JEUX OLYMPIQUES Les femmes et les Jeux

Le temps de la misogynie olympique

Alors que s'ouvre le 16 juin 1894 le congrès de la Sorbonne qui va entériner la renaissance des jeux Olympiques, les femmes sont exclues de toutes les sphères décisionnelles de la société. Bien évidemment, aucune femme ne fait partie des congressistes. Les femmes sont bannies des Iers jeux Olympiques d'Athènes, en 1896. À l'époque, de multiples préjugés sont associés au sport féminin : certains esthètes disent craindre de voir ces dames perdre leur féminité ou devenir trop musclées ; d'autres se demandent si le sport ne provoquerait pas la stérilité... Mais il n'est pas nécessaire d'avancer ces arguments ridicules pour exclure les femmes des Jeux : Pierre de Coubertin est en effet farouchement opposé à toute présence féminine aux jeux Olympiques, comme en témoignent plusieurs de ses écrits. Le baron n'est pourtant pas spécialement misogyne, mais il épouse les convictions majoritaires de son temps en ce qui concerne la place de la femme dans la société : « Le rôle de la femme reste ce qu'il a toujours été : elle est avant tout la compagne de l'homme, la future mère de famille, et doit être élevée en vue de cet avenir immuable », écrit-il en 1901. Pour lui, les jeux Olympiques constituent « l'exaltation solennelle et périodique de l'athlétisme mâle avec [...] l'applaudissement féminin pour récompense » (1912).

Des femmes sont néanmoins présentes aux Jeux dès 1900, mais sans qu'elles y soient vraiment conviées : elles participent aux compétitions de golf et de tennis organisées dans le cadre de l'Exposition universelle de Paris, lesquelles seront reconnues par le C.I.O. La réelle entrée des femmes aux Jeux se produit en 1912 à Stockholm. En effet, le C.I.O. a voté durant sa session de Luxembourg, en juin 1910, l'admission des femmes aux Jeux et les autorise à participer à deux épreuves de natation et à une compétition de plongeon. Cette « intrusion » provoque de vifs débats. La lecture du compte rendu de ces Jeux de Stockholm publié dans la Revue olympique montre que cette « incursion » féminine est loin de recueillir l'unanimité : « Nous estimons que les jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes. Et d'abord, en application du proverbe fameux illustré par Musset : il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. Peut-on consentir aux femmes l'accès de toutes les épreuves olympiques ? Non ? Alors pourquoi leur en permettre quelques-unes et leur interdire les autres ? Et surtout sur quoi se baser pour établir la frontière entre épreuves permises et épreuves défendues ? Il n'y a pas que des joueuses de tennis et des nageuses. Il y a aussi des escrimeuses, il y a des cavalières et, en Amérique, il y a eu des rameuses, demain il y aura peut-être des coureuses ou même des footballeuses ? De tels sports pratiqués par des femmes constitueraient-ils donc un spectacle recommandable devant les foules qu'assemble une olympiade ? » Ce texte n'a pas été rédigé par Coubertin, mais il a sans doute reçu son aval, car, pour le baron, « le seul véritable héros olympique est [à mes yeux] l'adulte mâle individuel ».

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

Classification

Pour citer cet article

Pierre LAGRUE, « JEUX OLYMPIQUES - Les femmes et les Jeux », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Voir aussi