupations majeures de phonéticiens comme Sweet ou Passy.
Mais c'est principalement par le concept de phonème et donc par la distinction phonème/son que la phonologie va organiser son point de vue et différencier ainsi analyse linguistique et analyse physique. Cette distinction phonème/son a d'abord été exprimée à travers l'opposition réalité psychique/réalité physique. Qu'il s'agisse de Saussure ou de Sapir, le phonème a donc été appréhendé, au départ, comme l'équivalent psychique du son, reprenant ainsi la problématique de Baudouin de Courtenay qui opposait la psychophonétique (la phonologie) à la physiophonétique (la phonétique). Ceux qui, au départ, ont pensé la phonologie plus en rupture qu'en continuité par rapport à la phonétique ont donc été tentés par une définition psychique du phonème. Ceux qui, au contraire, ont vu en la phonologie plus de continuité que de rupture ont été tentés par une définition matérielle du phonème.
Pour ces derniers, le phonème est alors une classe de sons présentant certaines propriétés physiques (D. Jones) et distributionnelles (écoles postbloomfieldiennes).
Seuls les linguistes de l'école de Prague ont tenté d'échapper à cette dichotomie. Pour rompre avec l'identification du phonème à sa matérialité, Troubetzkoy utilise dans un premier temps la distinction saussurienne entre langue et parole. La phonologie est ainsi une science des sons de la langue (les phonèmes) alors que la phonétique est la science des sons de la parole. Toutefois, il se différencie de Saussure dans la mesure où il refuse d'identifier les unités de la langue en termes de psychisme ou de conscience. Chez Troubetzkoy, le phonème n'est ni psychique ni physique. C'est l'une des valeurs d'un système linguistique, le système phonologique ; quant à la matérialité de ses réalisations phoniques et aux traces qu'il laisse dans la conscience individuelle et collective des sujets, elles ne sont que les effets d'une réalité qui se situe d'abord sur le terrain linguistique. Cependant, quelles que soient leurs divergences, toutes ces phonologies peuvent être appréhendées comme une manière linguistique de conduire l'analyse phonétique. Ainsi A. Martinet, l'un des continuateurs de l'école de Prague, définit la phonologie comme « une phonétique fonctionnelle et structurale ».
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Écrit par :
- Jean Léonce DONEUX : professeur de sciences du langage à l'université de Provence, Aix-Marseille-I
- Véronique REY : linguiste, maître de conférences en sciences du langage, directeur du département des sciences du langage, Aix-en-Provence, université de Provence-Aix-Marseille-I
- Robert VION : docteur d'État, professeur de linguistique générale à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
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Pour citer l’article
Jean Léonce DONEUX, Véronique REY, Robert VION, « PHONOLOGIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/phonologie/