JEUX EN LIGNE
La préhistoire
Si World of Warcraft est aujourd'hui, par sa popularité, la référence incontestable des MMOG, il n'est que l'aboutissement d'un phénomène né au milieu des années 1990, qui trouve ses racines à la fin des années 1970. À cette époque, les réseaux d'ordinateurs existent principalement dans les universités et ne possèdent pas d'interfaces graphiques. Qu'à cela ne tienne, les MUD (Multi-Users Dungeons, « donjons multi-utilisateurs ») permettent à plusieurs joueurs de se retrouver dans le même univers (décrit par des lignes de texte à l'écran) et de combattre des monstres ensemble en tapant des lignes de commande au clavier. Rien de bien spectaculaire, mais le système connaît de nombreux adeptes et évolue année après année, jusqu'à l'apparition en 1996 de l'ancêtre des MMOG actuels : Meridian 59. Il s'agit, comme la plupart de ses successeurs, et toujours dans la lignée du Seigneur des anneaux et du jeu de rôle Donjons & Dragons, d'un univers médiéval fantastique. Si ses graphismes peuvent sembler aujourd'hui désuets, il est à noter qu'il s'agissait déjà d'un univers modélisé en trois dimensions. Il a aussi été le premier jeu en ligne publié par un éditeur majeur de l'époque, 3DO, et le premier à proposer un abonnement mensuel. Meridian 59 fonctionne encore aujourd'hui avec une petite communauté de nostalgiques.
En septembre 1997 sort Ultima Online. C'est ce titre, édité par Electronic Arts, qui a fait connaître les MMOG auprès d'un grand nombre de joueurs. Il faut dire qu'à l'époque le nom « Ultima » est déjà bien connu en tant que saga vidéoludique. De 1981 à 1994, huit épisodes ont vu le jour. Les amateurs de jeux vidéo connaissent donc tous l'univers de Brittania, son histoire et ses protagonistes. La perspective d'y retourner, mais cette fois-ci ensemble, n'a pu que les réjouir. Puis, en 1998 et 1999, sortent respectivement Everquest (Verant Interactive, puis Sony Online Entertainment) et Asheron's Call (Microsoft). Avec Ultima Online, ils forment la première génération de MMOG commerciaux occidentaux. Au milieu de l'année 2000, ils attirent à eux trois environ 600 000 joueurs.
En 1998, un éditeur coréen, NCSoft, sort lui aussi un MMOG, Lineage. Celui-ci reste inconnu des joueurs occidentaux, mais connaît un succès retentissant en Corée et à Taïwan. En 2000, il compte près de deux millions d'abonnés. Il s'agit déjà, en Corée, d'un phénomène de société.
On peut remarquer que tous les jeux de cette période sont construits exactement sur le même modèle, jusque dans les moindres détails. Sans même prendre en compte les univers décrits, très semblables (tous d'inspiration médiéval-fantastique), les grands principes de jeu sont globalement identiques : choix d'un métier et d'une race pour le personnage, évolution grâce à des points d'expérience, gain de niveaux de plus en plus difficiles au fur et à mesure du jeu, etc. On peut même constater que la manière de jouer en groupe est tout à fait similaire. En effet, il existe à chaque fois trois grands types de métiers qui permettent aux joueurs d'être complémentaires : les « tanks », souvent des guerriers, qui ne sont bizarrement pas destinés à infliger des dommages aux adversaires, mais à prendre les coups et à contenir les opposants, les « soigneurs » qui maintiennent les tanks en vie durant le combat, et les damage dealers (les « fournisseurs de dommages »), pour la plupart magiciens, qui, eux, s'attaquent aux divers adversaires. Des années plus tard, World of Warcraft utilise encore exactement le même système de jeu.
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Écrit par
- Erwan CARIO
: journaliste à
Libération
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