GÉNOMIQUELe séquençage des génomes
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Le décryptage des gènes
Les acides nucléiques qui constituent le génome de tous les organismes (ADN, ou ARN pour certains virus) présentent une structure d'apparence très monotone car ce sont des polynucléotides, c'est-à-dire des polymères formés d'une chaîne de nucléotides. L'information que portent ces molécules est en fait constituée par l'ordre dans lequel se suivent les quatre types de bases puriques et pyrimidiques qu'elles renferment : T, A, G et C. Cet ordre définit la séquence qui détermine la structure des protéines construites à partir de cette formule, après transcription et traduction. Rien d'étonnant donc à ce que la lecture de l'ADN d'un organisme – et pourquoi pas, de l'homme – constitue un enjeu majeur... La preuve que l'ADN constitue le matériel héréditaire date de 1944 (Oswald Avery), mais le séquençage de cette molécule n'est devenu réellement praticable qu'à la fin des années 1970 ; et les premières séquences complètes de génomes microbiens, donc relativement petits, remontent à 1995. C'est que la tâche était, et reste, rude.
En effet, après la découverte en 1953 de la structure de l'ADN, molécule bicaténaire (2 chaînes complémentaires reliées par des jonctions entre A et T ou entre G et C) se développant en double hélice, d'intenses recherches sur le code génétique (la manière dont la séquence de l'ADN spécifie la formule des protéines) avaient abouti en 1964 à son déchiffrage par M. Nirenberg et H. G. Khorana. On savait dès lors interpréter la séquence de l'ADN, et en déduire la traduction en protéines ; mais les moyens pour l'analyser expérimentalement étaient quasi inexistants. L'emploi des enzymes de restriction capables de détacher une à une les bases de l'ADN (excision) permettait tout juste de lire de très courtes séquences, une dizaine ou une vingtaine de lettres tout au plus. Or un gène comporte au minimum quelques centaines, souvent plusieurs milliers de bases ; et les bactéries les plus simples ont un génome qui comporte un ou deux millions de bases (mégabases). Quant à la souris, ou à l'homme, leur génome était estimé à trois milliards de bases autrement dit trois mille mégabases... On était donc très loin du compte.
La taille des génomes est figurée par le nombre de volumes (1000 pages, 15000 signes par page, soit le format d'un annuaire téléphonique) nécessaires pour imprimer la totalité de la séquence d'ADN. Dans ces conditions, il faudrait 200 annuaires pour la séquence humaine, une dizaine pour...
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Les premiers progrès, enregistrés à partir de 1965, concernèrent le séquençage de l'ARN. Fred Sanger, le pionnier britannique du séquençage des protéines, mit au point une méthode qui permettait de découper une molécule d'ARN en plusieurs fragments, séparés ensuite par électrophorèse sur papier avant d'être enfin analysés en détail. La méthode était lente et laborieuse – des mois de travail pour déchiffrer une centaine de bases –, mais constituait néanmoins un progrès majeur. Cependant, tout allait changer à partir de 1977, lorsque apparurent à peu près simultanément la technique de séquençage de l'ADN mise au point par Sanger, (encore lui,) et celle de Gilbert et Maxam. Ces méthodes aboutissaient toutes deux à la lecture directe de la séquence après séparation par électrophorèse de fragments marqués radioactivement. La méthode enzymatique de Sanger, plus rapide, allait s'imposer grâce à l'amélioration des enzymes et des processus.
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Écrit par :
- Bertrand JORDAN : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
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Pour citer l’article
Bertrand JORDAN, « GÉNOMIQUE - Le séquençage des génomes », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/genomique-le-sequencage-des-genomes/