CORAN (AL-QURĀN)
Les recherches contemporaines
L'évolution des études coraniques en Occident depuis le milieu du xxe siècle s'est opérée sous l'effet des progrès considérables de l'exégèse biblique (critique des formes et critiques de la rédaction) et des théories littéraires. L'influence des sciences humaines, particulièrement de l'anthropologie et de l'histoire des religions, commence à s'y faire sentir : rôle du symbolique et de l'imaginaire, passage de l'oral à l'écrit, fonction du mythe, etc.
On peut distinguer deux grandes orientations nouvelles dans ces recherches. La première porte sur l'histoire du texte coranique, sa composition, sa « collecte » et sa rédaction. La seconde concerne la relecture du Coran avec les instruments qu'offrent les diverses sciences humaines ; elle s'attache aussi à l'étude critique des grands commentaires classiques, qui constituent autant de témoins de la façon dont le texte coranique a agi dans la constitution de l'imaginaire islamique aux diverses étapes de son histoire, c'est-à-dire de la façon dont l'islam s'est vu, s'est donné à voir et s'est « rêvé ».
L'établissement du corpus coranique
Le premier courant de recherches conduit à remettre en question la façon dont on se représentait, à la suite des sources musulmanes, même critiquées, le processus compliqué qui aurait abouti à l'établissement du corpus canonique du Coran sous le calife ‘Uṯman (mort en 35 de l'hégire/656 de l'ère chrétienne). Cependant, les voies qui conduisent à ces remises en question et les conclusions auxquelles elles aboutissent sont bien souvent divergentes et le débat est loin d'être clos.
Ainsi, pour les uns, la version actuelle du Coran, reconnue comme vulgate par la communauté musulmane, remonterait, non pas à l'un des premiers califes (Abū Bakr, ‘Umar et ‘Uṯmān), mais à Muḥammad lui-même. Pour John Burton, par exemple, les traditions ayant trait au caractère incomplet du texte coranique proviendraient de réflexions ultérieures de juristes sur l'abrogation (nasẖ), c'est-à-dire sur le fait que certains versets ont été abrogés par des versets postérieurs. Afin de pouvoir conserver certains éléments d'un droit reçu (par exemple, la lapidation de la femme adultère), non attestés par le Coran, on postula qu'ils étaient une composante du Coran en tant que source du droit, mais qu'ils auraient été oubliés dans le Coran en tant que document parvenu jusqu'à nous (muṣḥaf). De la sorte, les récits concernant la collecte du Coran, les variantes textuelles et les recueils attribués aux Compagnons de Muḥammad auraient eu le même but : enraciner la fiction que le Coran n'a reçu sa forme définitive qu'après la mort du prophète de l'islam et préserver ainsi un état donné du droit musulman. Cette perspective intéressante aurait été plus convaincante si l'auteur ne s'était pas cantonné dans les rapports entre le Coran et le droit, négligeant le fait que le Coran doit être étudié aussi en tant que monument littéraire ayant une fonction liturgique.
C'est précisément à son aspect littéraire et à sa fonction liturgique que s'est attachée Angelika Neuwirth dans son importante étude sur la composition des sourates mekkoises. Elle est partie de la sourate comme unité réelle et même comme genre littéraire spécifique, et du Coran conçu dès le début comme discours liturgique et comme texte destiné à être récité. Dans sa perspective, la sourate aurait été voulue dès le début par Muḥammad comme le médium de son message. Si la sourate est privilégiée, c'est qu'Angelika Neuwirth y voit une intention stylistique qu'elle s'efforce de faire apparaître par l'étude des sourates mekkoises en versets, mais aussi par une recherche soignée sur les « rimes » (et sur[...]
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Écrit par
- Régis BLACHÈRE : professeur à l'université de Paris-I, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Claude GILLIOT : agrégé d'arabe, docteur ès lettres, professeur à l'université de Provence
Classification
Média
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