MARATHE LITTÉRATURE

Quatrième langue « constitutionnelle » de l'Union indienne avec soixante-cinq millions de locuteurs dans les années 1990, le marathe (mahratte, ou marāthī) est une langue indo-aryenne parlée à l'ouest et au centre du pays, c'est-à-dire dans un triangle dont les sommets seraient Bombay et Goa sur la côte et Nagpur au cœur de la péninsule. Le māhārāṣṭrī, forme ancienne du terme marāthī actuel, fut attribué par des écrivains sanskrits au prâkrit pratiqué dans le Māhārāṣṭrā, le Grand Royaume. Le parler de Poona, dans l'État linguistique du Māhārāṣṭrā est aujourd'hui la langue véhiculaire ; de nombreux dialectes s'y joignent.

La littérature marathe, bien qu'ayant pris naissance vers le xii e siècle, n'a transmis aucun manuscrit antérieur au xvi e siècle. Elle comprend essentiellement des abhanga, poèmes qui sont tout autant des prières que des chants, des transpositions auxquelles se sont essayés maints écrivains marathes, de grandes épopées sanskrites du Mahābha̱rata et du Rāmāyaṇa, et des recueils de mythes (purāṇa). Religieuse jusqu'au xvii e siècle, cette littérature s'ouvre alors aux textes profanes, ballades (povāḍe), chroniques historiques et écrits érotiques (lāvaṇī). Mais il faut attendre le xx e siècle pour que, sous l'influence occidentale, les lettres marathes profanes prennent un essor privilégié parmi les autres langues indiennes et contribuent largement à la diffusion de la culture.

Premières œuvres

Les premiers monuments de la langue qu'on puisse appeler spécifiquement marathe sont des inscriptions de pierre datant du xi e siècle et qui se trouvent éparpillées sur un territoire à peu près comparable à l'actuel État linguistique du Māhārāṣṭra. Toutefois, le centre de la culture marathe se situait sur les rives du Gōdāvarī supérieur, dans la région de Paithan (l'ancienne Pratiṣṭhāna), et c'est là, sous le règne des derniers rois hindous de Deogiri que la littérature a pris son essor.

Le Līḷācaritra, qui relate la vie et l'enseignement de Cakradhara, le fondateur de la secte Mahānubhāv, première œuvre qu'on puisse dater avec certitude (env. 1280), a une valeur exceptionnelle, car il s'agit d'un spécimen presque unique de la prose primitive, non seulement dans la littérature marathe, mais dans celle de toutes les langues de l'Inde. Les écrivains de la secte ont produit, au cours des décennies suivantes, beaucoup d'autres œuvres en prose et en vers, dont les plus intéressantes sont les poèmes krishnaïtes de Bhāskarbhaṭṭ, Śiśupāḷavadha et Uddhavagītā (env. 1310).

Cependant, en 1290 avait vu le jour une œuvre que bien des Marathes tiennent pour l'œuvre maîtresse de leur littérature : le Jnāneśvarī, qu'aurait composé selon la légende l'éponyme Jnāndev, alors qu'il n'avait que dix-neuf ans, est un immense poème de dix mille vers, qualifié souvent de commentaire de la Bhagavad Gītā. Il est en réalité un terrible sermon dans lequel chaque verset de la Gītā est repris, examiné, développé, interprété et illustré par des exemples simples et directs et par des comparaisons pleines de vie. C'est incontestablement une œuvre de génie, bien que sa longueur et l'inévitable monotonie de son sujet permettent difficilement à un non-Indien de la ressentir dans sa plénitude. Beaucoup d'ouvrages sont attribués à Jnāndev (le Haripāṭh par exemple), à sa sœur Muktābāī et à son frère aîné Nivṛttināth qui fut aussi son guru, mais la plupart, sinon tous, sont d'une authenticité incertaine.

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Écrit par

  • Ian RAESIDE : professeur de marathi et gujarati, School of Oriental and African studies, université de Londres (Royaume-Uni)

Classification

Pour citer cet article

Ian RAESIDE, « MARATHE LITTÉRATURE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Autres références

  • EKNĀTH (1548-1600)

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 986 mots

    Brahmane du Mahārāśtra (région de Bombay) appartenant à la lignée des « saints » (sant) qui donnèrent une grande impulsion à la religion de bhakti non seulement dans leur province, mais aussi dans tout l'ouest de l'Inde.

    Le principal mérite d'Eknāth fut d'éditer le grand[...]

  • INDE (Arts et culture) - Langues et littératures

    • Écrit par Jean-Pierre DURIX, Jacqueline FILLIOZAT, François GROS
    • 57 609 mots
    • 3 médias
    Les débuts de la littérature marathe remontent au xii e siècle avec le poète Mukundarāja qui vulgarisa les principes du Vedānta. Au xiii e siècle, Jnañdev, le « Dante du pays marathe », commenta librement en vers la Bhagavadgītā ; Nāmdev (xiv e s.), dans ses chants, exprime en termes[...]
  • JÑĀNDEV ou JÑĀNEŚVAR (1275-1296)

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 1 415 mots

    Saint mahrâtte (du Mahârâshtra, région de Bombay) qui, à en croire la tradition, ne vécut que vingt et un ans, mais laissa une œuvre considérable, comprenant plus de mille poèmes et, surtout, un commentaire versifié de la Bhagavad-Gîtâ que l'on nomme Jñānèshwarī (de[...]

  • NĀMDEV (1270?-? 1350)

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 951 mots

    L'un des plus célèbres des « saints » (la secte des sant) du Mahārāshtra (région de Bombay) en raison de l'œuvre qu'il a laissée et des légendes pieuses concernant sa vie. On dit que Nāmdev était de basse caste (de la sous-caste des tailleurs) et qu'il eut une jeunesse orageuse,[...]

  • RĀMDĀS (1608-1681)

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 1 327 mots

    Fils d'un brahmane de la région de Nāsik (au nord-est de Bombay), celui qui devait prendre plus tard le nom religieux de Rāmdās (rāmadāsa, « serviteur de Dieu ») eut très tôt la révélation de sa mission : on raconte qu'au moment de se marier il comprit que son destin n'était[...]

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