LYSOGÉNIE
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Histoire de la notion de lysogénie Proposition de F. W. Twort
En 1915, Frederick William Twort décrit la transformation vitreuse de certaines cultures bactériennes. Cette véritable maladie des bactéries est transmissible d'une culture atteinte à une culture saine de la même espèce et son agent est comparable aux virus ultramicroscopiques des maladies de l'homme, des animaux et des végétaux supérieurs.
Il s'interroge alors sur la nature de ces virus. Entre diverses hypothèses proposées, il envisage celle d'un matériel autodestructeur dont les effets seraient comparables au processus cancéreux, évoquant implicitement la présence d'un virus à l'état latent dans les cellules destinées à subir éventuellement à plus ou moins longue échéance le développement anarchique caractéristique de cette maladie.
Proposition de Félix d'Hérelle
Pour Félix d'Hérelle, qui redécouvre en 1917 la lyse bactérienne transmissible, à laquelle il donne le nom de bactériophagie, les cultures secondaires à cette analyse entretiennent indéfiniment le bactériophage en formant avec lui une association symbiotique, dont on verra plus loin qu'elle comprend deux états bien différents.
La théorie de Jules Bordet
La conception virale du bactériophage admise dès le début par Twort et par d'Hérelle est alors contestée par plusieurs auteurs parmi lesquels T. Kabeshima et Jules Bordet. Selon ce dernier, le bactériophage n'existerait pas. La lyse transmissible serait due à une viciation nutritive provoquée dans la bactérie par des causes extérieures. Ainsi, à la suite d'injections intrapéritonéales répétées de Bacterium coli à des cobayes, l'exsudat formé est riche en leucocytes et provoquerait une anomalie de B. coli qui ne serait que l'exagération, devenue héréditaire, du processus physiologique, et non héréditaire, d'autolyse. Cette propriété nouvelle serait donc inscrite désormais dans l'hérédité de la bactérie, d'où son double caractère : transmissible, de bactérie mère à bactéries filles, et contagieux, de bactéries sœurs à bactéries sœurs.
Si les travaux ultérieurs n'ont pas confirmé la conception de la viciation nutritive proposée par Bordet, on doit à cet auteur en premier lieu l'expression de bactéries lysogènes, d'où est venue tout naturellement celle de lysogénéité et surtout la notion capitale d'hérédité et de facteur lysogène. En effet, comme Lwoff l'a très judicieusement fait remarquer, la lysogénie occupe une position privilégiée au croisement de l'hérédité normale et de l'hérédité pathologique.
La conception de F. M. Burnet
Plus tard, F. M. Burnet, après avoir démontré l'existence des corpuscules bactériophages de d'Hérelle (ou lysions, P. Nicolle, 1967) en les photographiant en lumière ultraviolette au microscope à fond noir, se demande, avec J. J. Van Loghem et A. Vedder, si la lysogénie, très fréquente parmi les souches de certaines Salmonella, ne serait pas une fonction normale des bactéries considérées. Certains auteurs sont même conduits à formuler l'hypothèse de l'origine bactérienne des bactériophages.
Entre-temps s'est établie une importante distinction entre les bactéries lysogènes vraies, dans lesquelles l'association avec le bactériophage est très stable, et les bactéries simplement contaminées par un ou plusieurs bactériophages, dont on peut assez facilement les débarrasser ; pour cela, on les traite par un sérum antiphage spécifique ou par un antiseptique comme le formol, auquel le phage est plus sensible que la bactérie.
La conception génétique de Wollman
Les recherches d'Eugène et Élisabeth Wollman ont incontestablement placé le problème des bactéries lysogènes sur la bonne voie. Ces bactéries lysogènes, qui sont capables de produire des bactériophages dans certaines conditions et de les répandre autour d'elles, n'en contiennent pas elles-mêmes sous la forme infectieuse. Ce fait important a conduit les auteurs à considérer que le bactériophage se présente sous deux phases différentes : une phase infectieuse lorsqu'il se trouve hors de la bactérie dans les milieux de culture ou les filtrats, et une phase non infectieuse tant qu'il n'est pas sorti de la cellule bactérienne lysogène.
Mais surtout Eugène Wollman estime que, dans la bactérie lysogène, le bactériophage se comporte comme un gène et il propose de désigner les phénomènes de bactériophagie sous le nom de parahérédit [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 7 pages
Écrit par :
- Pierre NICOLLE : docteur en pharmacie et en médecine, chef de service honoraire à l'Institut Pasteur
Classification
Autres références
« LYSOGÉNIE » est également traité dans :
BACTÉRIOPHAGES ou PHAGES
Dans le chapitre « Relations virus-bactéries » : […] Le domaine de la bactériophagie s'étend aux espèces bactériennes les plus diverses : Gram + , Gram - , acido-résistantes, sporulées ou non sporulées, aérobies ou non aérobies, saprophytes ou pathogènes. Les bactériophages les plus anciennement connus sont ceux des staphylocoques et des bacilles dysentériques ; les plus récemment découverts agissent sur les Brucella , le bacille diphtérique, le bac […] Lire la suite
JACOB FRANÇOIS (1920-2013)
François Jacob fut une figure majeure de la génétique et de la biologie moléculaire, un des penseurs parmi les plus pénétrants de l'histoire et de la philosophie des sciences du vivant. N'acceptant pas la capitulation de 1940, il intègre les Forces françaises libres, participe aux campagnes d'Afrique et de France. Il fut grièvement blessé, et la carrière de chirurgien à laquelle il s'était destin […] Lire la suite
LYSOTYPIE
Si l'on fait agir un bactériophage convenablement choisi et dilué sur diverses cultures d'une même espèce bactérienne ou d'un même sérotype, on constate souvent, surtout si ces cultures ont été isolées en des endroits géographiquement éloignés les uns des autres ou à partir d'espèces animales différentes, que certaines de ces cultures sont très sensibles à ce phage tandis que d'autres sont plus ou […] Lire la suite
VIROLOGIE
Dans le chapitre « Relations entre génome viral et génome cellulaire » : […] Dans tous les cas précédemment exposés, le génome du virus se répliquait pour son propre compte et plus ou moins indépendamment du génome cellulaire. Dans d'autres cas, génome cellulaire et génome viral ne forment qu'une seule entité par intégration du génome viral dans le génome cellulaire, et le génome viral se réplique exactement comme ce dernier, se transmettant de générations cellulaires e […] Lire la suite
VIRUS
Dans le chapitre « Le cycle lysogénique » : […] Étant le cycle par lequel un virus perdure en se reproduisant, le cycle réplicatif est le cycle viral « normal », si la normalité biologique est dans la succession des générations. Certains virus, toutefois, ne se répliquent pas, ou pas continuellement, dans les cellules infectées. C'est le phénomène de latence virale, qui se traduit cliniquement par l'extinction des symptômes de la primo-infecti […] Lire la suite
WOLLMAN ÉLIE (1917-2008)
Le Français Élie Wollman, qui a mené toute sa carrière à l'Institut Pasteur, peut être considéré comme l'un des pionniers de la génétique microbienne moderne et, par voie de conséquence, de la biologie moléculaire puis des biotechnologies. Il était aussi devenu la référence pour tout ce qui concernait l'histoire de l'Institut Pasteur. Élie Wollman est né le 4 juillet 1917 à Paris dans une famille […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Pierre NICOLLE, « LYSOGÉNIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 04 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/lysogenie/