HÉMOGLOBINOPATHIES
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Mécanismes génétiques de la production des hémoglobines anormales
Code génétique
Il est bien établi que la synthèse des protéines est sous la commande des gènes de structure, eux-mêmes faisant partie de l'acide désoxyribonucléique (ADN), c'est-à-dire du génome du noyau cellulaire. L'ADN est constitué d'une succession de groupements chimiques, des nucléotides, dont les éléments caractéristiques sont quatre bases : adénine (A), guanine (G), cytosine (C) et thymine (T). C'est l'agencement de ces quatre espèces moléculaires en séquences spécifiques qui constitue les gènes.
Comme tous les gènes des organismes pluricellulaires (eucaryotes), les gènes de globine comportent, au milieu de la séquence qui code l'information génétique nécessaire à la synthèse de la protéine, des séquences non codantes plus ou moins longues qui l'interrompent, les introns. Il existe deux introns par gène de globine, qui divisent les séquences codantes en trois zones ou exons.
Dans un premier temps, le gène dans son entier (exons et introns) est copié (transcription) en acide ribonucléique (ARN) qui lui est complémentaire, et dont les quatre bases sont A, G, C et uracile (U) qui remplace la thymine. Cet ARN précurseur va alors subir un certain nombre de réactions dans le noyau de la cellule, les principales consistant en l'excision des introns suivie de l'épissage des exons, ainsi que l'addition de bases méthylées du côté 5′ (cap) et d'une queue de plusieurs bases adénine (poly-A) du côté 3′. On retrouve alors dans le cytoplasme une molécule maturée d'ARN messager (ARNm).
C'est cet ARNm cytoplasmique qui va diriger alors la synthèse de la protéine (traduction). Trois bases successives (un triplet) correspondent à un acide aminé. L'ensemble de ces triplets constitue le code génétique. Des signaux spécifiques conditionnent le bon déroulement de la traduction, tels que le codon d'initiation (AUG) et le codon de terminaison (UAA dans la plupart des gènes de globine humaine) qui contrôlent respectivement le début et la fin de l'incorporation des acides aminés dans la chaîne de globine.
Mécanisme des mutations
Une mutation est un événement qui se produit dans le gène de structure au niveau du génome et vient en modifier de manière définitive et plus ou moins importante la structure et de là retentit sur la protéine dont il commande la synthèse.
Une mutation ponctuelle consiste dans le changement d'une seule des bases d'un gène. Ce sont des mutations de ce type qui sont responsables le plus généralement des hémoglobines anormales. Cette erreur au niveau de l'ADN est transmise au cours de la transcription à l'ARNm, et par suite à la protéine synthétisée : le triplet modifié de l'ARNm correspond à un acide aminé autre que celui qui est normalement inseré dans la protéine. L'exemple de l'hémoglobine S permet de comprendre ce mécanisme.
Mutation du gène de l'hémoglobine
Après mutation « ponctuelle » du gène de l'hémoglobine, le changement d'une adénine (A) en uracile (U) sur l'ARN m codant pour la synthèse de la chaîne ß de l'hémoglobine, provoque le remplacement de l'acide glutamique (Glu) n° 6 par une valine (Val) sur la séquence. Cela crée une...
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Dans le cas de l'hémoglobine Lepore, le mécanisme est différent : il s'agit d'un crossing-over inégal entre les gènes δ et β dont la structure est assez semblable, mais qui sont localisés l'un à côté de l'autre sur le même chromosome.
Hémoglobine Lepore. Les gènes responsables de la synthèse des chaînes ß (en rouge) et d (en jaune) sont contigus sur le même chromosome (a). Au cours de la division cellulaire, les gènes homologues portés par les deux chromosomes différents peuvent être décalés (b) ; un crossing-over...
Crédits : Encyclopædia Universalis France
On peut observer des cas de doubles hétérozygotes, c'est-à-dire des sujets hétérozygotes pour deux hémoglobines anormales différentes, ayant hérité d'une tare différente de chacun de leurs parents. Ces cas avaient permis de tirer des conclusions génétiques importantes, de nombreuses années avant que la génétique moléculaire moderne n'en apporte la confirmation :
– il n'y a aucune liaison génétique entre les gènes des chaînes α et β qui sont portés par deux paires de chromosomes différents, tandis que ceux des chaînes β et δ sont étroitement liés sur le même chromosome ; il en est de même d'ailleurs pour les gènes de la chaîne γ ;
Hémoglobine Lepore. Les gènes responsables de la synthèse des chaînes ß (en rouge) et d (en jaune) sont contigus sur le même chromosome (a). Au cours de la division cellulaire, les gènes homologues portés par les deux chromosomes différents peuvent être décalés (b) ; un crossing-over...
Crédits : Encyclopædia Universalis France
– il existe plus d'un gène pour la chaîne α, car on a pu observer des sujets doubles hétérozygotes produisant trois types de chaînes α (deux chaînes α anormales en plus de la chaîne α normale) ;
– par contre, les doubles hétérozygotes pour deux hémoglobines anormales dont l'anomalie porte sur la chaîne β ne fabriquent pas du tout d'hémoglobine A normale. Le locus génétique de ces hémoglobines anormales est le même que celui de l'hémoglobine normale ; on dit qu'il est allélomorphe, ce qui veut dire que ce locus génétique ne peut former qu'un seul type de chaîne, soit normal, soit porteur d'une anomalie déterminée. Ainsi les individus portant simult [...]
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Écrit par :
- Michel COHEN-SOLAL : maître de recherche à l'I.N.S.E.R.M., C.H.U. Henri-Mondor, Créteil
- Jean-Claude DREYFUS : professeur honoraire à la faculté de médecine Cochin-Port-Royal
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Voir aussi
Pour citer l’article
Michel COHEN-SOLAL, Jean-Claude DREYFUS, « HÉMOGLOBINOPATHIES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 04 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/hemoglobinopathies/