- 1. Une situation plutôt favorable
- 2. La nouvelle crise pétrolière
- 3. L'anémie des grandes monnaies
- 4. Commerce international : le dernier round de l'Uruguay ?
- 5. Le risque d'un Pearl Harbour industriel
- 6. Matières premières : l'atonie persistante
- 7. Tiers Monde : la rechute pour cause de pétrole ?
- 8. Le triomphe modeste du moins mauvais des mondes
ÉCONOMIE MONDIALE 1990 : de l'euphorie à la crainte
Commerce international : le dernier round de l'Uruguay ?
Après un ralentissement au cours du second semestre de l'année précédente, le commerce mondial s'était considérablement animé au début de 1990, ce qui entraînait un accroissement des importations de pétrole des pays industrialisés ; ces dernières ont renforcé les ressources des pays producteurs de pétrole, leur permettant d'acheter à leur tour davantage de produits manufacturés. Les échanges continuaient ainsi à progresser d'environ 6 p. 100 en volume, et ce n'étaient pas les faiblesses de l'activité ressenties ici ou là, aux États-Unis notamment, qui suffisaient à altérer l'optimisme.
Le commerce mondial de marchandises avait franchi, en 1989, le cap des 3 000 milliards de dollars auxquels s'ajoutaient quelque 600 milliards représentant les échanges de services. Ainsi se confirmait le processus constaté depuis plusieurs décennies, à savoir une croissance des échanges mondiaux supérieure à celle de la production des principaux partenaires – phénomène qui reflète lui-même l'intégration croissante des économies nationales dans un marché devenu mondial. La part du commerce extérieur dans les productions nationales respectives progresse en effet presque partout, imposant les normes de la concurrence internationale jusqu'au cœur de ce que l'on a longtemps considéré comme des secteurs protégés, par opposition aux secteurs exposés, lesquels deviennent de plus en plus nombreux.
Les politiques économiques mises en œuvre par les principaux pays influencent de plus en plus directement les flux commerciaux et conditionnent donc de plus en plus fortement l'économie nationale de chaque pays. C'est ainsi que les États-Unis, en 1985-1986, ont « tiré » l'économie mondiale par leurs importations que favorisaient un dollar fort et la reprise intérieure. Inversement, en 1987, l'économie américaine, troublée par un déficit commercial considérable et un recul sur de nombreux marchés, adopta une attitude plus protectionniste et contribua à freiner la conjoncture générale, en menaçant notamment les partenaires jugés « déloyaux » – tels le Japon et, dans une moindre mesure, l'Europe communautaire – de mesures de rétorsion unilatérales prévues par la loi de 1988 sur le commerce extérieur.
Cette solidarité de plus en plus étroite existant entre l'économie mondiale et les économies nationales conférait toute son importance à la négociation commerciale connue sous le nom d'Uruguay Round et qui se déroulait déjà depuis plusieurs années dans le cadre du G.A.T.T.
L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (G.A.T.T.), qui régissait depuis presque quarante-cinq ans l'organisation du commerce international, avait permis de réduire la moyenne des tarifs douaniers mondiaux de 40 p. 100 à moins de 5 p. 100 en 1990. Il lui faut à présent s'adapter aux problèmes nouveaux du commerce international, sous peine de perdre progressivement sa raison d'être. C'est ainsi que le développement des échanges de services, qui représentent 20 p. 100 des transactions commerciales, échappe aux règles du G.A.T.T. ; le respect des droits de propriété intellectuelle liés au commerce est mal assuré, tandis qu'un protectionnisme sournois menace le développement des échanges et pourrait à la longue ruiner les progrès laborieusement réalisés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aussi pouvait-on craindre que, si l'Uruguay Round ne débouchait pas sur un accord solide, la dérive protectionniste ne s'accélérât et compromît le dynamisme remarquable dont a fait preuve, contre vents et marées, le commerce international, C'est dire l'importance du débat qui devait se conclure par une conférence ministérielle, en décembre, à Bruxelles.
Les rencontres préparatoires qui s'étaient tenues dans les mois précédents laissaient subsister d'assez vives inquiétudes dans la mesure où elles n'enregistraient que de très modestes progrès, notamment sur la question des subventions agricoles.
Le sommet des pays industrialisés, qui s'est tenu les 10 et 11 juillet à Houston, avait été en effet plutôt décevant, avec une opposition très vive entre Européens et Américains sur l'agriculture. La redoutable Carla Hills, chef de la délégation américaine au G.A.T.T., a renouvelé à cette occasion ses attaques contre la Communauté, faisant douter de la volonté de Washington d'aboutir à un accord, alors même que la Communauté européenne donnait la preuve de sa bonne volonté en annonçant qu'elle était prête à réduire les subventions agricoles de 30 p. 100 en dix ans. La déclaration finale parvenait toutefois à masquer les désaccords persistants en se bornant à répéter les principes sur lesquels tous les partenaires se trouvaient bien évidemment d'accord. Seul le Japon, qui risquait d'apparaître isolé, est sorti du sommet de Houston avec des motifs de satisfaction au-delà de ses attentes, notamment la reconnaissance de son droit sur les îles Kouriles, annexées par Staline, et l'assurance que ses partenaires fermeraient les yeux sur les contacts que Tōkyō pourrait reprendre avec Pékin.
C'est que, par-delà les vicissitudes quotidiennes – baisse du yen, scandales financiers et boursiers répétés, disputes avec les puissances industrielles occidentales –, le Japon a continué de s'affirmer comme une puissance en expansion, sûre d'elle-même, remportant de nombreux succès sur les marchés extérieurs et perturbant profondément les stratégies industrielles laborieusement élaborées par l'Europe et par les États-Unis.
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Écrit par
- Régis PARANQUE : directeur de cabinet du président du Conseil économique et social.
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