FUGUE
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Du contrepoint à la fugue
Toute l'histoire de la musique occidentale repose sur l'équilibre permanent qu'on y rencontre entre l'écriture horizontale et l'écriture verticale, entre le contrepoint et l'harmonie. Le contrepoint est antérieur à l'harmonie, puisque la musique du haut Moyen Âge était exclusivement monodique et que le contrepoint est né par hasard, le jour où un musicien a eu l'idée de faire exécuter ensemble deux monodies et par là même de régenter les rapports de ces lignes entre elles. Ensuite, d'autres lignes mélodiques se sont ajoutées aux deux premières : la simultanéité de leur exécution offrait à chaque moment, à l'oreille, un ensemble de notes constitutives d'un accord, et l'harmonie existait de ce fait même. Ainsi, l'harmonie découpe verticalement le matériau musical offert par les hasards calculés du contrepoint.
Le contrepoint n'est nullement une « forme » musicale. C'est un style d'écriture, qui met au-dessus de tout l'indépendance et l'originalité de chacune des parties réelles de la partition. La notion de forme n'intervient qu'à partir du moment où le musicien cherche à compliquer le jeu et à y introduire des conventions arbitraires supplémentaires. C'est le cas du canon. Ce dernier constitue la forme la plus stricte de l'imitation. Lorsqu'une phrase énoncée par une partie est reprise par une autre, mais sur un autre degré de l'échelle musicale, il y a imitation. Lorsque la première et la seconde partie énoncent la même phrase simultanément, mais avec un décalage marqué, il y a canon. La partie proposante s'appelle « antécédent », la ou les parties qui imitent se nomment « conséquent ». La chanson enfantine Frère Jacques est le type le plus simple et le plus parfait du canon, où le thème initial reflète parfaitement sa propre image, quel que soit le décalage imposé au départ. Le finale de la Sonate pour piano et violon de César Franck en est un autre exemple célèbre.
Ainsi le canon constitue-t-il une forme, et non plus un style. Il faut ajouter que le compositeur peut choisir, pour établir son canon, n'importe quel degré de l'échelle, et qu'il peut également utiliser tous les artifices prévus dans l'arsenal de l'imitation : mouvement direct, mouvement contraire, mouvement rétrograde (dit aussi « à l'écrevisse »), augmentation ou diminution du thème original (qui est alors énoncé en valeurs plus ou moins longues ou brèves). Tous ces artifices semblent issus de la panoplie du parfait « grand rhétoriqueur » du xve siècle ; ils prouvent en tout cas que le contrepoint, même sous ses aspects les plus modernes et contemporains, conserve intactes ses attaches profondes avec ses origines médiévales.
C'est au xvie siècle qu'apparaît une forme dont l'importance est grande dans l'histoire de la fugue : le ricercare (d'un mot italien qui signifie « rechercher »). Dans cette forme, en effet, le compositeur utilise plusieurs thèmes qui jouent les uns par rapport aux autres suivant les lois les plus strictes du contrepoint, et l'auditeur est implicitement invité à rechercher ces thèmes dans la trame du discours musical. D'Andrea Gabrieli à Girolamo Frescobaldi, le ricercare croît en complexité et aboutit à un plan assez sévère et compliqué.
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Écrit par :
- PIERRE-PETIT : directeur de l'École normale de musique de Paris, critique musical, directeur musical à R.T.L.
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Pour citer l’article
PIERRE-PETIT, « FUGUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 23 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/fugue/