KARKÉMISH ou CARCÉMISH
Située sur l'Euphrate à la frontière syro-turque, Karkémish (aujourd'hui Djerablus) doit son essor à la position charnière qu'elle occupe entre Mésopotamie du Nord, côte méditerranéenne et Anatolie. Sans doute la ville a-t-elle déjà quelque importance au ~ IIIe millénaire, mais les textes ne nous renseignent sur son histoire qu'à partir du ~ IIe millénaire. Elle est alors le centre d'une principauté de peuplement hourrite qui, alliée à l'Assyrie de Shamshi-Adad Ier (~ 1814-~ 1782), passe ensuite dans la mouvance de Mari (ville située en aval sur l'Euphrate), avant d'être intégrée au royaume de Mitanni, qui domine la Syrie du nord au ~ xve siècle. Conquise par les Hittites de Souppilouliouma Ier (~ 1380-~ 1346), elle reste sous le contrôle de l'empire jusqu'à l'invasion des peuples de la Mer, au début du ~ xiie siècle. Sans doute renforcée par l'afflux de réfugiés d'Asie Mineure (Louvites et Hittites), la ville devient alors le centre d'un « Grand État de Hatti » qui semble inquiéter l'Assyrie. Enlevée par Téglath Phalazar Ier (~ 1117-~ 1077), elle finit cependant par recouvrer son autonomie, puisqu'elle devient la capitale d'un royaume néo-hittite, du ~ xe au ~ viiie siècle. Ménagée pendant un temps par la puissance assyrienne, parce qu'elle fait obstacle à la progression des populations araméennes, elle est prise par Sargon IIà la fin du ~ viiie siècle et passe sous contrôle assyrien jusqu'à sa destruction par Nabuchodonosor II de Babylone (~ 604-~ 562). Elle n'est réoccupée qu'à l'époque romaine.
Des fouilles anglaises, conduites de 1878 à 1881, de 1911 à 1914 et en 1920 (B. Hogarth, L. Wooley, R. D. Barnett, Carchemish. Excavations of the British Museum, I-III, Londres, 1914-1952), ont surtout mis au jour des vestiges de la seconde moitié du ~ IIe millénaire et de l'époque néo-hittite. Sur l'étroite acropole fortifiée qui domine le fleuve se trouvent les vestiges très remaniés d'un temps consacré à la déesse hourrite Kubaba. À l'ouest et au sud s'étend une ville basse d'environ 35 hectares, entourée d'un rempart dès le IIe millénaire. Celui-ci pourrait être l'œuvre des Hittites ; il présente en tout cas un aspect caractéristique de l'époque : un mur défensif construit sur un talus artificiel. Mais la ville atteint quelque 100 hectares, et un nouveau rempart est construit au ~ Ier millénaire pour l'abriter. C'est dans la première ville basse que se trouvent les principaux monuments découverts, d'époque néo-hittite. À partir de la porte de l'Eau, porte monumentale donnant à l'est sur le fleuve, la fouille a pu suivre sur près de 250 mètres une large artère s'enfonçant jusqu'au cœur du bâti. La rue, d'abord rectiligne, donne rapidement sur une vaste place triangulaire, délimitée par divers bâtiments à caractère officiel. Au nord-ouest, un ensemble composite semble abriter un temple ; au nord-est, un escalier monumental conduit à un grand porche qui constituait l'entrée d'un bâtiment non fouillé, peut-être un palais. Au sud se trouve une construction très particulière, caractéristique de l'architecture syrienne, et appelée par convention « hilani » : une vaste pièce barlongue à accès médian (il s'agit peut-être d'une salle de conseil) est précédée d'une entrée largement ouverte sur l'extérieur. Un peu plus à l'ouest, la rue s'élargit à nouveau, donne sur une seconde place, délimitée au sud par la Porte royale, porche qui devait desservir lui aussi un palais qui n'a pas été exploré. Ces vestiges se distinguent surtout par leur décor d'orthostates alternativement blancs et noirs : une des façades du complexe religieux, les deux porches, le mur qui délimite la rue à son extrémité ouest et celui qui fait retour vers le sud, sont revêtus de grandes dalles sculptées qui évoquent[...]
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Écrit par
- Jean-Daniel FOREST : docteur en archéologie, chargé de recherche au C.N.R.S.
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