ZURBARÁN FRANCISCO DE (1598-1664)
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Un peintre du Siècle d'or
La vie de Francisco de Zurbarán ne se présente pas sous une forme harmonieuse et continue. Presque totalement ignorée il y a peu de temps encore, elle est pleine de hauts et de bas, de moments obscurs et de crises. Homme plutôt renfermé, provenant d'un milieu rural, il restera un artiste consciencieux et discret qui évoluera au milieu d'une clientèle presque exclusivement ecclésiastique. Il n'entreprendra pas le voyage en Italie, ni n'entrera en contact direct avec les milieux cosmopolites de son époque. Il travaille à Séville et en Estrémadure, et, bien qu'ayant triomphé à la Cour au moment de sa maturité, il ne réussira cependant pas à tirer profit de son succès et il mourra à Madrid pauvre et oublié.
Fils d'un modeste commerçant d'origine basque, Zurbarán naît à Fuente de Cantos, dans la province de Badajoz. Il se forme à Séville dans l'atelier d'un peintre inconnu aujourd'hui, Pedro Díaz de Villanueva. Sa formation terminée, en 1618, on le trouve installé à Llerena où il se marie avec une femme d'origine modeste, de dix ans son aînée, dont il aura trois enfants. L'un d'eux, Juan, peindra à son tour, surtout des natures mortes. On ne sait pas grand-chose de ces années provinciales de Zurbarán si ce n'est qu'il réalise des tableaux pour les retables d'églises de villages, des travaux artisanaux comme la dorure des brancards de la Vierge et le plan de la fontaine octogonale de la Plaza Mayor de Llerena. Mais son prestige amène les dominicains de Séville à lui commander en 1626, pour une somme encore modique, vingt et une toiles pour leur couvent. Une nouvelle étape de sa vie commence alors. Deux ans plus tard, le couvent de la Merci de Séville lui commande à son tour vingt-deux toiles pour le cloître du réfectoire. Le conseil municipal de Séville le prie alors de venir s'installer définitivement dans la ville en alléguant « que la peinture n'est pas le moindre ornement de la République... », ce qui provoque l'indignation d'Alonso Cano qui voudrait que Zurbarán soit tenu de passer des examens avant de venir travailler dans la cité andalouse. Avec la commande qui lui demande d'achever la série du collège de Saint-Bonaventure, commencée par Herrera l'Ancien, Zurbarán, qui réalise alors le cycle de la chartreuse des Cuevas et la Nature morte de la collection Contini Bonacossi à Florence–, entre dans la plénitude de son art. En 1634, il travaille au Salón de Reinos du palais du Buen Retiro de Madrid. Dans cet ensemble décoratif destiné à la couronne interviennent tous les peintres importants de l'époque, des Italiens, comme Vincente Carducho et Jusepe Leonardo, aux Espagnols, comme Velázquez et Alonso Cano. Zurbarán y peint le tableau historique du Secours de Cadiz et la série des Travaux d'Hercule (musée du Prado, Madrid), tableaux mythologiques à la gloire du roi d'Espagne ; les sujets étaient totalement différents de ceux qu'il avait réalisés jusque-là. Entre 1636 et 1639, il exécute ses chefs-d'œuvre, les cycles pour les chartreux de Jérez de la Frontera (musée de Grenoble) et pour les hiéronymites de Guadalupe (Cáceres). Cette dernière série forme un ensemble impressionnant qu'il est extraordinaire de pouvoir contempler dans le cadre même pour lequel elle fut conçue, un monastère grandiose en pleine sierra d'Estrémadure, ce qui en fait l'un des ensembles picturaux du xviie siècle les mieux préservés, car les autres cycles sont dispersés dans différents musées.
La Défense de Cadiz, F. de Zurbaran
Francisco de Zurbaran, La Défense de Cadiz ou Le Secours de Cadiz.1634. Huile sur toile. Musée du Prado, Madrid.
Crédits : Bridgeman Images
Hercule et le Minotaure, F. Zurbaran
Francisco Zurbaran (1598-1664), Hercule et le Minotaure, huile sur toile, 1634. Musée du Prado, Madrid.
Crédits : Bridgeman Images
À partir de 1640, Zurbarán ne réalisera plus de grandes séries. Marié pour la troisième fois (en 1625, Zurbarán avait épousé Beatriz de Morales qui mourra en 1639) avec une jeune veuve de vingt-huit ans, il ne réalisera alors que des œuvres isolées et des commandes commerciales pour l'Amérique du Sud. La crise est personnelle, mais aussi nationale. Entre 1640 et 1650, l'unité nationale est compromise et les défaites essuyées par l'Espagne hors des frontières ont des répercussions sur le marché de la peinture. En outre, un changement s'opère dans le goût. L'apparition à Séville de Murillo – qui, avec ses thèmes aimables et ses compositions plus faciles, est le meilleur représentant d'un style plus populaire et plus accessible – fera changer Zurbarán qui introduit alors dans ses compositions des qualités plus douces et plus vaporeuses, d'expression nuancée et sentimentale. Les sujets aussi changent, car Zurbarán reçoit à ce moment-là des commandes de tableaux d'autels et d'images religieuses pour [...]
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Écrit par :
- Antonio BONET-CORREA : professeur d'histoire de l'art espagnol, université Complutense, Madrid
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Pour citer l’article
Antonio BONET-CORREA, « ZURBARÁN FRANCISCO DE - (1598-1664) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 18 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/francisco-de-zurbaran/