GALILÉE (G. GALILEI)
Le drame final et le couronnement de l'œuvre
L'apparition de trois comètes, en 1618, vint réveiller les controverses entre astronomes. Galilée, qui n'avait pas cessé ses observations, avait évidemment son mot à dire. Mais il ne prépara son intervention que sur les encouragements du cardinal Barberini, qui devint pape sous le nom d' Urbain VIII, en 1623. Comment Galilée aurait-il pu ne pas nourrir l'espoir de faire abroger le décret de 1616 ! L'ouvrage de circonstance qui lui avait été suggéré, et auquel il donna le titre adéquat de Il Saggiatore (L'Essayeur), est un chef-d'œuvre de l'art polémique. Au-delà de la controverse suscitée par le jésuite Horatio Grassi à propos des comètes, il invite le lecteur à la réflexion sur la méthode de la science. Et c'est là que se trouve le passage prophétique concernant l'écriture mathématique du livre de l'univers. Le nouveau pape accueillit avec faveur le résultat de l'effort qu'il avait lui-même suscité et qui lui était d'ailleurs dédié.
L'année suivante, en 1624, Galilée se rendit à Rome pour exposer à Urbain VIII l'intérêt qu'il y aurait à publier un ouvrage où les thèses relatives au système du monde seraient présentées contradictoirement. Le projet ne déplut pas. Il fut seulement précisé à l'auteur qu'il devait être objectif, c'est-à-dire n'avantager aucune des théories en présence.
C'est ainsi que le drame, dont les motifs, déjà noués en 1615, n'avaient pas changé, se traduisit dans les faits. Au fur et à mesure de la réalisation de son dessein, Galilée eut à mener des négociations difficiles, mais le quiproquo provenant de ce qu'il ne comprenait pas l'objectivité de la même manière que les autorités romaines se poursuivit jusqu'à la publication, en février 1632, de son célèbre Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo, tolemaico e copernicano).
Écrit en langue vulgaire, et dans un style alerte, souvent ironique et mordant, qui fait rendre à son genre littéraire tous ses effets, l'ouvrage prenait parti, et, bien que certaines de ses assertions, notamment l'interprétation du phénomène des marées comme preuve positive du mouvement de la Terre, soient erronées, il avait dans l'ensemble une vigueur démonstrative considérable. Urbain VIII pouvait s'y reconnaître sous les traits de Simplicio, l'aristotélicien trop soucieux de défendre la tradition, et Galilée perdit les puissants appuis dont il avait bénéficié jusque-là.

Procès de Galilée
Erich Lessing/ AKG-images
Procès de Galilée
Galilée devant l'Inquisition , à Rome (12 avril-22 juin 1633). Le savant (1564-1642) fut contraint…
Erich Lessing/ AKG-images
Nous n'entrerons pas ici dans plus de détails à propos du fameux procès, dont certains aspects sont peu honorables pour les juges du Saint-Office. Il importe davantage d'en fixer nettement la leçon. Si Galilée se trouvait livré à des adversaires sans scrupules, incapables de saisir le problème délicat qui formait le fond réel du débat, il avait tout fait pour qu'il en fût ainsi.
Sans doute avait-il agi en raison de sa conviction profonde qu'en matière de recherche physique il n'y a pas équivalence entre les hypothèses, mais il n'avait pas compris qu'entre la convergence des arguments en faveur d'une hypothèse et l'affirmation d'une réalité physique, il y a un pas que l'on peut hésiter à franchir.
Sans doute, les hésitations à franchir ce pas, telles qu'elle apparaissaient chez un Bellarmin, étaient loin d'avoir les fondements épistémologiques qu'on peut leur donner aujourd'hui et se teintaient de politique théologique ; mais, sur la question préalable de la comparaison des hypothèses, les arguments décisifs en faveur de la translation de la Terre et de sa rotation sur elle-même par rapport au Soleil n'ont été acquis qu'au début du xixe siècle.
S'il y a lieu, en définitive,[...]
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Écrit par
- Pierre COSTABEL : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
. In Encyclopædia Universalis []. Disponible sur : (consulté le )
Médias

Galilée, J.Sustermans
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Galilée, J.Sustermans
Galilée (1564-1642), par Joost Sustermans. Offices, Florence.
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Les longues-vues constituées de deux lentilles – objectif et oculaire – ont, selon toute probabilité, été inventées avant 1604 ; elles se répandent en Europe vers 1608. Galilée va en construire plusieurs à partir de 1609 et utiliser ces premières lunettes astronomiques pour observer...
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