MÉDICAMENTS

Droit à la santé par le médicament

L'homme moderne proclame son droit à la santé, dont le médicament est l'un des instruments. Il n'est pas d'acte médical qui ne soit accompagné aujourd'hui de la prescription de médicaments. On observe aussi la pratique de l'« automédication » avec ses dangers. Il existe des règles de « bon usage » du médicament.

Aussi assiste-t-on dans les pays évolués à un accroissement continu de la consommation pharmaceutique, en rapport avec l'élévation du niveau de vie, qui entraîne une prise de conscience sanitaire du public. Comme les thérapeutiques sont de plus en plus coûteuses, chez toutes les nations où les organismes officiels remboursent une partie des frais médico-pharmaceutiques et notamment en France, on parle d'une « surconsommation médicale » et de ses dangers pour l'économie du pays et cependant la sous-consomation de médicaments est dramatique dans beaucoup de pays en développement, chez lesquels les besoins sont particulièrement aigus, comme dans les régions intertropicales, ce qui pose le problème crucial de l’accès aux médicaments.

— Paul-Étienne BARRAL

Jamais comme aujourd'hui les paradoxes qui caractérisent le monde du médicament n'étaient apparus aussi éclatants ; jamais non plus les multinationales pharmaceutiques n'avaient à ce point été mises en cause dans ce qui fait le fondement éthique de leur existence. C'est une nouvelle fois la pandémie de sida qui a joué ici un puissant rôle de révélateur des profondes et, depuis peu, insupportables contradictions de nos sociétés, incapables d'organiser la juste répartition et distribution des richesses thérapeutiques qu'elles produisent.

Dix ans après son apparition, le sida semblait encore être, au début des années 1990, une affection virale d'un genre nouveau face à laquelle on ne disposerait longtemps d'aucune parade médicamenteuse. C'était compter sans le dynamisme et la puissance de la recherche et du développement des principales multinationales pharmaceutiques qui avaient investi largement dans le secteur longtemps délaissé des médicaments antiviraux. Ces investissements portèrent assez rapidement leurs fruits et permirent la mise au point d'une branche nouvelle de la pharmacopée, composée d'antiprotéases, molécules spécifiquement actives contre le virus du sida. Si elles ne permettent pas stricto sensu d'obtenir la guérison de la maladie, les « trithérapies » (terme qui désigne les associations d'antiprotéases) freinent, dans la grande majorité des cas, la progression de l'infection, pour faire du sida une affection chronique, ce qui accroît dans des proportions très importantes l'espérance de vie des personnes infectées.

À une autre époque, on aurait sans aucun doute unanimement salué la performance scientifique et pharmaceutique des chercheurs et des multinationales du médicament œuvrant conjointement au service de la santé humaine. La mise au point des antiprotéases et l'apprentissage du maniement des trithérapies auraient été perçus comme l'ont été, un demi-siècle auparavant, la découverte de la pénicilline et celle des antibiotiques. Médecins et chercheurs auraient parlé au nom de la communauté des malades et l'opinion aurait de la sorte légitimement nourri une confiance renforcée dans les progrès de la médecine et de la science. Tel ne fut pas le cas. Dès la mise au point de ces nouveaux outils thérapeutiques, les multinationales du médicament, loin d'être saluées, furent rapidement bousculées par les associations de malades, ces dernières pressant les fabricants et les pouvoirs publics de faciliter au plus vite l'accès à ces molécules devenues synonymes de survie.

De l'épreuve de force au partenariat

La situation créée dans la[...]

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Écrit par

  • Paul-Étienne BARRAL : économiste (Rhône Poulenc Santé)
  • E.U. : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
  • Hélène MOYSE : docteur en pharmacie, ancienne assistante à la faculté de pharmacie de Paris
  • Jean-Yves NAU : docteur en médecine, journaliste, chroniqueur médical sur le site d'information Slate.fr
  • Michel PARIS : professeur à l'université de Paris-XI, Orsay, professeur de pharmacologie à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry
  • René Raymond PARIS : professeur émérite de la faculté de pharmacie de Paris, ancien directeur au laboratoire national de la santé publique, Paris, membre de l'Académie nationale de pharmacie

Classification

Pour citer cet article

Paul-Étienne BARRAL, E.U., Hélène MOYSE, Jean-Yves NAU, Michel PARIS, René Raymond PARIS, « MÉDICAMENTS », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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  • ALLERGIE & HYPERSENSIBILITÉ

    • Écrit par Bernard HALPERN, Georges HALPERN, Salah MECHERI, Jean-Pierre REVILLARD
    • 69 149 mots
    • 2 médias
    [...]qui relèvent de mécanismes non immunologiques, c'est-à-dire qui ne comportent pas une étape de reconnaissance spécifique de l'antigène. L'introduction d'un médicament dans l'organisme peut donner lieu à une réaction immunitaire avec production d'anticorps et de lymphocytes T reconnaissant l'agent médicamenteux[...]
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  • ANALGÉSIQUES ET ANTALGIQUES

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    • 22 640 mots
    • 2 médias
    En 1860, à Göttingen, Albert Niemann (1834-1861) isola, à partir d'un extrait de feuilles de coca, un alcaloïde qu'il baptisa cocaïne et qui fut considéré comme un simple stimulant, voisin de la caféine. À Vienne, Carl Koller et Sigmund Freud avaient constaté que les cristaux[...]
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