OPÉRA Le renouveau de l'opéra baroque
Année 1925. Les historiens ne tiennent pas 1925 pour une année faste de l'opéra baroque. Cette année-là, Mussolini et Staline s'arrogent de nouveaux pouvoirs. Tandis que paraît Le Procès de Franz Kafka, que Lion Feuchtwanger publie Le Juif Süss et Adolf Hitler Mein Kampf, Bernard Shaw reçoit le prix Nobel de littérature. Eisenstein montre son Cuirassé Potemkine et Chaplin sa Ruée vers l'or. Kandinsky peint Dans le bleu et Picasso Les Trois Danseurs. En pleine euphorie Art déco éclate le surréalisme. Erik Satie meurt à Paris. Aaron Copland et Dmitri Chostakovitch donnent leurs premières symphonies. Doktor Faust de Ferruccio Busoni, L'Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel et Wozzeck d'Alban Berg font leur entrée dans les maisons d'opéra. La machine musicale, comme les autres machines, tourne à plein régime.
L'année 1925 est pourtant celle d'une exhumation capitale : après trois siècles d'oubli, Il Ritorno d'Ulisse in patria de Claudio Monteverdi sort de l'ombre, d'abord sous forme de fragments et en concert à Bruxelles, puis en scène dans l'arrangement de Vincent d'Indy à Paris, le 16 mai. C'est aussi en 1925 que commence la guerre des styles, par un autre opéra de Monteverdi, L'Orfeo, dont Carl Orff propose en Allemagne une version résolument moderne tandis que le tout jeune musicologue Jack Westrup ouvre, avec un orchestre moderne puisqu'il n'en connaît pas d'autre, la voie « authentique ». La première réalisation scénique de Semele, le 10 février à Cambridge, annonce le départ des chercheurs et des musiciens anglais à la conquête des opéras de Georg Friedrich Haendel, domaine occupé, depuis peu mais avec quelle ardeur ! par les forces germaniques : entre la fondation du festival de Göttingen en 1920 et le départ de son fondateur Oskar Hagen pour les États-Unis en 1925, près de quarante villes d'Allemagne auront entendu un opéra de Haendel. Enfin, 1925 célèbre les retrouvailles de l'Opéra de Paris avec son père, Jean-Baptiste Lully, lequel fait ses premiers pas sur la scène du Palais-Garnier le 6 janvier au son du Triomphe de l'Amour, « ballet royal » revu et corrigé par André Caplet. L'opéra baroque entamait sa renaissance.
Avant 1925

Jean-Baptiste Pergolèse
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Jean-Baptiste Pergolèse
Le compositeur italien Jean-Baptiste Pergolèse (1710-1736), auteur du premier chef-d'œvre de…
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Ces trésors ne surgissent évidemment pas du néant. Il y eut un avant-1925. Une poignée d'ouvrages populaires s'était maintenue au répertoire. La serva padrona de Jean-Baptiste Pergolèse (Naples, 1733), intermède le plus fameux et le plus imité au cours du xviiie siècle, courut l'Europe de Vienne à Barcelone, de Prague à Copenhague, de Dublin à Paris (où elle déclencha en 1752 la querelle des Bouffons), avant de se reposer quelques années au début du xixe pour mieux ressurgir à l'Opéra-Comique (1862), à Florence (1870), à Londres (1873), à Stockholm (1881), un peu partout sans disparaître jamais. Dido and Aeneas de Purcell (Chelsea, 1689 ?) connut une fortune plus tardive mais prit place définitivement au répertoire après l'exécution donnée par la Gluck Society à Londres au cours de l'été de 1878. Acis and Galatea, le masque anglais de Haendel (Cannons, 1718), émigra à Stockholm dès 1773 pour, à la suite d'un concert de bienfaisance donné le 22 juin 1829 (année où Felix Mendelssohn ressuscitait la Passion selon saint Matthieu à Berlin), ne plus quitter l'affiche londonienne ; on le verra même en 1842 à New York, et en 1922 à Munich sous la direction de Bruno Walter. Ces rares créatures, capables de survivre au milieu des Rigoletto, Lohengrin et Bohème, se comptent sur les doigts d'une seule main. Il convient toutefois de leur adjoindre quelques retours, expérimentaux en leur temps mais promis à la fortune.
Le 8 avril 1832, le compositeur, collectionneur et musicographe François-Joseph Fétis donne[...]
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Ivan A. ALEXANDRE, « OPÉRA - Le renouveau de l'opéra baroque », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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