PAMUK ORHAN (1952- )
La langue d'Orhan Pamuk
Bien que son expression soit parfaitement accessible au grand public, Orhan Pamuk s'est dégagé très tôt de l'obligation à laquelle s'astreignait l'intelligentsia turque républicaine, à savoir écrire dans une langue « pure » ou « purifiée », alors que la plupart de ses contemporains ont été soumis à la férule d'une réforme linguistique radicale qui, en l'espace d'un demi-siècle (1933-1983), a littéralement transformé le vocabulaire de la langue turque. Une grande partie des emprunts linguistiques arabo-persans, massivement introduits pendant des siècles ottomans, ont été rejetés. Dès son premier roman, Orhan Pamuk a choisi de s'exprimer à contre-courant, sans se soucier de purisme ni d'être taxé de passéisme linguistique.
Influencé par Jorge Luis Borges, il se complaît dans les jeux de miroir. En vrai créateur, il aime jouer avec les mots, les histoires et le destin des hommes pour tendre vers le rêve flaubertien : écrire « un livre sur rien ». Mais ce « rien », ce « gadget moderne » qui est le roman, écrit-il, est l'une des plus grandes inventions que l'Europe ait jamais réalisées. C'est le seul recours à l'impasse de la condition humaine, car l'imagination romanesque lui permet de se transformer.
Contrairement à des auteurs plus « spécialisés », Orhan Pamuk apparaît comme un écrivain polyvalent capable de faire siens tous les espaces d'expression, y compris la pure fiction ; il n'hésite pas à faire appel à l'histoire, à utiliser et à mettre à profit les savoirs populaires, les arts savants des temps anciens.
Homme de persévérance, l'écrivain doit découvrir l'être caché à l'intérieur de lui-même et le construire patiemment, mot à mot, ligne à ligne, livre après livre. Orhan Pamuk est un créateur ouvert, en mutation constante. Loin de l'image romantique de l'artiste soumis aux caprices de son inspiration, il se considère plutôt comme un artisan. Plus qu'à la force de l'imagination, il croit à la vertu de la recherche et du travail. Pour y parvenir, il privilégie la nécessité du retour sur soi et prend ses distances avec la société pour s'isoler devant la feuille blanche. Le prix Nobel qui lui a été décerné en 2006 couronne une œuvre déjà importante, mais qui reste aussi en devenir.
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Écrit par
- Michel BOZDÉMIR : professeur émérite de langue et civilisation turques
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Média
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