PHALLUS
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Le phallus dans la théorie psychanalytique
Se distinguant du terme « pénis », qui désigne l'organe sexuel mâle dans sa réalité anatomique, le terme de phallus s'est imposé dans la théorie psychanalytique pour connoter une fonction symbolique dont la mise en place est essentielle à la juste position du sujet humain quant au désir et dont les avatars sont du ressort des différents types de névroses et de perversions. La fonction phallique occupe une place essentielle dans le destin subjectif tant de l'homme que de la femme, et c'est justement ce qui, d'emblée, marque que l'ordre symbolique se détache chez l'homme de la réalité biologique pour lui imposer sa détermination propre.
La prééminence du terme phallique est, en fait, impliquée dès la découverte faite par Freud, très précocement, de l'étiologie sexuelle des névroses et du rapport électif de la sexualité avec le refoulement et donc avec l'inconscient comme tel : c'est presque d'emblée que la sexualité s'est révélée à Freud comme étant à l'origine du symptôme, dans la mesure même où elle est pour le sujet impasse, aporie et lieu de foncière insatisfaction. La notion prend sa pleine importance à mesure que la théorie freudienne est amenée, voire contrainte par l'expérience même, à centrer toute la dynamique de la névrose et de la cure psychanalytique sur le paradoxe que Freud n'hésite pas à mettre au cœur du « malaise dans la civilisation » : l'être humain, quel que soit son sexe, ne peut tenir son rôle dans la relation du couple que s'il a rompu son identification imaginaire au phallus, c'est-à-dire s'il a été marqué de la castration, et l'organe ne peut rejoindre sa fin biologique qu'en passant par cette condition qui l'élève à la fonction de phallus symbolique. C'est à titre de symbole que le sexuel trouve accès au monde humain, mais au prix, dès lors, d'un sacrifice qui s'inscrit au cœur de la subjectivité.
Le phallus signifie donc ce qui, dans la sexualité, ne peut pas être assumé par l'individu, ou, à proprement parler, ce qui est non subjectivable ; il connote le défaut du sujet à cet endroit, c'est-à-dire qu'il le constitue comme manquant, et du même coup comme désirant. Il est le « concept » de la jouissance, mais au sens où le concept est le meurtre de la chose en même temps que sa libération du hic et nunc ; il est le signifiant d'une jouissance mythique, mais d'une jouissance à laquelle, dès lors, on peut dire que c'est lui qui fait obstacle. C'est ce qui explique qu'il prenne sa place centrale dans la théorie psychanalytique à mesure même que la fonction de la parole s'y trouve reconnue comme déterminante : c'est ici l'axe même que Jacques Lacan a donné par son enseignement à la recherche psychanalytique, et ce n'est pas par hasard que Lacan ait, du même coup, contribué de façon décisive à recentrer la théorie freudienne sur la question du phallus et sur la fonction paternelle.
La phase phallique selon Freud
La découverte de la phase phallique équivaut à reconnaître la suprématie de l'ordre symbolique par rapport au réel et à l'imaginaire, c'est-à-dire à reconnaître, quant à la détermination du sujet, l'antériorité logique du signifiant par rapport à tout effet de signifié.
La découverte par Freud du complexe d'Œdipe impliquait déjà, en effet, la reconnaissance d'un terme tiers comme nécessaire pour rendre compte de la complexité de la structuration subjective : rien de décisif ne peut se fonder, en ce qui concerne la subjectivité, à partir d'un rapport entre deux termes (la mère et l'enfant en l'occurrence) ; et le complexe d'Œdipe fait intervenir dans son caractère irréductible la fonction paternelle, qui introduit dans cette relation la médiation de l'interdiction : c'est le registre de la Loi. Cependant, pour peu que la rivalité entre le père et l'enfant, par exemple, occupe le devant de la scène et mette l'accent sur la dimension imaginaire du complexe, l'essence du symbolique peut être occultée, et cela dans la théorie elle-même.
Il n'en va plus ainsi à partir du moment où Freud est amené à décrire la phase phallique comme étape cruciale de l'évolution libidinale, en la prése [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 9 pages
Écrit par :
- Claude CONTÉ : psychanalyste, ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris
- Maurice OLENDER : assistant associé à l'École pratique des hautes études, (Ve section, sciences religieuses)
- Moustapha SAFOUAN : psychanalyste
Classification
Autres références
« PHALLUS » est également traité dans :
CASTRATION, psychanalyse
Bien que la hantise de la castration ait laissé son empreinte sur la Traumdeutung ( L'Interprétation des rêves ), la notion n'en a été dégagée par Freud qu'à une époque tardive, dans le contexte initial de l'homosexualité et de la phobie infantile. S'agit-il d'abord du garçon, c'est de la sexualité de la mère qu'émane la question qui se pose à lui dans sa troisième année : particulièrement intére […] Lire la suite
DÉNI, psychanalyse
Terme utilisé en psychanalyse et qui se distingue notamment de celui de négation et de dénégation ( Verneinung ). Le déni ( Verleugnung ), ce qu'on peut traduire aussi par « désaveu » ou « répudiation » (cf. le disavowal anglais), est un mode de défense particulier, où le sujet refuse de reconnaître la réalité d'une perception traumatisante tout en la reconnaissant d'une certaine manière. Verleug […] Lire la suite
DIFFÉRENCE SEXUELLE (psychanalyse)
Dans le chapitre « Repenser la binarité » : […] Un des premiers points du débat, du vivant même de Freud, fut la question de la sexuation de la libido. Pour Freud, il n'y a qu'une seule libido, mise au service de la fonction sexuelle masculine aussi bien que féminine. Mais la question d'une libido féminine, s'ancrant dans le somatique, fut vite posée par Karl Abraham, Ernest Jones ou Karen Horney. L'enfant fille n'avait-elle pas l'expérience d […] Lire la suite
ÉROTISME
Dans le chapitre « Antiquité gréco-romaine » : […] Peu de gens se rendent compte aujourd'hui qu'à l'origine de ce qui a été jusqu'à hier un des fondements de notre art, le nu, il y eut une disposition psychologique particulière des Grecs. Le culte de la nudité absolue était pour les Grecs une conséquence de leur idée de la perfection humaine ; il revêtait donc un aspect éthique, et non seulement physique ; conscients de ce qui était implicite dans […] Lire la suite
LACAN JACQUES (1901-1981)
Dans le chapitre « L'algorithme et le signifiant » : […] Lacan emprunte à Ferdinand de Saussure le terme de « signifiant », en le subvertissant à peu près complètement. L'homologie des structures devait le mener à théoriser celle de l'inconscient à partir de l'algorithme saussurien ( signifiant/signifié ), dans la mesure où il était lui-même un élément de la structure du langage. Saussure inscrit le signifiant en regard du signifié comme l'autre face in […] Lire la suite
ŒDIPE COMPLEXE D'
Dans le chapitre « La castration » : […] La question décisive du complexe d'Œdipe, c'est celle de sa fin : de ce qui y met fin et pose, à la limite, la nécessité de sa destruction (indique comme limite sa destruction), et pourtant laisse à la fin ce reste, notre destin, cette voix du dehors qui résonne encore en nous. Problème, celui de l'interminable, sur lequel vient buter la pensée de Freud : butée en effet, écueil où doit se briser, […] Lire la suite
PRIAPE
Étrange est le destin de ce petit dieu nommé Priape, que les auteurs anciens et modernes n'ont cessé de confondre avec d'autres figures de la sexualité, avec Pan ou les satyres, mais aussi avec son père Dionysos ou avec Hermaphrodite. Cela tient sans doute à ce que la marque congénitale de Priape est un membre viril démesuré et à ce que l'on a souvent eu tendance à identifier à ce dieu ithyphalliq […] Lire la suite
PSYCHANALYSE
Dans le chapitre « Une logique de l'impossible » : […] Mais quel statut conférer à cette écriture ? Et dans quelle mesure satisfait-elle aux exigences de théorisation portées par l'expérience analytique ? Les séminaires développés dans la dernière décennie de l'œuvre de Lacan donneront pour thème directeur à cette réflexion critique l'exclusion du rapport sexuel du champ de l'écriture logique. En d'autres termes : nous aurions à montrer, d'une part, à […] Lire la suite
SEXUALITÉ, psychanalyse
Dans le chapitre « Des pulsions partielles au concept de castration » : […] De fait, la théorie psychanalytique ne pouvait éviter d'interroger de plus près le rapport de difficile voisinage du sexuel et du psychique ; et c'est ce qu'aborde Freud avec la théorie des pulsions. Ce qu'il faut retenir de l'expérience sur ce point, c'est que la sexualité n'est représentée dans le psychisme, n'y a son accès et son efficacité que sous la forme de « pulsions partielles », c'est-à […] Lire la suite
SUJET
Dans le chapitre « Le signifiant et le désir » : […] Le sujet se définit comme l'effet du signifiant ; mais le signifiant ne cesse d'effacer la trace du sujet grâce auquel il déroule ses chaînes. Ce que Lacan résume dans la formule suivante : « Le signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant. » Si le sujet est représenté par le signifiant, ce n'est pas pour un autre sujet : un signe y suffirait. Si le sujet est représenté par l […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Claude CONTÉ, Maurice OLENDER, Moustapha SAFOUAN, « PHALLUS », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/phallus/