DÉVELOPPEMENT (biologie) Le développement humain

L'organisation

S'il n'y a pas eu échec de la reproduction, l'embryon implanté va prendre forme en dix semaines. Encore faut-il que le programme génétique présent dans le noyau à l'instant de la fécondation lui confère délimitation et aspect « humains », non seulement conformes à son espèce, mais aussi conformes à ce que l'on constate chez la majorité des individus de cette espèce qui se reconnaissent entre eux comme étant « normaux » : en ce cas la mise en forme de l'individu sera dite euplasique. Délimiter cette « normalité » est une tâche délicate, qu'influencent les mentalités et les cultures. Elle a été mieux analysée depuis une quinzaine d'années à partir des études sur le polymorphisme humain et la paléogénétique du rameau anthropique.

Toute déviation, si minime soit-elle, sera considérée a contrario comme une dysplasie. Ce terme savant de « plasie » dérive du grec πλ́ασσω, « je façonne », « je modèle », qui évoquait à l'époque hellénique classique le travail du potier.

L'organisation normale (ou euplasie)

Son approche, qui exclut toute expérimentation humaine pour des raisons faciles à comprendre, n'est pas simple. Néanmoins quelques phénomènes communs à tous les Vertébrés permettent de dégager des lois élémentaires éclairant le programme normal de l'espèce, le programme normal de l'individu, donc le programme normal des cellules qui vont prendre place et rôle au sein de l'embryon humain.

Le programme de l'espèce

Homo sapiens a conservé des caractères archaïques au sein d'innombrables nouveautés qui le caractérisent. Et la théorie longtemps vilipendée d'Ernst Haeckel (1866) reprend quelque vigueur : l' ontogenèse (c'est-à-dire le phénomène qu'étudie l'embryologie, ces transformations par lesquelles passe l'individu dans son développement depuis l'œuf jusqu'à l'état achevé) est une courte récapitulation de la phylogenèse (c'est-à-dire de l'évolution). « L'ontogenèse, écrit H. Laborit, reproduit en quelques heures, jours ou semaines selon les espèces, la longue histoire de la vie étalée sur des millions d'années. Mémoire, stockage des innombrables informations accumulées par la matière vivante tout au long des âges de notre Terre, tout est là, fixé pour un temps dans l'arrangement spatial d'un acide désoxyribonucléique. »

Embryon humain à quatre semaines

Embryon humain à quatre semaines

Embryon humain à quatre semaines

À quatre semaines, l'embryon humain (en haut) rappelle, par sa structure générale, les traits…

Dans le cas de l'embryon humain, trois mois de multiplications, de migrations, de différenciations cellulaires récapitulent 500 millions d'années d'évolution. On ne peut qu'être frappé des similitudes morphologiques et fonctionnelles existant entre le schéma structurel d'un embryon humain de quatre semaines et celui d'un poisson (fig. 1).

L'embryon humain développe successivement dans ce contexte récapitulatif trois systèmes d'excrétion urinaire : le pronéphros (rein de fœtus d'orvet) qui ne sera jamais fonctionnel et disparaîtra complètement ; le mésonéphros (rein normal des reptiles) ; le métanéphros, notre rein définitif.

La récapitulation se double donc d'une rudimentation, qu'on appelle aussi mort cellulaire programmée (cf. apoptose). Cet important phénomène peut découler de l'entrée en jeu de mécanismes variés : absence de stimulation par un facteur hormonal, inhibition du développement d'une ébauche (à la sixième semaine de gestation, l'embryon possède un appendice caudal de 12 vertèbres qui sera rapidement résorbé) sous l'effet d'un processus génétiquement programmé. La future main, le futur pied sont le siège de nécroses, de morts cellulaires qui vont faire apparaître au cours du deuxième mois les cinq rayons digitaux définitifs sans leur palmure. Les morts cellulaires[...]

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Écrit par

  • Jacques-Michel ROBERT : professeur de génétique médicale à la faculté de médecine de Lyon-Sud, médecin des Hôpitaux de Lyon

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Pour citer cet article

Jacques-Michel ROBERT, « DÉVELOPPEMENT (biologie) - Le développement humain », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Média

Embryon humain à quatre semaines

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Neurogenèse humaine

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Migration des cellules de la crête neurale

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