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ROMANES LANGUES

L'unité dans la diversité

La dislocation

La comparaison des données linguistiques romanes avec le matériel latin aboutit à la conclusion que l'unité latine s'est effondrée pendant la période du Bas-Empire. La fragmentation de la Romania fut le point de départ d'évolutions linguistiquement autonomes et indépendantes dans les différentes provinces. C'est en termes de dialectologie que s'explicite la différenciation régionale.

Afin d'illustrer la situation, on choisira, parmi de très nombreux exemples, les adjectifs exprimant la notion de cécité. Ils s'échelonnent sur des couches successives qui définissent en même temps un décalage spatial :

À ce phénomène de dislocation s'oppose le fait que les textes, même tardifs, et surtout les inscriptions témoignent d'une unité remarquable de la latinité également dans le cadre des innovations admises. Ainsi, la réfection analogique du pluriel du type rosas (cf. au lieu de rosae, nominatif pluriel), telle qu'elle est attestée par les langues de l'Ouest, se retrouve aussi sur les inscriptions de l'Est, en dépit des pluriels en -e (italien rose, roumain roze). Il faut admettre qu'à un moment donné le parler populaire s'est écarté de la langue écrite.

Faits de culture

On considère généralement que l'unité du latin est due au prestige de la culture romaine. La latinitas qui survécut à la décadence, notamment à celle du iiie siècle, résista avec succès au seul facteur véritablement centrifuge qu'était le christianisme. L'émancipation est vite sensible dans le cadre du lexique. Par exemple, dans les textes chrétiens, un adjectif comme captivus (prisonnier), pris au sens moral (libidinis captivus, etc.), se substitue à miser, d'où en ancien français chaitif (misérable, malheureux ; en français moderne chétif) ou en italien cattivo (mauvais).

On assiste à une dialectisation progressive s'opérant par poussées. C'est là un fait remarquable par rapport à des langues relativement stables (à l'exemple de l'arabe) ou peu fragmentées dialectalement (comme le russe). La faible dialectisation d'une partie de l'Espagne est ainsi imputable à la reconquête du pays sur les Arabes.

L'apparition des langues romanes

On ne pose guère aujourd'hui la question de savoir à quel moment le latin a cessé d'être la langue parlée. La question est tranchée par les sujets parlants eux-mêmes, au moment où quelques-uns d'entre eux constatent, sur la base de problèmes d'intercompréhension par exemple, que les systèmes en contact sont différents. Le Concile de Tours reconnaissait, en 813, l'existence de la lingua romana rustica dans les pays de France.

Entre le vie et le viiie siècle au moins, il faut admettre l'existence d'une phase de diglossie, où deux registres du même système remplissent des fonctions différentes mais déterminées (comme les deux variantes du grec actuel ou les deux types d'allemand en usage en Suisse). Dans la tradition écrite, deux registres de latin sont attestés à cette époque : l'un est assez accessible, iuxta rusticitatem ou circa romancium (d'après un témoignage espagnol de 1290), l'autre (dit aussi latinum obscurum) est la latinité traditionnelle, réformée à plusieurs reprises, mais rétablie définitivement une première fois par la Renaissance dite carolingienne, au moins dans les limites de son rayonnement.

L'interférence entre la rusticité et le code parlé vulgaire est hors de doute. C'est dans ce contexte que se situent les premiers témoignages de systèmes proprement romans, comme la Devinette de Vérone ou les Serments de Strasbourg (842). L'entrée en vigueur de nouveaux codes a eu pour conséquence une réorganisation complète des fonctions à assumer par les deux systèmes, roman et latin.

D'autre part,[...]

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