DIEUPar-delà théisme et athéisme
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Critique de l'onto-théologie
La philosophie, notamment sous l'impulsion de Heidegger, soumet l'idée de Dieu à une critique impitoyable, d'où elle sort à la fois déchue et promue. Cette idée, sous sa forme traditionnelle, apparaît prise d'une logique de la représentation qui tend à faire de Dieu l'Étant suprême, sur le modèle des autres « étants » (entendez : les êtres particuliers, ceux de notre expérience), quoique en plus grand, en infiniment plus grand. Si l'on accorde une valeur dogmatique au résultat produit par ce mécanisme de conscience, on nourrit sa propre illusion : on porte à l'absolu un terme relatif. Il faut donc récuser pareil procédé, bien qu'un long usage le consacre, en philosophie comme en théologie (la culture occidentale tout entière serait victime de cette erreur d'optique). On n'échappe au piège qu'en refusant de laisser l'Être (disons plutôt : l'inscrutable point-origine d'où procède toute dérivation) entrer dans le circuit de la représentation : les dieux, le divin, Dieu, tout cela est une lecture faussement ontologique qui évacue le mystère. Il convient de situer, de classer ces dénominations théologiques et d'ouvrir la conscience, non sur un sommet, un summum, mais sur un abîme. Le tort de l'athéisme serait de méconnaître ce sens de l'insondable qui nous hante, qui nous habite. Le tort du théisme serait de le tronquer, de le recourber sur un dire qui ne le dit pas, puisqu'on ne peut dire l'ineffable. Le vrai problème consiste à motiver ce « suspens », à ne le supprimer ni par un oui, ni par un non (mais il faut le motiver, l'instaurer, le préserver). Il n'est pas sûr que semblable doctrine n'ait pas des précédents illustres : le mysticisme spéculatif cherchait sans doute la même issue, et déjà le néoplatonisme (tel que le restituent plusieurs de nos contemporains). Il est même possible que la méthode de résolution, de simplification, préconisée par Plotin au iiie siècle de notre ère ait anticipé ce style de pensée avec une précision que celle-ci n'a pas encore égalée. Il reste que la nouvelle ontologie a l'avantage de réagir directement sur les théologies juive et chrétienne : sa volonté de les distancer la fait paraître d'autant plus audacieuse.
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Écrit par :
- Henry DUMÉRY : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
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Dans le chapitre « De Hegel à Marx » : […] Ce qui a préparé de loin cette greffe, c'est le caractère éminemment créateur de l'aliénation ; dans le système hégélien, l' Entäusserung , avec sa négativité propre, est un instrument de rationalité ; à tous les niveaux du système elle assure le passage de l'immédiat au médiat ; elle introduit dans l'indivision et la confusion initiales les médiations grâce à quoi les contradictions sont dépassé […] Lire la suite
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Pour citer l’article
Henry DUMÉRY, « DIEU - Par-delà théisme et athéisme », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 12 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/dieu-par-dela-theisme-et-atheisme/