JOURNAL DE VOYAGE DU CAVALIER BERNIN EN FRANCE, Paul Fréart de ChantelouFiche de lecture

Le Paris artistique du XVIIe siècle

Chantelou, ami et collectionneur de Poussin, montre à Bernin les grandes collections parisiennes. La confrontation du vieux Bernin, âgé de soixante-sept ans, avec l'Autoportrait de Poussin est à cet égard une page d'anthologie. Ils visitent ensemble l'Académie royale de peinture, la manufacture des Gobelins, les grands hôtels particuliers, les couvents et les églises. Paris s'ouvre aux yeux de l'Italien qui en compare les richesses à celles de Rome. La ville, bientôt, ne sera plus le cadre du déploiement de la puissance royale. Le texte de Chantelou offre donc une vue « cavalière » de la capitale de Louis XIII, qui, sous Louis XIV, veut continuer à en imposer à l'Europe.

Ce qui est en jeu dans ces quelques mois, autour de la grande ville qu'il s'agit de redessiner, c'est en effet le portrait du roi lui-même, qui, à vingt-sept ans, se cherche encore une figure. Chantelou résume cette problématique cruciale en une formule brillante : « Il est bien vrai que les bâtiments sont les portraits de l'âme des princes. » Le buste de Bernin ne fut jamais mis à l'honneur, ce marbre où le roi semble un deus ex machina flottant sur un nuage de théâtre ; quant à son portrait équestre, il fut installé à Versailles, à l'extrémité de la pièce d'eau des Suisses, après avoir été retouché par le ciseau de Girardon qui en fit un Marcus Curtius. Quel meilleur symbole trouver de cet ambigu refus de l'Italie par un souverain amoureux des arts, des collections, des ballets, de la musique et, par-dessus tout, des « bâtiments », un roi dans les veines duquel coule le sang des Médicis et des Habsbourg, et qui décide, – exactement comme il a décidé, en 1661 de régner seul –, de n'être, en art, que Français ? Le voyage du Cavalier Bernin est le récit de la seconde prise du pouvoir de Louis XIV, une prise de pouvoir artistique.

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