JEUX OLYMPIQUES La Chine et les Jeux

La question de Taïwan et l'isolationnisme

En 1949, Mao Zedong arrive au pouvoir en Chine. Le mouvement olympique chinois se disloque (Cheting T. Wang et Kong Xiangxi suivent Tchiang Kai-chek à Taïwan ; Tung Shouyi demeure fidèle à Pékin). Pour Mao, la présence de la Chine populaire aux Jeux d'Helsinki en 1952 revêt une grande importance, car l'U.R.S.S. de Staline prend pour la première fois part aux compétitions. Mais J. Sigfrid Edström, président du C.I.O., pourtant apôtre de l'unification du mouvement olympique, refuse dans un premier temps la participation de la Chine communiste aux Jeux ; finalement, un nageur, Wu Chuanyu, est admis à concourir, ce qui provoque le retrait de la délégation taïwanaise, laquelle boycotte les Jeux pour cette raison.

La question des deux Chines rythme alors la vie du mouvement olympique : en 1954, le C.I.O. reconnaît la République populaire de Chine (le C.I.O. est la première grande organisation internationale à le faire) ; il joue la carte de la cohabitation entre les Chines communiste et nationaliste pour les Jeux de Melbourne en 1956, ce qui s'avère complexe, car chaque Chine demande l'exclusion de l'autre. À l'issue d'un jeu de diplomaties croisées, les délégations des deux Chines sont présentes à Melbourne ; mais le drapeau de la Chine nationaliste est arboré durant la cérémonie d'ouverture et, en conséquence, la délégation de la Chine populaire quitte immédiatement le village olympique.

En 1958, la Chine communiste radicalise sa politique : sur le plan interne, la période des Cent Fleurs, marquée par un embryon de libéralisation, se termine ; sur le plan international, c'est la crise du détroit de Formose, les rapports sino-américains se durcissent, les relations sino-soviétiques se distendent. Avery Brundage, le très anticommuniste président du C.I.O., défend les intérêts taïwanais. Le 19 août 1958, Tung Shouyi écrit à Otto Mayer, « chancelier » du C.I.O. : « Brundage ayant délibérément violé la Charte olympique dans le but de servir le projet politique impérialiste américain de créer deux Chines, je déclare formellement que je refuse de coopérer avec lui ou d'avoir quelque relation que ce soit avec le C.I.O. tant que celui-ci sera sous sa domination. » Cette date marque pour la République populaire le début d'un isolationnisme sportif de près d'un quart de siècle. Mais la question de Taïwan ne se trouve pas pour autant résolue. L'U.R.S.S. proteste contre l'appellation adoptée par le comité olympique taïwanais (Comité olympique chinois) ; en 1959, le C.I.O. annonce qu'il retire le comité taïwanais de la liste de ses membres, ce qui provoque une vive réprobation du Département d'État américain (les États-Unis menacent même de boycotter en 1960 leurs propres Jeux d'hiver de Squaw Valley). Taïwan est réintégrée, mais doit adopter le nom de Formose pour que ses concurrents participent aux Jeux de Rome en 1960. En 1966, le C.I.O. accepte que Taïwan soit dénommée « République de Chine » au sein du mouvement olympique.

De son côté, la Chine communiste, guidée par une vision tiers-mondiste, participe en 1963 aux Games of the New Emerging Forces (Ganefo), une manifestation organisée par l'Indonésie de Sukarno, puis elle s'enferme dans un isolationnisme sportif assumé. En effet, Mao Zedong instaure en 1966 la « révolution culturelle » : désormais, le sport n'a qu'une fonction pédagogique et hygiénique, et il n'est pas question de faire vibrer la fibre nationaliste dans le cadre de compétitions sportives. Il faudra attendre le déclin du Grand Timonier pour que le sport redevienne un argument d'affirmation nationale.

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Écrit par

  • Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs

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Pour citer cet article

Pierre LAGRUE, « JEUX OLYMPIQUES - La Chine et les Jeux », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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