GALILÉE (G. GALILEI)

Les sentiers de la gloire

Que Galilée ait parfaitement compris l'importance considérable de sa découverte des satellites de Jupiter, rien ne le montre davantage que le nom d'« astres médicéens » qu'il leur impose juste à temps pour figurer sur le frontispice du Sidereus Nuncius. L'auteur et sa découverte avaient certainement besoin de protecteurs, mais, en choisissant de flatter le nouveau grand-duc de Toscane, Cosme II de Médicis, Galilée caressait de vastes desseins. Il avait la nostalgie de sa province natale et, comme il le dit lui-même dans la lettre qu'il adressa au prince de Florence, ses cartons étaient pleins de « merveilleux plans et projets ». Des projets techniques, des projets de publication sur le système du monde et sur une « science entièrement nouvelle » du mouvement.

Malgré les efforts faits à Venise pour le retenir, malgré les avis de quelques amis soucieux de sa liberté intellectuelle, Galilée suivit la voie ouverte par sa propre diplomatie et s'installa à Florence, en septembre 1610, avec le titre de premier mathématicien et philosophe du grand-duc.

Son activité ne fut d'abord entravée que par la maladie qui le cloua périodiquement au lit durant plusieurs années, et il poursuivit les recherches qui l'avaient amené, à Padoue, au printemps de 1610, à observer les taches du Soleil. Il découvrit en décembre les phases de la planète Vénus, et au printemps de 1611 reçut à Rome l'accueil flatteur de l'Accademia dei Lincei et du Collège romain, la puissante institution jésuite. Mais le Discours sur les corps flottants qu'il publia en 1612 après d'âpres discussions avec les professeurs aristotéliciens de Pise manifesta l'étendue des difficultés dans lesquelles il était engagé en fait par rapport à la science traditionnelle. Ce fut le conflit.

En vain Galilée réussit-il à faire nommer à Pise, dans la chaire de mathématiques, son disciple le père Benedetto Castelli. Celui-ci reçut du recteur l'ordre de s'abstenir de toute allusion à la théorie copernicienne et de la grande-duchesse douairière de Toscane, Christine de Lorraine, des avertissements inspirés par le souci de l'orthodoxie. Galilée fut obligé d'intervenir. Il le fit dans une lettre à son disciple où il aborda de manière directe les rapports de la science et de la religion, affirmant que, dans le domaine des phénomènes physiques, l'Écriture sainte n'a pas de juridiction. La diffusion de cette lettre provoqua l'extension de la polémique. Des prédicateurs stigmatisèrent en chaire les idées nouvelles. Au début de 1615, un autre religieux du parti copernicien, le père Foscarini, crut bien faire en publiant une brochure pour montrer qu'en fait les passages de l'Écriture qui servaient d'arguments contre la théorie héliocentrique pouvaient être interprétés dans son cadre. Mais l'initiative suivait une plainte contre Galilée déposée au Saint-Office. Le cardinal Bellarmin, personnage important de la Curie romaine, favorable à Galilée, essaya d'enrayer le développement de l'affaire en écrivant au père Foscarini une lettre quasi publique où, tout en reconnaissant l'intérêt pratique, pour le calcul astronomique, du système de Copernic, il déclarait formellement imprudent de l'ériger en vérité physique. Poussé par quelques amis, dont Mgr Dini, Galilée diffusa à son tour une lettre à la grande-duchesse Christine où il développait magistralement que « l'intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on doit aller au ciel, et non comment va le ciel ».

C'était là parler juste et respecter profondément la spécificité de la Révélation. Mais c'était aussi accepter le déplacement du débat, que la polémique avait obscurci. Au cardinal Bellarmin, dont toute l'attitude semble inspirée par le désir de maintenir la paix en retardant[...]

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Écrit par

  • Pierre COSTABEL : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Classification

. In Encyclopædia Universalis []. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Galilée, J.Sustermans

Galilée, J.Sustermans

Galilée, J.Sustermans

Galilée (1564-1642), par Joost Sustermans. Offices, Florence.

Lunettes de Galilée

Lunettes de Galilée

Lunettes de Galilée

Dès l'automne de 1609, Galilée (1564-1642) s'applique à construire des lunettes et à les utiliser à…

Galilée

Galilée

Galilée

Démonstration géométrique de l'accord entre la loi des espaces de la chute des corps et la…

Autres références

  • LUNETTES ASTRONOMIQUES DE GALILÉE

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 288 mots
    • 1 média

    Les longues-vues constituées de deux lentilles – objectif et oculaire – ont, selon toute probabilité, été inventées avant 1604 ; elles se répandent en Europe vers 1608. Galilée va en construire plusieurs à partir de 1609 et utiliser ces premières lunettes astronomiques pour observer...

  • PROCÈS DE GALILÉE

    • Écrit par Jean-Urbain COMBY
    • 293 mots
    • 1 média

    La parution du De revolutionibus de Copernic, en 1543, avait bouleversé la cosmologie traditionnelle en substituant l'héliocentrisme au géocentrisme traditionnel. Les théologiens catholiques, mais aussi protestants, rejetèrent la doctrine copernicienne au nom des affirmations bibliques sur...

  • AIR

    • Écrit par Jean PERROTEY
    • 2 154 mots
    • 2 médias
    Aristote ne parvint pas à peser l'air et les échecs se succédèrent jusqu'au xviie siècle. Galilée, interrogé sur l'impossibilité de pomper l'eau des puits à une hauteur de plus de 10 mètres, doit admettre que « la nature a une horreur modérée du vide », selon la théorie de l'époque. ...
  • ASTRONOMIE

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 11 338 mots
    • 20 médias
    Galilée (1564-1642) est un des hommes de science les plus complets qui aient existé. Mathématicien, physicien et astronome, il est le véritable fondateur de la physique. Il entreprend les premières expériences sur la chute des corps. Pour l'astronomie, Galilée restera à jamais célèbre pour deux raisons...
  • CALCUL INFINITÉSIMAL - Histoire

    • Écrit par René TATON
    • 11 465 mots
    • 3 médias
    Galilée, pour sa part, n'apporta qu'une contribution personnelle assez réduite au perfectionnement des méthodes infinitésimales. Cependant, ayant le sentiment profond que ce problème conditionnait en partie l'essor de la science nouvelle, et tout particulièrement de la dynamique, il incita...
  • CAMPANELLA TOMMASO (1568-1639)

    • Écrit par Michel-Pierre LERNER
    • 2 009 mots
    Bien qu'il se soit rangé en 1616 aux côtés de Galilée pour soutenir que l'autorité de l'Écriture ne peut pas être invoquée dans le domaine de la science de la nature, Campanella n'a jamais été un sectateur de Copernic, ni un adepte de Galilée, dont il a critiqué la physique d'inspiration atomiste....
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Voir aussi