ṬŪSĪ MUḤAMMAD IBN MUḤAMMAD NAṢĪR AL-DĪN AL- (1201-1274)

Philosophe, scientifique et mathématicien persan, né le 18 février 1201 à Ṭūs (Khūrāsān), mort le 26 juin 1274 à Bagdad.

Naṣīr al-Dīn al-Ṭūsī, de son vrai nom Muḥammad ibn Muḥammad ibn al-Ḥasan al-Ṭūsī, commence son apprentissage à Ṭūs, où son père est juriste à l'école du douzième Imām, principale secte shī‘ite. Il termine cependant son éducation à Nīshāpūr, environ 80 kilomètres à l'est de la ville. Ce déménagement est une sage décision car Gengis Khan, après avoir conquis Pékin en 1215, tourne son regard vers le monde islamique et atteint la région de Ṭūs en 1220. Vers 1227, le gouverneur ismaélite Naṣīr al-Dīn ‘Abd al-Raḥīm offre refuge à al-Ṭūsī dans sa forteresse montagnarde de Khūrāsān. Ce dernier lui dédie en retour son plus célèbre ouvrage, Akhlāq-e nāsirī (1232, « Éthique »), avant d'être invité à demeurer dans la capitale, à Alamūt, où il épouse la foi ismaélite sous les encouragements du nouvel imām, ‘Ala’ al-Dīn Muḥammad. (Cet État ismaélite naît en 1090 lors de la conquête d'Alamūt par Ḥāsan al-Ṣabbāh et disparaît avec la prise de la ville par les Mongols en 1256.) Pendant cette période, al-Ṭūsī écrit divers ouvrages sur la théologie ismaélite (Kitāb-e Rawdat al-taslīm yā Taṣawwūrāt, traduit sous le titre La Convocation d'Alamut : somme de philosophie ismaélienne), la logique (Asās al-iqtibās, « Fondement de l'inférence ») et les mathématiques (Tahrir al-Majiṣtī, « Commentaire sur l'Almageste »).

Lorsqu'en 1256 Alamūt tombe aux mains d'Hūlāgū (1217 env.-1265), le petit-fils de Gengis Khan, al-Ṭūsī accepte immédiatement le poste de conseiller scientifique du nouveau souverain. (La rapidité avec laquelle il se met au service des Mongols lui vaudra d'être accusé d'avoir feint sa conversion à l'ismaélisme et fera naître des rumeurs selon lesquelles il aurait révélé les défenses de la cité.) Al-Ṭūsī épouse une Mongole, puis est nommé ministre des dons religieux. Sa présence lors de la prise de Bagdad par les Mongols en 1258 demeure sujette à controverse, bien qu'il ait certainement visité les villes shī‘ites des environs peu de temps après l'événement. Mettant à profit la croyance d'Hūlāgū dans l'astrologie, al-Ṭūsī obtient son appui en 1259 pour construire un magnifique observatoire (achevé en 1262) à proximité de Marāgha (auj. en Azerbaïdjan), capitale de la région perse sur laquelle règne Hūlāgū. Plus qu'un observatoire, le bâtiment abrite une bibliothèque de premier ordre dans laquelle Hūlāgū fait venir d'éminents savants islamiques et chinois. Financée par une dotation, cette institution poursuivra ses recherches au moins vingt-cinq ans après la mort d'al-Ṭūsī et certains de ses instruments astronomiques inspireront ceux construits par la suite à Samarcande.

Al-Ṭūsī est un homme d'une exceptionnelle érudition. Il rédige près de 150 ouvrages en arabe, en persan et en turc et traduit en arabe les œuvres d'Euclide, d'Archimède, de Ptolémée, d'Autolycos de Pitane et de Théodose. Il apporte en outre une contribution originale aux mathématiques et à l'astronomie. Ses tables des Īlkhān (Zīj-i Īlkhāni, 1271), fondées sur les recherches menées à l'observatoire de Marāgha, présentent avec une très grande précision le mouvement des planètes. L'ouvrage d'al-Ṭūsī ayant le plus influencé l'Occident est peut-être al-Tadhkira fi’ilm al-hay‘a (« Trésor d'astronomie »). Il décrit une construction géométrique, aujourd'hui appelée couple d'al-Ṭūsī, permettant de déplacer de façon rectiligne un point d'un petit cercle qui tourne à l'intérieur d'un second cercle, plus grand. Grâce à cette construction, al-Ṭūsī améliore le modèle planétaire de[...]

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E.U., « ṬŪSĪ MUḤAMMAD IBN MUḤAMMAD NAṢĪR AL-DĪN AL- (1201-1274) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Autres références

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    • 51 674 mots
    • 2 médias
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  • ISLAM (La civilisation islamique) - La philosophie

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    [...]délivre les fidèles du joug de la loi. Le bilan métaphysique de cette révolution fut tiré plus tard par l'esprit universel que fut Nasīr al-Dīn Tūsī (1201-1274) dans ses Tasawwūrāt. Mieux, ce penseur, d'abord ismaélien, rallié ensuite au shī‘isme duodécimain, illustre les divers[...]
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Voir aussi