POLICIER FILM
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Esthétique du film policier
On peut définir le film policier comme le récit d'une chasse à l'homme. Il diffère du film d'aventures en ce que le mystère entoure jusqu'à l'explication finale des motifs du poursuivant ou la personne du poursuivi. C'est le plus souvent la seule curiosité du spectateur que l'auteur cherche à exciter : l'intrigue est alors la pièce maîtresse du film. Mais toutes les données peuvent être fournies d'emblée : l'atmosphère, la peinture d'un caractère, la description d'un milieu constituent alors le ressort essentiel de l'œuvre.
La faiblesse du film policier par rapport au roman saute aux yeux. Ce qu'une action contient d'ambigu ou de mensonger n'apparaît pas à l'image. Comme l'a noté Freud, celle-ci peut être contredite, elle ne peut pas se contredire. Ce que l'image cache ne pourra se révéler que dans une autre image. Faiblesse mais aussi force, car il devient plus aisé d'égarer le public. Dans Le Grand Alibi (Stage Fright, 1950) de Hitchcock, le criminel raconte le meurtre en omettant son propre rôle, et la fausseté de son récit ne peut être dénoncée que par une autre image. Le procédé est largement exploité par Kurosawa dans Rashōmon (1950).
La femme (Kyo Machico) implore le bandit (Mifune Toshiro) dans Rashomon, film du Japonais Kurosawa Akira, en 1951.
Crédits : Hulton Archive/ Moviepix/ Getty Images
De toute façon, le film policier suppose à la fois la passivité et la complicité du spectateur. Ce spectateur, cloué dans son fauteuil, doit accepter de ne recevoir qu'un certain nombre d'informations, sans pouvoir procéder à des vérifications ou à des compléments d'enquête ; mais il doit aussi s'identifier avec le héros. « Le sujet est toujours meilleur, observe Hitchcock, quand les spectateurs peuvent passer par les mêmes sentiments que les acteurs sur l'écran. »
Contraint de tout exprimer visuellement, le film procède selon une démarche différente de celle du roman. « La surprise, explique Hitchcock, doit être dans l'image, et le choc dans les découvertes de la caméra, non dans les progrès de l'enquête. » L'auteur est conduit à conjuguer deux éléments : le découpage des séquences et le montage des images. Le découpage privilégie le suspense en ralentissant l'action par une attente que clôt une image choc, transposition cinématographique du coup de théâtre. Le montage favorise le thrill (frisson) en précipitant le rythme des images pour provoquer un mouvement rapide et violent. L'art du film policier tel que l'a conçu Hitchcock consiste à faire succéder à ce que Freud appelle une angoisse primaire née d'une tension une angoisse secondaire qui libère la peur ; au suspense fait suite le thrill ; une action jusqu'alors lente se prolonge par une folle poursuite qui termine le film. Les recettes hitchcockiennes ne sauraient tenir lieu de « canons » pour le film policier ; pourtant les cinéastes s'y soumettent généralement. Qu'il s'agisse du déroulement d'une enquête dont le point final est la capture du coupable ou que, placée du côté des malfaiteurs, la caméra reconstitue les préparatifs d'un hold-up, le mouvement est le même : le paroxysme est atteint au moment du dénouement qui provoque une chute de tension.
Le réalisateur britannique Alfred Hitchcock (1899-1980) devant le tableau où figure une partie des dialogues de son film Les Enchaînés (Notorious), en 1946.
Crédits : Hulton Archive/ Getty images
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Écrit par :
- Jean TULARD : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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Pour citer l’article
Jean TULARD, « POLICIER FILM », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 12 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/film-policier/