COMMEDIA DELL'ARTE

La Comédie italienne, A. Watteau

La Comédie italienne, A. Watteau

La Comédie italienne, A. Watteau

Grâce à des acteurs d'exception, le théâtre italien à Paris trouve un nouveau souffle à partir de…

Parmi toutes les formes de théâtre improvisé qui ont existé dans le monde, depuis la haute antiquité, la commedia dell'arte fut sans doute la plus riche et la plus féconde. Si l'on situe généralement son apparition au xvi e siècle, il est à peu près certain que, née d'une tradition populaire ininterrompue depuis l'époque romaine, elle a pris définitivement figure au terme d'une évolution longue et obscure. Appelée aussi commedia all'improviso (à l'impromptu), commedia a soggetto (à canevas) ou commedia popolare (populaire), elle a reçu ces noms divers par opposition au théâtre littéraire (commedia sostenuta), apparu en Italie dès les premières années du xvi e siècle. Mais, à la différence du théâtre de parade, la commedia dell'arte (arte, comme le mot français « art », désigne un savoir-faire et un métier) se jouait à partir d'un certain nombre de données formelles et techniques constantes qui fondaient sa cohérence et sa continuité : d'où l'influence qu'elle a exercée dans l'Europe entière, et singulièrement en France, du xvi e au xviii e siècle ; d'où aussi l'intérêt qu'elle excite aujourd'hui encore dans le monde du spectacle, qui n'a jamais cessé de méditer ses leçons.

Les troupes et leur répertoire

Héritières d'une tradition qui remonte aux atellanes et aux pantomimes de la Rome antique, les troupes de la commedia dell'arte sont, à leur origine, presque toutes itinérantes. Vouées au voyage comme les jongleurs, les funambules et les marchands d'orviétan, elles parcourent l'Italie dans tous les sens, soit qu'elles dressent leurs tréteaux sur les places publiques, soit qu'elles trouvent des ports d'attache dans les théâtres qui viennent d'être construits, au cours du xvi e siècle, dans la péninsule. Très vite, elles acquièrent une telle réputation que ducs et princes se disputent les services des plus célèbres d'entre elles et qu'on les réclame de plus en plus souvent à l'étranger ; c'est ainsi que, dès 1548, on en trouve une à Lyon, et qu'on peut suivre la trace de plusieurs autres à travers la France et l'Allemagne peu après cette date. Au xviii e siècle, elles auront recours, pour régler leurs tournées, à des imprésarios professionnels : elles se répandent alors dans toute l'Europe, d'Amsterdam à Varsovie et de Londres à Vienne.

Les troupes de la commedia dell'arte se distinguent d'abord par une solide homogénéité : vivant en vase clos, elles se transmettent leurs recettes de génération en génération, et les familles d' acteurs constituent souvent de vraies dynasties. Bien que, selon leur terroir d'origine, elles usent de différents parlers dialectaux et héritent de multiples traditions locales, tous ces apports se fondent en un vaste trésor commun où chacune vient puiser. On les voit, au fur et à mesure de leurs voyages, truffer leurs dialogues de mots français, castillans ou allemands, qui s'ajoutent à la bigarrure de leurs vocabulaires et de leurs accents issus de Naples, de Venise, de Bergame ou de Milan. Et, surtout, leur répertoire s'enrichit sans cesse de tours nouveaux qui augmentent et modifient indéfiniment le legs traditionnel : canevas, types théâtraux, répliques, lazzis, techniques de machinerie sont ainsi repris et transformés, au gré de l'invention des scénaristes et des comédiens.

Au xvi e et au xvii e siècle, le répertoire de la commedia dell'arte est constitué dans sa majeure partie de canevas comiques, bâtis autour d'une ou de plusieurs intrigues amoureuses, mais s'il comporte fort peu de tragédies, il offre aussi, conformément à la mode du jour, de nombreux scénarios de féerie (opera regia) qui s'exécutent à grand renfort de prouesses[...]

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Écrit par

  • Robert ABIRACHED : agrégé des lettres classiques et docteur ès lettres, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Robert ABIRACHED, « COMMEDIA DELL'ARTE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

La Comédie italienne, A. Watteau

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<em>Farceurs français et italiens</em>, anonyme

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Dans une scénographie qui évoque les « lieux composites » décrits par Nicola Sabbattini dans les Pra…

Sacha Guitry et Yvonne Printemps

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Le Français Sacha Guitry (1885-1957), comédien, auteur dramatique et cinéaste, joue avec sa…

Autres références

  • APPARITION DE LA COMMEDIA DELL'ARTE

    • Écrit par Christian BIET
    • 1 241 mots

    La commedia dell'arte est d'abord le théâtre de l'art, du métier, autrement dit un artisanat de théâtre produit par des professionnels regroupés en troupe et jouant le plus souvent à la cour ou dans des théâtres fixes. Ce phénomène théâtral s'établit sur deux siècles et demi (de la seconde moitié[...]

  • ARLEQUIN

    • Écrit par Nicole QUENTIN-MAURER
    • 982 mots

    Personnage de la comédie italienne, très populaire en France. Arlequin, valet bouffon, habituellement superstitieux et pleutre, propre aux Bergamasques, garda, en passant en France au xvii e siècle, son costume traditionnel : le masque noir aux paupières étroites, le chapeau de feutre gris,[...]

  • ATELLANES, théâtre

    • Écrit par Alain LABROUSSE
    • 1 144 mots

    Farces du théâtre latin. Il s'agissait probablement de comédies rustiques improvisées, jouées par des caractères masqués. Ces farces tiraient leur nom de la ville d'Atella en Campanie, et il semble qu'elles soient nées parmi les populations italiques parlant le dialecte osque. Dans la Rome antique,[...]

  • BEAUMARCHAIS PIERRE-AUGUSTIN CARON DE (1732-1799)

    • Écrit par Pierre FRANTZ
    • 22 938 mots
    • 1 média
    [...]certaines des parades auxquelles l'auteur s'était essayé de si bonne humeur. Ces pièces en un acte mettent en œuvre un canevas conventionnel, adapté de la commedia dell'arte : Léandre, aidé par Arlequin, recherche une Isabelle peu farouche et s'oppose ainsi aux desseins du barbon, Cassandre. [...]
  • CANEVAS, théâtre

    • Écrit par Armel MARIN
    • 1 240 mots

    Au xvi e siècle, avec la commedia dell'arte, les Italiens donnent à la vieille tradition de la farce un développement remarquable. Les acteurs doivent développer avec verve sur un canevas un dialogue improvisé entre des personnages stéréotypés. Théâtre de professionnels, la commedia[...]

  • CAPITAN

    • Écrit par Nicole QUENTIN-MAURER
    • 455 mots

    Personnage de la comédie italienne, prototype du militaire fanfaron mais poltron. Capitan est le descendant du miles gloriosus latin, personnage des comédies de Plaute ; à l'origine, c'est une parodie des mercenaires français et espagnols qui sillonnaient l'Italie au xvi e siècle.[...]

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Voir aussi