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DART, mission

Naissance de ce premier test de déviation

C’est en Europe, au sein de l’ESA, que sont nées les premières études d’un test de déviation fondé sur la technique de l’impact cinétique. Au début des années 2000, le comité NEOMAP (Near-Earth Object Mission Advisory Panel), constitué de six experts européens, est mandaté par l’ESA pour recommander la mission que ces experts considèrent comme prioritaire pour faire face au risque d’impact d’astéroïde. Six études de concepts dédiées à ce risque sont alors proposées et l’une d’elles, appelée Don Quichotte, est sélectionnée. Elle consiste à envoyer deux sondes spatiales, appelées Hidalgo et Sancho, pour effectuer un test de déviation d’astéroïde. Hidalgo, la sonde projectile, a pour objectif d’entrer en collision à haute vitesse avec un astéroïde. Sancho, la sonde « détective », est destinée à mesurer les propriétés physiques de l’astéroïde avant l’impact, et les effets de cette collision, se mettant à distance lors de l’impact pour l’observer tout en étant protégée. Faute de budget et en dépit du fort intérêt international, l’étude s’arrête en 2007.

En mai 2011, lors de la Conférence de défense planétaire de l’Académie internationale d’astronautique (en anglais IAA pour International Academy of Astronautics), tenue à Bucarest (Roumanie), les scientifiques décident de trouver une solution pour effectuer un tel test. Pour réduire les coûts, l’idée est de partager les efforts entre au moins deux agences spatiales, l’ESA et la NASA. Deux scientifiques, l’un américain, l’autre européen, décident d’approfondir le sujet et proposent, à l’été 2011, d’utiliser un astéroïde binaire (système constitué de deux astéroïdes gravitant l’un autour de l’autre) comme cible de ce premier test. En effet, il faut trouver un concept permettant aux deux agences de ne pas trop dépendre l’une de l’autre, afin de ne pas mettre en péril ce projet si l’une d’entre elles s’en retirait pour quelque raison que ce soit. Ainsi, le point critique est de faire en sorte que, si la sonde projectile est la seule envoyée, une partie des effets de cet impact puisse être mesurée depuis la Terre en l’absence de la sonde détective. Pour cela, il faut réunir deux conditions : l’impact doit se produire à une distance de la Terre et à une époque permettant à l’astéroïde d’être visible depuis les observatoires terrestres ; le changement de trajectoire provoqué par la collision doit être assez rapide pour qu’il puisse être mesuré depuis la Terre avant que l’astéroïde ne disparaisse du champ d’observation des télescopes terrestres. D’où l’idée d’effectuer l’impact sur la plus petite des deux composantes, autrement dit la petite lune, d’un astéroïde binaire passant près de la Terre, et de mesurer sa période orbitale (temps mis pour effectuer un tour autour de l’astéroïde principal) avant et après l’impact. En effet, cette stratégie permet une mesure bien plus rapide car un astéroïde tourne autour du Soleil avec une vitesse de plusieurs dizaines de kilomètres par seconde, alors qu’un astéroïde satellite naturel du corps principal dans un tel système binaire tourne typiquement autour de ce dernier à la vitesse de quelques dizaines de centimètres par seconde seulement. En effectuant un impact à plusieurs kilomètres par seconde, il suffit de quelques jours d’observations pour mesurer le changement de période orbitale de la petite lune, alors qu’il faudrait plusieurs mois, en étant à faible distance avec une sonde, pour mesurer la (faible) déviation d’une trajectoire bien plus rapide autour du Soleil. De plus, pour un test, il est préférable de viser le changement de trajectoire d’un petit astéroïde autour d’un autre, plutôt que celui d’un astéroïde autour du Soleil, car on ne peut pas prendre le risque de mettre sur une mauvaise trajectoire un astéroïde qui ne représentait initialement aucun risque pour la Terre.

Système astéroïdal Didymos - crédits : NASA/ Johns Hopkins APL

Système astéroïdal Didymos

En 2011, on sait déjà que l’astéroïde binaire Didymos passera à 11 millions de kilomètres de la Terre à la fin du mois de septembre 2022. Comme une dizaine d’années au moins sont nécessaires pour faire approuver et lancer une mission, et comme la distance à la Terre de cet astéroïde binaire en septembre 2022 sera suffisamment faible, Didymos est alors choisi pour effectuer ce test d’impact. Les dimensions de ses deux composantes sont déjà connues. Le corps central, Didymos, a un diamètre d’environ 780 mètres, et celui de Dimorphos, son satellite, est estimé à 160 mètres. En revanche, sa forme n’est pas connue, la sonde servant de projectile la découvrira en temps réel, ce qui représente l’un des défis de l’opération, consistant à bien viser pour atteindre cette cible. La période orbitale de Dimorphos est de 11 heures et 55 minutes.

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Avec ces éléments, la NASA décide l’étude de la mission DART, composée de la sonde projectile et de la campagne d’observation de l’impact depuis la Terre. L’ESA prend en charge l’étude de la mission AIM (Asteroid Impact Mission), renommée ensuite Hera (déesse du mariage, la sonde allant étudier un couple d’astéroïdes), qui consiste à mesurer les propriétés de Dimorphos, dont sa masse – qui rentre dans la mesure de l’efficacité de la déviation – et sa structure interne – qui influence sa réponse à l’impact –, ainsi que les conséquences de cette collision (taille du cratère et autres effets).

L’Agence spatiale italienne (ASI pour Agenzia Spaziale Italiana) rejoint le projet en proposant d’embarquer sur DART son satellite miniature (CubeSat) LICIACube (Light Italian CubeSat for Imaging of Asteroids) pour qu’il soit déployé quelques jours avant l’impact afin d’observer ce phénomène à distance, ainsi que les premières minutes qui suivront. Cela s’avérera d’autant plus nécessaire que le projet initial, avec ses deux missions, ne pourra être mis en œuvre, le budget de la partie AIM n’ayant pas été approuvé par les 22 délégations de l’ESA en 2016. Forte de la motivation et des efforts des scientifiques, industriels et ingénieurs impliqués de l’ESA, la mission Hera, version optimisée de la mission AIM, sera finalement approuvée en 2019, mais trop tard pour qu’elle arrive à proximité de Didymos avant DART et observe l’impact lui-même.

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Écrit par

  • : astrophysicien, directeur de recherche au CNRS, responsable de l'équipe TOP (Théories et observations en planétologie) du laboratoire Lagrange de l'Observatoire de la Côte d'Azur, responsable scientifique de la mission Hera de l'ESA

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Premier test de déviation d’un astéroïde - crédits : Encyclopædia Universalis France

Premier test de déviation d’un astéroïde

Système astéroïdal Didymos - crédits : NASA/ Johns Hopkins APL

Système astéroïdal Didymos

Astéroïde Dimorphos - crédits : NASA/ Johns Hopkins APL

Astéroïde Dimorphos

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