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ÉCONOMIE MONDIALE 2024 : croissance faible, désinflation et fragmentation accrue

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L’événement marquant de l’année 2024 est le recul de l’inflation, tout particulièrement dans les pays avancés où la hausse des prix, de 7,3 % en 2022, puis de 4,6 % en 2023, est passée à 2,6 % en 2024. Cette désinflation rapide surprend à différents points de vue : les politiques monétaires restrictives ont eu une efficacité remarquable et plus forte qu’espérée ; en outre, le ralentissement de la hausse des prix n’a pas eu pour contrepartie une récession ni une forte dégradation de l’emploi. L’explication de cet atterrissage en douceur est à chercher dans la singularité de l’inflation des années précédentes dont les origines sont en grande partie exogènes, qu’il s’agisse de la pandémie de Covid-19, qui a affaibli la production, provoqué des ruptures des chaînes d’approvisionnement et suscité des politiques de soutien des revenus, ou de la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie en février 2022, qui a créé des tensions sur les prix des matières premières et multiplié les cloisonnements commerciaux. De surcroît, à la différence des années 1970, l’absence de spirale prix-salaires n’a pas nourri le processus inflationniste et donne plus de flexibilité aux économies et de pertinence aux politiques monétaires d’austérité, au détriment du pouvoir d’achat.

Taux de chômage dans le monde (2022-2024) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Taux de chômage dans le monde (2022-2024)

Prix à la consommation dans le monde (2022-2024) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Prix à la consommation dans le monde (2022-2024)

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Les bienfaits de la désinflation sont patents : elle est génératrice de récupération de pouvoir d’achat ; elle contribue à une relative stabilisation des taux de change ; elle permet une baisse générale de taux d’intérêt favorable à l’investissement et à la reprise de l’activité.

Croissance du PIB mondial (2022-2024) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Croissance du PIB mondial (2022-2024)

Toutefois, si l’économie mondiale a évité une lourde récession, elle semble s’installer durablement dans une croissance faible. Les facteurs qui avaient soutenu la croissance à partir des années 1990 se sont affaiblis ou ont disparu, sous l’effet du cumul de quatre tendances : le vieillissement de la population mondiale, le ralentissement des rythmes d’investissement, le fléchissement des gains de productivité des facteurs et l’atonie du commerce international. Les  échanges mondiaux, qui ont longtemps enregistré un taux de croissance supérieur à celui de la production mondiale et constitué un moteur des dynamismes nationaux, connaissent un : en 2024, 2,4 % pour 3,2 % de croissance. Ce ralentissement durable de l’activité affecte particulièrement les pays les moins développés ; selon un rapport de la Banque mondiale d’avril 2024, pour la première fois depuis le début du xxie siècle, la moitié des 75 pays les plus vulnérables du monde enregistre un creusement de l’écart de revenu national avec les économies les plus riches.

Solde de la balance des paiements au niveau mondial (2022-2024) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Solde de la balance des paiements au niveau mondial (2022-2024)

Dans la plupart des pays, les finances publiques sont dans un état critique mais la réduction des déficits, toujours politiquement difficile, se heurte aux nécessités de solidarité nationale et d’investissement dans la lutte contre le changement climatique. Toutefois, les effets récessifs de l’austérité budgétaire peuvent être atténués par une policy-mix (articulation des politiques monétaire et budgétaire) associant aux réductions de dépenses publiques et aux augmentations d’impôts une baisse des taux d’intérêt favorable à la demande des ménages des entreprises et à la charge de la dette publique.

Échantillon de gallium - crédits : Science Photo Library/ AKG-Images

Échantillon de gallium

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Le libre-échange recule et la fragmentation des échanges s’enracine : le  protectionnisme de précaution (de-risking), apparu avec la Covid-19, visant à limiter les dépendances, notamment en matière de médicaments ou de produits alimentaires, se conjugue avec le protectionnisme de sanction politique, à l’égard de la Russie mais pas seulement, et le protectionnisme de guerre commerciale dans un environnement de renouveau du nationalisme. La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine en est l’exemple le plus fort, sans être pour autant unique. L’instauration par la Chine d’un visa d’exportation pour le gallium et le germanium, deux métaux critiques pour l’électronique de haute performance, riposte au contrôle de l’exportation de technologies américaines (semi-conducteurs de dernière génération) vers la Chine. À la fin de septembre 2024, dénonçant le dumping chinois et son non-respect de la propriété intellectuelle et industrielle, le président américain Joe Biden annonce des augmentations de droits de douane sur différents produits (véhicules électriques, batteries au lithium, cellules photovoltaïques…). À peine élu pour un deuxième mandat, Donald Trump annonce quant à lui de nouvelles mesures protectionnistes à l’encontre de la Chine mais aussi du Canada et du Mexique, ses partenaires de l’ACEUM (Accord Canada–États-Unis–Mexique). Les entraves au commerce font naître de nouvelles stratégies américaines suivant la localisation des flux : le commerce entre voisins (nearshoring) avec le Mexique ou le commerce entre amis ou nouveaux amis (friendshoring) avec le Vietnam. La Chine, de son côté, tente de contourner les obstacles en se rapprochant de nouveaux partenaires en Amérique du Nord et du Sud. Malgré ces différents types de fragmentation du commerce international, il existe aussi un multi-alignement de nombreux pays, l’Inde ou le Brésil par exemple, qui les fait commercer avec d’autres au gré des opportunités et pour leur plus grand profit.

Après une gestation d’un quart de siècle, l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay et Uruguay) qui prévoit de libéraliser, d’un côté, les importations européennes de viande bovine et volaille, sucre et maïs en provenance de l’Amérique du Sud et, de l’autre, les exportations de voitures, de produits chimiques et de médicaments, est sur le point d’aboutir, suscitant en France une forte mobilisation sociale et politique. Cet accord est au cœur de multiples enjeux du commerce international : le développement de ces pays émergents d’Amérique latine grâce au commerce, le développement des exportations européennes en concurrence avec l’industrie chinoise, la mise en concurrence de l’agriculture européenne avec des agricultures aux normes sanitaires et environnementales moins contraignantes.

Autre caractéristique de l’économie mondiale en 2024 : le multilatéralisme est en panne et seules les initiatives non occidentales progressent. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui regroupe, autour du duo Chine-Russie, certaines anciennes républiques soviétiques – la Biélorussie l’intègre en 2024 –, l’Inde, le Pakistan et l’Iran connaît un certain dynamisme. Les BRICS (jusqu’alors Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) sont rejoints en 2024 par l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie et l'Iran, et constituent, malgré une homogénéité toute relative, un pôle d’attraction en particulier pour la Turquie, en dépit de son appartenance à l’OTAN et de ses relations économiques prioritaires avec l’Union européenne. La présidence brésilienne du G20 a été l’occasion de dénoncer la faible représentativité des instances du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, qui ne laissent qu’une place sans rapport avec leurs poids démographiques et économiques aux pays émergents et en voie de développement, et dont la défaillance face aux besoins des pays du Sud est critiquée. Par ailleurs, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui, à l’inverse des autres institutions africaines, englobe la totalité des pays africains (à la seule exception de l’Érythrée) et suscite de grands espoirs de développement des échanges commerciaux intra-africains et de réduction de la pauvreté a enregistré en 2024 un progrès net avec 32 pays (Afrique du Sud, Algérie, Tunisie, Maroc, Nigeria, Sénégal, Côte d’Ivoire...) qui se sont ajoutés aux 7 pionniers (Égypte, Cameroun, Ghana, Kenya...) pour libéraliser le commerce de certains produits dans le cadre d’une Initiative commerciale guidée (GTI).

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Les effets économiques des catastrophes climatiques prennent partout de l’ampleur (Brésil, Inde, Japon, Nigeria, Espagne…) ; pour autant, la réaction aux changements climatiques ne figure pas plus aux agendas nationaux que dans les décisions prises dans les enceintes internationales, en tout cas jamais de façon prioritaire.

États-Unis : une dynamique de croissance fortement poussée par l’État

L’inflation ralentit et le marché du travail fait preuve d’une certaine « détente » aux États-Unis : ralentissement des créations d’emplois, légère hausse d’un taux de chômage qui reste très faible, moindres hausses salariales, fléchissement du nombre d’emplois vacants et de démissions. En septembre, la Réserve fédérale, qui, à la différence de la Banque centrale européenne (BCE), n’a pas pour seul objectif la lutte contre l’inflation, mais a aussi pour mission la lutte contre le chômage, a décidé de mettre fin à la politique de taux d’intérêt élevé, par une baisse de 0,5 %, la nouvelle fourchette de ces taux se situant entre 4,75 et 5 %.

L’administration Biden a poursuivi sa colossale politique de soutien industriel avec l'Infrastructure Investment and Jobs Act (IIJA), également connu sous le nom de Bipartisan Infrastructure Law (BIL), décidé en 2021, le CHIPS (« Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors ») and Science Act et l’Inflation Reduction Act de 2022. Au total, plus de 500 milliards de dépenses publiques (subventions, crédits d’impôt…) ont catalysé plus de 900 milliards de dollars d’investissements privés dans les domaines de l’électronique, des véhicules électriques, des batteries ou encore des énergies propres depuis 2022.

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En fin d’année, Donald Trump est élu président des États-Unis avec un programme économique de protectionnisme renforcé, de baisse des impôts, de dérégulation en matière d’intelligence artificielle, d’énergie et de monnaie, et d’expulsion massive des travailleurs immigrés.

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Taux de chômage dans le monde (2022-2024) - crédits : Encyclopædia Universalis France

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