DURAS MARGUERITE (1914-1996)
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Du roman aux zones limites
Marguerite Donnadieu est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, agglomération au nord de Saigon, dans une famille de petits fonctionnaires français. Le pseudonyme de Duras lui vient d'une commune du sud-ouest de la France, lieu d'origine de la famille paternelle. Son père meurt en 1918, et sa mère, institutrice, reste seule avec Marguerite et ses deux frères plus âgés : le « grand frère » – l'ennemi, le dépravé – et le « petit frère », celui dont elle partage tous les jeux. La mère achète une concession à Vinh Long sur les bords du Mékong. Or sa propriété se révèle incultivable, envahie régulièrement par la mer, malgré le barrage qu'elle tente d'ériger contre le Pacifique. La mère, proche de la folie, manifeste une vraie préférence pour le frère aîné qui, longtemps après, finira de la dépouiller. À l'âge de douze ans, Marguerite connaît une crise très grave avant son départ pour le pensionnat de Saigon. Elle y est fascinée par la beauté et l'histoire d'une femme de la colonie européenne, Elizabeth Striedter, qui deviendra dans son œuvre Anne-Marie Stretter. Elle y rencontre celui qui sera l'amant chinois.
Son retour en France en 1932 est définitif : jamais elle ne reviendra dans ces colonies des deltas d'Extrême-Orient. Après son baccalauréat de philosophie, elle fait des études supérieures et épouse Robert Antelme en 1939. Ils habitent rue Saint-Benoît dans un appartement que Marguerite Duras ne quittera jamais. Leur absence totale de conscience politique est manifeste lorsque Marguerite collabore au livre de Philippe Roques, L'Empire français, aux résonances colonialistes. Par contre, son premier roman, La Famille Taneran, est refusé par Gallimard. Les années 1942-1943 sont un tournant essentiel : elle perd à la naissance son premier enfant. Elle apprend, peu après, la mort du « petit frère » pendant la guerre sino-japonaise, et sa douleur est terrible. Elle rencontre Dionys Mascolo et décide de vivre avec lui, ce qui n'entrave pas l'amitié très forte de celui-ci avec Robert Antelme : dans l'œuvre apparaît souvent « ce chiffre [...] à nouer autrement : car pour le saisir il faut se compter trois » mis en valeur par Jacques Lacan dans son « hommage fait à Marguerite Duras, du ravissement de Lol V. Stein ».
L'année 1943 est celle de la publication du premier roman sous le pseudonyme de Duras : La Vie tranquille. Mais c'est également celle de la terrible prise de conscience du sort fait aux juifs. Dionys Mascolo, Robert Antelme et Marguerite Duras rejoignent la Résistance, où ils se retrouvent dans le même réseau que François Mitterrand. Robert Antelme est arrêté, déporté et sauvé par miracle des camps. Ce n'est qu'après l'été de 1946, après cette saison de chaleur et de soleil où se déroule la plupart des romans de Marguerite Duras – dont Les Petits Chevaux de Tarquinia – qu'elle divorce de Robert Antelme. Son fils, Jean Mascolo, naît en 1947. À partir de 1950, sa vie est marquée par la succession de ses livres : Un barrage contre le Pacifique manque de peu le Goncourt, Le Square marque la critique qui y voit l'émergence d'un nouveau genre d'écriture, cette « sous-conversation » venue de la littérature anglo-saxonne et déjà mise en valeur par Nathalie Sarraute. Moderato cantabile (500 000 exemplaires vendus) lui permet, en 1958, d'acheter la maison de Neauphle-le-Château. Le film Hiroshima mon amour est connu autant pour sa scénariste, Marguerite Duras, que pour son réalisateur, Alain Resnais. En 1965, son premier succès théâtral, Des journées entières dans les arbres, marque également sa première collaboration avec l'actrice Madeleine Renaud, qui ressuscite le personnage de sa mère.
Après avoir quitté le Parti communiste, où ils s'étaient inscrits après la guerre, les membres du groupe de la rue Saint-Benoît – Edgar Morin, Elio Vittorini, puis Jean Schuster autour de Marguerite Duras, de Robert Antelme et de Dionys Mascolo – sont extrêmement présents sur le terrain politique : contre la guerre d'Algérie est publié, avec la participation de Maurice Blanchot, le Manifeste des 121. En 1968, ils participent très activement au Comité étudiants-écrivains. Les événements de Mai ne sont sans doute pas étrangers à l'évolution de Marguerite Duras. Elle prospecte des genres nouveaux, celui de l'entretien (Les Parleuses, av [...]
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Écrit par :
- Aliette ARMEL : romancière et critique littéraire
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Pour citer l’article
Aliette ARMEL, « DURAS MARGUERITE - (1914-1996) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 11 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/marguerite-duras/