SOCIALISMEHistoire des mouvements socialistes (1870-1914)
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L'Europe à prépondérance paysanne
Il y a en Europe des pays dans lesquels la première place est donnée aux intérêts agraires : boyards russes, magnats polonais et hongrois, latifundistes italiens ou espagnols. Encore faut-il faire une distinction : au sein de certains pays en évolution relativement rapide se juxtaposent des régions normalement développées économiquement ou en progrès (Piémont et Lombardie en Italie, Catalogne en Espagne, Autriche allemande et partiellement tchèque dans l'Empire des Habsbourg) et des régions restées agraires et stagnantes (Mezzogiorno italien, Castille et Andalousie en Espagne, Hongrie dans l'Empire) ; d'autres pays (Russie, Pologne, Balkans) ne connaissent guère cette évolution et surtout cette juxtaposition.
En dehors de l'Italie du Nord, la révolution de 1789 n'a pas eu lieu. La noblesse agrarienne continue à diriger plus ou moins les affaires. Il y a peu de classes moyennes et de bourgeoisie. Le conflit entre paysans et seigneurs se juxtapose au conflit entre bourgeois et ouvriers. Enfin, si le sentiment national existe ou ressuscite, les nations sont encore en formation, et c'est dans cette partie de l'Europe que le socialisme, international par essence, se heurte aux problèmes nationaux que ses théoriciens, de l'Autrichien K. Renner au Géorgien Staline, en passant par la Polonaise Rosa Luxemburg, essaient de résoudre de façon d'ailleurs parfaitement contradictoire ; une fois encore, l'Internationale hésite.
Fiche du registre de la police impériale de Saint-Pétersbourg concernant Staline (1879-1953), vers 1912.
Crédits : Hulton Archive/ Getty Images
Italie
Le socialisme italien tire son originalité de ses souvenirs garibaldiens (le héros du Risorgimento se proclamait socialiste), de l'existence d'un système électoral resté censitaire, des difficultés de l'unification, du contraste entre Nord industriel et Sud agricole et arriéré.
Les premiers mouvements ouvriers (ceux de 1872) sont encore marqués par l'idéalisme de 1848, puis l'anarchisme s'introduit. Après 1880, avec Arturo Labriola et surtout Filippo Turati, les idées marxistes progressent. En 1892 se constitue, en grande partie sous l'influence de la social-démocratie allemande, le Parti des travailleurs italiens qui deviendra, en 1895, le Parti socialiste italien. Dans le Sud, le mouvement animé par les Faisceaux des travailleurs est plus spontané et essaie de toucher les masses rurales. Entre 1893 et 1895 éclate dans les campagnes une violente agitation durement réprimée, mais quelques socialistes entrent tout de même au Parlement de Rome aux élections de 1895.
La vie du Parti socialiste italien est à nouveau troublée par les émeutes de 1895-1898, ce qui n'empêche pas de nouveaux progrès électoraux en 1900. Avec l'arrivée de G. Giolitti aux Affaires (1901), la situation se détend, et la plupart des leaders du parti renoncent à une opposition de principe. À plusieurs reprises, Giolitti propose la participation, qui est toujours refusée. En fait, comme tous les partis socialistes de la même époque, le parti italien est divisé entre modérés réformistes (Leonidas Bissolati, Ivanoe Bonomi) et révolutionnaires (parmi lesquels commençait à apparaître la figure de l'instituteur romagnol Benito Mussolini).
C'est à propos de l'expédition de Libye, désapprouvée par la majorité, mais soutenue par certains modérés, que le conflit se dénoua. Au congrès de Reggio d'Emilia (1912), la gauche l'emporta.
Péninsule Ibérique
En Espagne, le Parti socialiste ouvrier espagnol (P.S.O.E.), d'obédience strictement marxiste, n'a eu, jusqu'en 1914, qu'un rôle finalement assez limité. La Ire Internationale avait été active surtout à Barcelone. Fin 1871, le gendre de Marx, Paul Lafargue, y introduisit le marxisme et détacha de l'organisation, devenue anarcho-syndicaliste, la Nouvelle Section de Madrid qui devint en 1879 le Parti socialiste ouvrier espagnol, à base essentiellement castillane et dont le leader fut Pablo Iglesias. En 1888, une minorité de syndicalistes de tendance sociale-démocrate fonda l'U.G.T. (Union générale des travailleurs), très liée au parti et qui, comme lui, se développa dans le centre de l'Espagne, dans les Asturies et à Bilbao. Ce n'est qu'en 1890 que les socialistes décidèrent de prendre part aux élections, après l'acquisition du suffrage universel. Ils remport [...]
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Écrit par :
- Daniel LIGOU : professeur à la faculté des lettres de Dijon
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Pour citer l’article
Daniel LIGOU, « SOCIALISME - Histoire des mouvements socialistes (1870-1914) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 18 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/histoire-des-mouvements-socialistes-socialisme/