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CROATIE

Nom officiel République de Croatie
Chef de l'État Zoran Milanović - depuis le 18 février 2020
Chef du gouvernement Andrej Plenković - depuis le 19 octobre 2016
Capitale Zagreb
Langue officielle Croate
Population 3 859 686 habitants (2023)
    Superficie 56 594 km²

      Article modifié le

      La Croatie indépendante

      En février 1989, les Croates fondent un mouvement alternatif indépendant. En janvier 1990, l'ex-général communiste dissident, Franjo Tudjman, crée l'Union démocratique croate (H.D.Z.). Dans la foulée, les nostalgiques de l'Oustacha ressuscitent le Parti du droit. Aux premières élections libres de mai 1990 en Croatie, le H.D.Z. l'emporte, et Franjo Tudjman devient président de la République. Mais ses déclarations violemment anti-serbes indisposent les 11 % de Serbes qui vivent en Croatie. En août, ces derniers votent pour l'autonomie des régions où ils sont majoritaires. Les premiers affrontements ont lieu le 2 mars 1991 entre policiers croates et serbes. En avril, la Krajina proclame son rattachement à Belgrade. En mai, 94 % des votants se déclarent pour une indépendance de la Croatie, qui se proclame souveraine et indépendante le 25 juin 1991 ; cette indépendance est reconnue internationalement à partir du début de 1992. En juillet 1991, l'armée fédérale et les milices serbes attaquent la garde nationale et les milices croates.

      La guerre et l'offensive serbe

      Alors que la guerre a commencé, les trois médiateurs du Conseil européen réunissent Serbes, Croates et Slovènes sur l'île de Brioni dans l'Adriatique, le 7 juillet. Ils décident conjointement d'appliquer un cessez-le-feu et de susprendre les déclarations d'indépendance. Aucune de ces deux résolutions ne sera respectée et le processus d'éclatement de la Yougoslavie se met en marche.

      Si le régime serbe de Slobodan Milošević accepte le cessez-le-feu avec la Slovénie, il le refuse vis-à-vis de la Croatie, le 4 août. Douze jours plus tard, de violents combats ont lieu dans le nord-est de la Croatie, alors que les Serbes des deux Slavonies (orientale et occidentale) proclament leur autonomie. Le 12 septembre, le dernier président de la Fédération socialiste yougoslave, le Croate Stipe Mésić, ordonne à la J.N.A. (Armée populaire yougoslave) de quitter la Croatie. Le ministre fédéral de la Défense, d'origine serbe, Veljko Kadijević, rejette l'ultimatum présidentiel. La Croatie demandera plus tard son inculpation par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (T.P.I.Y.), installé à La Haye. Face au blocage des négociations, Zagreb décide de passer outre aux recommandations internationales et, le 8 octobre 1991, elle confirme donc sa déclaration d'indépendance. Un mois plus tard, la J.N.A., aidée par les milices serbes ultranationalistes, entre dans Vukovar (Slavonie), complètement dévastée, et se livre à des massacres contre les populations civiles.

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      Lors des deuxièmes élections libres, le 2 août 1992, le président Franjo Tudjman est réélu dès le premier tour et son parti, le H.D.Z., conserve la majorité absolue au Parlement. Le président nomme alors comme Premier ministre, le très nationaliste Hrvoje Sarinić, alors que plus de 30 % du territoire de la République (les Slavonies et les Krajina) est occupé par les irrédentistes serbes

      Avec l'aide indirecte de services de renseignements occidentaux, l'armée croate lance une offensive en janvier 1993 contre les Krajina (région de Knin) pour rétablir les liaisons entre Zagreb et la côte dalmate. Militairement, c'est un échec, mais, politiquement, c'est un succès car la Croatie rappelle ainsi à la communauté internationale qu'elle proteste contre l'inaction des casques bleus et des casques blancs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.) et souhaite récupérer l'intégrité de son territoire. La J.N.A., qui se transforme en V.J. (Armée yougoslave) pour rompre avec son passé titiste, refoule cette offensive.

      Trois mois plus tard, les irrédentistes serbes, qui contrôlent 30 % de la Croatie et 55 % de la Bosnie, décident de leur unification dans l'espoir de créer une grande Serbie. Cette unification est officialisée par un référendum dans ces régions les 19 et 20 juin 1993. Pour imiter les minorités serbes, la minorité croate de Bosnie-Herzégovine proclame l'indépendance de l'Herceg-Bosna (dont Mostar est la capitale) dans le sud du pays ; son but est l'unification avec Zagreb pour recréer la « grande Croatie » d'Ante Pavelić (1941-1945), allié de l'Allemagne nazie.

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      En Krajina, le Serbe Milan Martić, homme lige de Slobodan Milošević, est élu, le 23 janvier 1994, président de cette République sécessionniste. Mais, au début de 1995, plusieurs pays européens ainsi que les États-Unis décident de rétablir une certaine égalité militaire entre la Serbie et la Croatie, l'Allemagne fournissant à cette dernière du matériel militaire de l'ex-R.D.A.

      La reconquête croate et la paix

      Ainsi, au printemps de 1995, la jeune armée croate est prête à la contre-offensive. Les 1er et 2 mai, elle reconquiert la Slavonie occidentale mal défendue par les troupes de Belgrade et, ainsi, reprend le contrôle de la route qui relie Zagreb à l'est du pays. L'armée croate pratique alors l'épuration ethnique et quelques milliers de Serbes rejoignent la Serbie. En revanche, l'offensive contre la Slavonie orientale est impossible car cette dernière, frontalière de la Serbie, est occupée et quadrillée par les divisions blindées de la V.J. et les milices paramilitaires serbes. Le 4 août, l'armée croate se lance à l'assaut de la Krajina et de sa capitale Knin. Slobodan Milošević, qui sent le vent tourner, abandonne les Serbes de la Krajina pour sauvegarder son pouvoir à Belgrade, interdisant à la V.J. de soutenir et d'approvisionner les milices de Milan Martić. En trois jours, ces dernières sont défaites et se réfugient dans la partie serbe de la Bosnie, accompagnées par des dizaines de milliers de civils serbes installés dans la région depuis les xvie-xviie siècles. Dix ans plus tard, seuls quelques centaines de Serbes seront rentrés dans leurs foyers (de Krajina, des Slavonies ou à Zagreb).

      Fort de ces succès militaires qui ont permis de récupérer 90 % du territoire croate, le parti H.D.Z. du président Tudjman remporte les élections législatives le 29 octobre 1995 avec plus de 45 % des suffrages, soit 75 députés sur 127. L'opposition de droite obtient 19 sièges, le centre 12 et la gauche 10.

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      Un mois plus tard, le 21 novembre, à Dayton (États-Unis), un accord est signé entre Franjo Tudjman, Slobodan Milošević et le Bosniaque Alija Izetbégović, pour résoudre la crise yougoslave. Zagreb et Belgrade reconnaissent l'indépendance d'une Bosnie composée de deux régions : la fédération croato-musulmane et la République serbe de Bosnie. Progressivement, les forces armées serbes vont quitter la Slavonie orientale, permettant aux réfugiés croates de rentrer chez eux.

      Une fois la paix revenue, l'opinion publique croate commence à se plaindre de la corruption généralisée, dans un pays mis en coupe réglée par le H.D.Z. C'est ainsi que, lors des élections municipales d'avril 1997, le H.D.Z. et son allié du Parti libéral voient leur influence diminuer au profit des socialistes (ex-titistes) et des sociaux-démocrates. Mais toujours populaire, Franjo Tudjman, le « père de la Nation », est réélu président de la République le 15 juin 1997 avec plus de 61 % des suffrages. Il meurt deux ans plus tard, le 10 décembre 1999. Sa disparition va profondément changer la vie politique dans le sens de l'ouverture et de la démocratisation.

      La nouvelle Croatie démocratique

      Le 3 janvier 2000, l'opposition démocratique du centre gauche (Parti social-démocrate, Parti social-libéral et deux petits partis régionalistes) remporte les élections législatives avec 47 % des suffrages et 71 sièges sur 151. Le H.D.Z. n'a plus que 40 députés. Ivica Racan, du Parti social-démocrate, devient Premier ministre et tente de sortir le pays de l'ère Tudjman. Un mois plus tard, Stipe Mésić fait son grand retour. Ex-titiste devenu social démocrate, il remporte l'élection présidentielle avec 56 % des votes. Son programme est clair : adhésion à l'O.T.A.N., à l'Union européenne (U.E.) et collaboration avec le T.P.I.Y.

      Pour ce faire, il approuve, en juillet 2001, l'arrestation et la livraison au T.P.I.Y. de deux généraux croates criminels de guerre, pendant l'offensive d'août 1995 en Krajina. Mais cette collaboration heurte une bonne partie de l'opinion publique, restée très nationaliste. C'est pourquoi, lors des législatives du 23 novembre 2003, le H.D.Z. l'emporte avec 66 sièges sur 152. Ivica Racan est donc remplacé au poste de Premier ministre par le nouveau chef du H.D.Z., Ivo Sanader. La Croatie vit sa première cohabitation entre un président socialiste et un Premier ministre nationaliste conservateur. Cela ne va pas empêcher Stipe Mésić d'être réélu président de la République, le 16 janvier 2005, avec 66 % des voix contre son adversaire du H.D.Z., la vice-Premier ministre Jadranka Kosor.

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      Le 16 mars 2005, l'U.E. reporte sine die les négociations d'adhésion de la Croatie, qui s'est portée candidate en 2003, en raison de son manque de collaboration avec le T.P.I.Y., en particulier au sujet du criminel de guerre, le général Ante Gotovina, ancien légionnaire bénéficiant de la double nationalité française et croate. Le président Mésić donne alors des assurances à Bruxelles, qui accepte d'ouvrir les négociations le 3 octobre. C'est ainsi que le général Gotovina, en fuite depuis juillet 2001, est arrêté le 8 décembre 2005 aux îles Canaries et transféré à La Haye, alors que de nombreux partisans du H.D.Z. manifestent bruyamment à Zagreb.

      Depuis 1996, le pays est sorti du marasme économique dû à cinq années de guerre et de destructions. Un des moteurs de cette renaissance économique est sans conteste le tourisme. En 2002, la Banque mondiale salue la croissance de l'économie croate ainsi que l'avancée des réformes, mais les privatisations s'effectuent lentement et la corruption ne facilite pas les choses. Le nombre de touristes étrangers est en hausse constante, représentant une forte concurrence pour la Grèce. La construction navale et les infrastructures portuaires sont également en pleine expansion, alors que le secteur du textile se maintient, malgré des délocalisations.

      Quoi qu'il en soit, pour le pouvoir croate, l'avenir économique et politique du pays repose sur un arrimage à l'U.E. Zagreb a posé officiellement sa candidature à l'adhésion le 21 février 2003 mais l'affaire Gotovina lui a fait perdre du temps, et le pays ne peut entrer dans l'Union le 1er janvier 2007, en même temps que la Bulgarie et la Roumanie, malgré un niveau de vie supérieur à ces deux pays. D'autant que les Vingt-Cinq ont, en 2006, ralenti de fait le processus d'élargissement, au grand dam de la Croatie, de la Turquie et des autres pays des Balkans du Sud-Ouest.

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      En 2008, l'O.T.A.N. entérine la candidature de la Croatie qui entre officiellement dans l'Alliance en avril 2009, en même temps que l'Albanie : un des objectifs de Stipe Mésić est atteint. Pendant ce temps, le processus d'adhésion à l'U.E. est encore retardé en raison d'un différend frontalier avec la Slovénie. Le président Mésić, qui ne peut briguer un nouveau mandat, est remplacé à la tête de l'État en février 2010 par le social-démocrate Ivo Josipović. La cohabitation entre un président de centre gauche et le H.D.Z., qui durait depuis 2003, cesse avec la victoire des sociaux-démocrates à l'issue des élections législatives de décembre 2011. Le même mois, la Croatie signe le traité d'adhésion à l'U.E, qui est approuvé par les Croates par référendum en janvier 2012. La Croatie devient le vingt-huitième État membre de l'Union le 1er juillet 2013.

      — Christophe CHICLET

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      Écrit par

      • : docteur en géographie
      • : docteur en histoire du xxe siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revue Confluences Méditerranée
      • : professeur de littérature croate moderne à la faculté des lettres de Zagreb, directeur de Croatica, revue pour l'histoire de la littérature croate
      • : master de science (sciences humaines et philologie) à l'université de Zagreb (Croatie), lecteur de serbo-croate à l'université Paris-IV-Sorbonne
      • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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      Croatie : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Croatie : carte physique

      Croatie : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

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      Dubrovnik (Croatie)

      Autres références

      • CROATIE, chronologie contemporaine

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      • AUTRICHE

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        ...nationalisme serbe, le poids des anciennes solidarités historiques et économiques avec les pays voisins, tout concourt à faire éclater la Yougoslavie en 1991. La Croatie et la Slovénie proclament unilatéralement leur indépendance, mais la Serbie veut sauvegarder les intérêts des minorités serbes dans ces...
      • ÉCLATEMENT DE LA YOUGOSLAVIE

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