COLTRANE JOHN
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La fuite en avant
William John Coltrane, dit « Trane », naît le 23 septembre 1926, à Hamlet, en Caroline du Nord. Spécialiste des saxophones ténor et soprano, c'est à l'alto qu'il commence de se produire, peu avant sa mobilisation à Hawaii. De retour à la vie civile, il travaille dans des formations de rhythm and blues comme celle de Joe Webb, irremplaçables écoles de véhémence où l'on cultive la ferveur rythmique et l'expressionnisme sonore. En 1948, il appartient à l'orchestre du célèbre Apollo de Harlem. Il va désormais se consacrer au jazz proprement dit, jouant avec Howard McGhee et Philly Joe Jones à Philadelphie, puis aux côtés de Dizzy Gillespie, en grandes et en petites formations. Earl Bostic, Johnny Hodges, Jimmy Smith et Bud Powell utiliseront ses services. Il faut noter que les plus classiques de ces musiciens, Hodges notamment, exerceront sur lui une influence souterraine mais déterminante.
En 1955, encore ignoré du public, il est engagé par Miles Davis dans un quintette qui allait enregistrer quelques-uns des disques phares de l'époque (Cookin', Relaxin', Steamin', etc.). Il y affine sa technique, mais, surtout, il s'y trouve confronté à ses démons : en refusant de lui donner des directives, le trompettiste l'oblige à se forger une personnalité. Volubilité rageuse, sonorité rugueuse en seront les traits dominants. Deux ans plus tard, Coltrane est sollicité par Thelonious Monk, qui se produit alors au Five Spot Café. Là, apprenant du pianiste comment occuper l'espace musical d'une manière non conventionnelle, il rompt définitivement avec les clichés hard bop et prend l'habitude de jouer de très longs chorus, Monk abandonnant parfois son tabouret pendant vingt minutes, une heure ou même davantage !
L'année suivante, revenu près de Miles Davis, il découvre que cette prodigalité imposée par les circonstances répond en fait chez lui à une nécessité intérieure : la prolifération sera désormais à la source d'une expression dont l'unité n'est plus la note isolée, mais la constellation de notes. C'est par « nappes sonores » (Michel-Claude Jalard) qu'il procède, en une course éperdue vers un terme qui recule à mesure devant lui. Coltrane improvisant semble vivre la passion de ne pas pouvoir finir. Ces « fuites en avant » sont accompagnées de hurlements hallucinés, de fulgurantes ascensions vers l'aigu, de brusques plongées dans le grave. On dirait que l'artiste cherche à se distancer lui-même, ne parvenant cependant qu'à se précipiter là où ses obsessions le conduisent. « Malheureusement, avouera-t-il, il ne m'arrive jamais de me perdre en chemin. »
John Coltrane, Cannonball Adderley, Miles Davis et Bill Evans
Rencontre au sommet le 26 mai 1958 dans les studios Columbia de la 30e Rue de New York: John Coltrane, Cannonball Adderley, Miles Davis et Bill Evans (de gauche à droite) participent à l'enregistrement d'un album du sextette de Miles Davis (comprenant alors aussi Paul Chambers et Jimmy Cobb)...
Crédits : Don Hunstein/ Bridgeman Images
Qu'importe, ces dérives haletantes n'en figureront pas moins un idéal pour les jeunes Turcs de la New Thing, qui exploreront les voies qu'il a commencé de tracer : l'exaltation quasi fétichiste de l'énergie, de la tension continue – alors que le jazz antérieur s'était défini par une alternance de la tension et de la détente – et de l'agression sonore.
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Écrit par :
- Alain GERBER : docteur en psychologie, membre du Collège de pataphysique et de l'Académie du jazz, romancier
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Pour citer l’article
Alain GERBER, « COLTRANE JOHN », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/john-coltrane/