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ENVIRONNEMENT Catastrophisme environnemental

Les questions environnementales sont devenues un enjeu politique majeur et les débats médiatiques s'avèrent souvent houleux. Schématiquement, on peut dire que deux groupes s'affrontent : aux environnementalistes « pessimistes » s'opposent des « optimistes ». Les pessimistes tentent d'alerter l'opinion publique ainsi que le pouvoir politique au sujet des menaces qui pèsent sur l'avenir de l'espèce humaine et de la nécessité de changer les modes de vie. Les optimistes les accusent d'être non seulement des cassandres, mais aussi des antihumanistes vouant un culte à la nature, des antiprogressistes incapables de considérer les capacités d'adaptation des hommes. Cependant, de documentaires ou de livres en articles de presse, l'idée que l'humanité court vers une catastrophe d'origine environnementale s'est imposée dans l'opinion comme un thème majeur et récurrent. Cette notion de catastrophisme environnemental n'est pas similaire au Déluge ou aux catastrophes postulées par Cuvier : il s'agit des conséquences des perturbations provoquées par l'homme sur son environnement qui, si elles ne sont pas régulées, finiront inéluctablement par remettre en cause l'avenir même de l'espèce humaine. Ce type de réflexion n'est pas aussi récent que peuvent le laisser croire les médias d'aujourd'hui. Un retour sur la seconde partie du xxe siècle en particulier permet de mieux comprendre l'origine de ce type de discours, mais aussi de saisir la profondeur du bouleversement qu'il provoque.

L'homme dévastateur de la nature : un constat ancien

Durant les vingt-cinq années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, une série de best-sellers, surtout américains, bouleversent profondément la conscience des Occidentaux : les auteurs de ces livres dénoncent une crise environnementale mondiale et prédisent, si aucune solution n'est apportée, de grandes difficultés pour l'humanité. En 1948, au début même d'une époque marquée par un intense développement économique et par une foi profonde dans le progrès, paraissent Road to Survival de William Vogt et Our Plundered Planet d'Henry Fairfield Osborn Jr. Tous les deux dénoncent les effets conjugués de l'explosion démographique et de l'épuisement des ressources naturelles. Leur succès n'est dépassé qu'en 1962 par Silent Spring (Printemps silencieux) de Rachel Carson, qui fait le constat alarmant de l'impact du D.D.T. et des autres pesticides de synthèse sur l'environnement. L'année 1968 est marquée par un nouveau best-seller, The Population Bomb (La Bombe P) de Paul R. Ehrlich ; mais, plus que le dernier jalon d'une série, l'immense succès de cet ouvrage marque l'émergence d'une nouvelle forme de pensée des problèmes environnementaux : l'écologie politique.

Mis à part le réchauffement climatique, les questions posées par ces auteurs sont les mêmes, ou presque, que celles des environnementalistes contemporains. Si cette dernière forme de pensée contestataire du développement économique généré par la révolution industrielle est née au début des années 1970, ses racines sont en réalité bien plus lointaines et diverses.

Une préoccupation ancienne des économistes et des géographes

L'un des textes les plus anciens et les plus importants sur la relation de l'homme à son environnement et sa dépendance vis-à-vis de celui-ci est l' Essai sur le principe de population de l'économiste britannique Thomas Robert Malthus (1766-1834), qui paraît pour la première fois en 1798 et que l'auteur va reprendre six fois jusqu'en 1826. Le succès est immense et l'ouvrage suscite de très nombreux éloges et critiques. Sa thèse est souvent résumée par cette formule : la population croît suivant une progression géométrique, tandis[...]

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  • : docteur en sciences de l'environnement, historienne des sciences et de l'environnement, chercheuse associée au laboratoire SPHERE, CNRS, UMR 7219, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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