MORSE HAROLD CALVIN MARSTON (1892-1977)
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Mathématicien américain, né à Waterville (Massachusetts), Marston Morse était parent de Samuel F. Morse, l'inventeur du télégraphe. Il fit ses études supérieures à Harvard, où il fut l'élève de G. D. Birkhoff.
Après quelques années aux universités Cornell (Ithaca, New York) et Brown (Providence, Rhode Island.), il revint à Harvard où il enseigna à partir de 1926, jusqu'à la création de l'Institute for Advanced Study à Princeton (New Jersey), dont il fut membre jusqu'à sa retraite.
Marston Morse est le créateur d'une nouvelle branche des mathématiques, qui est devenue l'un des outils les plus puissants des mathématiques, et qu'on appelle calcul des variations global, ou simplement théorie de Morse. Elle comporte deux niveaux :
A) Soit f une fonction réelle de classe C∞ sur une variété différentielle M de dimension n.
Les maximums et minimums relatifs de f forment une partie de l'ensemble des points critiques de f, c'est-à-dire ceux où la différentielle df = 0. Morse s'intéresse à l'ensemble de tous ces points : un point critique xo ∈ M est dit non dégénéré si, dans le développement de Taylor de f(x) —f(xo) par rapport à des coordonnées locales, qui commence par des termes du second degré, ces termes constituent une forme quadratique non dégénérée ; le nombre de carrés négatifs de cette forme est alors appelé l'indice de Morse de f au point xo : si cet indice est 0 (resp. n), xo est un minimum relatif (resp. un maximum relatif) de f. Une fonction de Morse est une fonction f n'ayant que des points critiques non dégénérés (nécessairement isolés). Un résultat fondamental est que toute fonction bornée de classe C∞ sur M peut être approchée uniformément par des fonctions de Morse. Si f est une fonction de Morse sur une variété compacte M, on a, pour 0 < λ< n,
Après la création de la théorie des complexes cellulaires (ou CW-complexes), on s'est aperçu que les méthodes de Morse donnaient des renseignements encore plus précis : la variété M étant supposée compacte et Ma désignant l'ensemble des x ∈ M où f(x) ≤ a pour une fonction de Morse f, le type d'homotopie de Ma est entièrement déterminé par les indices des points critiques de f contenus dans Ma.
B) Sur une variété riemannienne M, une géodésique est une courbe γ : t↦γ(t) définie pour t dans un intervalle ouvert I ⊂ R et ayant la propriété suivante : pour tout t0 ∈ I, il y a un voisinage de t0 tel que, pour tout t dans ce voisinage, la longueur de l'arc de γ correspondant à l'intervalle d'extrémités t0 et t soit plus petite que celle de tout autre arc de courbe C1 par morceaux joignant x0 = γ(t0) et x = γ(t) dans M.
Supposons, pour simplifier, M compacte et connexe ; pour tout point x ∈ M et tout vecteur tangent unitaire h0 en x0, il y a une géodésique et une seule t↦γ(h0, t) qui soit définie dans R tout entier et telle que γ(h0, 0) = x0 et que h0 soit le vecteur tangent unitaire à γ au point t = 0 ; γ (h0, t) ne dépend que du vecteur tangent th0 et on pose γ(h0, t) = exp (th0). Il existe r> 0 assez petit pour que h↦ exp (h) soit un difféomorphisme de la boule |h|< r (dans l'espace tangent T au point x0) sur un voisinage ouvert de x0 dans M. Les points exp (th0) tels que h↦ exp (h) ne soit un difféomorphisme d'aucun voisinage de th0 dans T sur un voisinage de exp (th0) sont dits conjugués de x0. Tout point de M peut être joint à x0 par une géodésique au moins, et les points non conjugués de x0 forment un ensemble partout dense. Par exemple, si M est la sphère S , les géodésiques sont les grands cercles (parcourus une infinité de fois) et x est conjugué de x0 si et seulement s'il lui est diamétralement opposé.
La théorie de Morse s'occupe de l'ensemble Ω(p, q) des arcs de courbe C par morceaux γ : [0, 1 ] → M joignant deux points p, q ; cet ensemble est un espace métrique lorsqu'on prend pour distance de deux tels arcs :
La méthode classique d'Euler-Lagrange pour déterminer les géodésiques permet d'assimiler les γ ∈ Ω(p, q) qui sont des géodésiques à des « points critiques » de la fonction E (bien que Ω(p, q) soit un espace de dimension infinie et non une variété différentielle). L'idée de Morse est de restreindre E à un sous-espace Ω'(p, q), qui est, cette fois, une variété différentielle usuelle à laquelle on peut appliquer les résultats de A) : pour cela, Morse prend une subdivision de [0, 1] en intervalles assez petits 0 < t1 < ... < tr < 1 et, pour Ω'(p, q), l'ensemble des « lignes brisées » qui, dans chaque intervalle[tj, tj+1], soient des arcs de géodésiques. Le résultat fondamental est que, pour tout c > 0, le type d'homotopie du sous-espace de Ω(p, q) formé des arcs de longueur < c est entièrement déterminé par le nombre de points conjugués de p sur chacune des géodésiques allant de p à q et de longueur < c ; chacun de ces points doit être compté avec une certaine multiplicité, définie uniquement à l'aide de la fonction exp (h).
Comme exemple d'application de ce résultat, on peut montrer que, sur une variété compacte ayant le type d'homotopie de Sn, il y a une infinité de géodésiques périodiques. Une application plus récente aux groupes de Lie compacts a fourni la première démonstration des théorèmes de périodicité de Bott pour les groupes d'homotopie des groupes de Lie classiques. De plus, c'est en utilisant les résultats de A) que S. Smale a pu prouver la conjecture de Poincaré pour les variétés différentiables compactes de dimension ≥ 5. Cette démonstration a été beaucoup simplifiée par Morse lui-même, alors qu'il était âgé de plus de soixante-dix ans.
Bibliographie
M. Morse, « Calculus of Variations in the Large », in Amer. Math. Soc. Coll. Publ., vol. XVIII, 1934
J. Milnor, « Morse Theory », in Ann. of Math. Studies, no 51, Princeton University Press, 1963.
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Écrit par
- Jean DIEUDONNÉ : membre de l'Académie des sciences
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