RÉELS NOMBRES
Les nombres comme solutions d'équations
Numérisation des raisons
Dans La mesure du cercle d' Archimède, nous avons déjà noté des approximations de raisons non rationnelles par des rapports rationnels. Ainsi √ a 2 + b est-il approximé par a + (b/2a) (méthode dite de Héron, mais en fait beaucoup plus ancienne) ou par a + (b/(2a + 1)). Dans le développement de ce type d'approximations, porteur de tout un courant numéricien, la géométrie et la théorie des proportions sont souvent requises à titre de justification ou d'illustration, mais on sent aussi la vigueur d'un courant de nature algébrique, traitant les opérations sur les nombres entiers ou rationnels comme un but en soi. Un vocabulaire particulier en résulte, qui parle par exemple d'additionner une circonférence à un diamètre, c'est-à-dire assimile pour le calcul une raison à un nombre, ou plutôt numérise le domaine des raisons.
Chez Diophante, ce langage est porté par un symbolisme notationnel qui est le rudiment des futures notations algébriques. Diophante insiste sur la résolution d'équations indéterminées du type :

On trouve une attitude semblable chez les mathématiciens indiens ou arabes, avec quelquefois des remords de conscience, comme chez Omar Khayyam (1048-1122), et des retours à la stricte obédience euclidienne. Partant les méthodes algébriques se systématisent, de pair avec les approximations numériques. Les mathématiciens chinois, sur lesquels l'influence euclidienne est virtuellement nulle, ont un traitement purement algébrique, qui ne fait pas de différence essentielle entre un nombre rationnel irréductible p/q, lorsque les nombres p et q sont assez grands, et un nombre irrationnel.
Les rencontres entre ce courant algébrique et le tradition euclidienne, plus ou moins bien transmise, ne sont pas rares. En voici un exemple typique, dû à Léonard de Pise ( Leonardo Fibonacci). La méthode de l'alternance des signes permet de voir que l'équation polynomiale :



Classification des nombres réels
Ainsi, la classification euclidienne, fondée sur la géométrie, est insuffisante pour les problèmes de résolution d'équations. On tient là l'embryon de la classification purement algébrique des nombres réels, qui remonte à Legendre (1752-1833). On appelle nombre algébrique toute solution d'une équation polynomiale à coefficients entiers (relatifs) ; ainsi √2 est-il algébrique comme solution de x 2 − 2 = 0. La racine étudiée par Fibonacci est aussi algébrique.
Par contraste, les autres nombres sont dits transcendants. Cette classification étonne car, à l'époque où elle fut donnée, il était impossible de fournir un seul exemple de [...]
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Écrit par
- Jean DHOMBRES : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Pour citer cet article
Jean DHOMBRES, « RÉELS NOMBRES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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Voir aussi
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