FRICHES INDUSTRIELLES
Les friches « majeures »
Les friches industrielles « majeures » demandent un tout autre traitement. Le fait dominant est ici la superficie, mesurable en hectares, voire en kilomètres carrés. Le bâtiment industriel est moins représenté que l'infrastructure, l'instrument de production implanté directement en plein air, étranger à l'architecture. Ces friches sont celles qu'ont léguées l'industrie houillère, les mines de toute sorte, la sidérurgie, l'industrie pétrolière, les centrales électriques. Leur localisation est parfois urbaine, mais dans ce cas leur marque sur la ville est massive ; elle est plus souvent de plein champ (tranchant dans le paysage agricole et végétal de la surface en fonction des exigences du sous-sol) ou associé à des facilités de transport ferroviaire ou fluvial.
L'apparition de la friche crée des cicatrices d'une ampleur incomparable. On s'explique alors le caractère dramatique des chiffres mesurant le phénomène : 10 000 hectares dans le Nord - Pas-de-Calais, 3 000 dans la Ruhr, 1 000 seulement en Île-de-France, mais 45 000 en Grande-Bretagne (chiffres purement indicatifs, constamment modifiés par la balance entre friches reconquises et friches nouvellement apparues...).
De telles friches opposent de puissants obstacles à leur réutilisation, et leur résorption ou leur réactivation reste pendant de longues années à l'ordre du jour. Elles ont souvent endommagé l'environnement, enfonçant des fondations ou des canalisations dans le sous-sol, y infiltrant des substances polluantes, créant en surface des réseaux de desserte ou de circulation interne. C'est ainsi que la fermeture en 1992 de l'usine Renault, construite en 1929, sur l'île Seguin (Boulogne-Billancourt) a été immédiatement suivie d'un grand chantier de nettoyage, de désamiantage et de dépollution du sol. La réhabilitation des lieux a fait l'objet de nombreux débats, notamment à propos de l'implantation d'un musée consacré à la collection d'art contemporain de François Pinault. Celui-ci a finalement renoncé à ce projet.
Elles déséquilibrent le marché foncier en créant une offre de terrains en discordance avec la demande, même si celle-ci, à l'échelle de telles friches, est régionale plutôt que locale. Discordance : c'est bien encore le terme qui caractérise la difficulté de réintroduire les grandes friches industrielles dans un nouvel équilibre économique et humain, induisant la tentation de fermer définitivement une parenthèse et de revenir à une utilisation agricole ou forestière des surfaces.
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Écrit par
- Louis BERGERON : directeur d'études honoraire à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Médias
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