COLOSSAL, art et architecture
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Mythologie du colossal
Sur un thème comme celui de la statue colossale, le mythe compte autant que la réalité, les projets et rêves utopiques sont aussi révélateurs que les réalisations concrètes, évidemment moins nombreuses. Les relations des historiens antiques (Strabon, Philon de Byzance) sur Rhodes, l'île aux mille statues colossales, toutes légendaires qu'elles aient pu être, ont eu autant de résonance pour les esprits que s'il en avait existé véritablement un tel nombre : dans ses Dialogues avec Michel-Ange (1538), Francisco da Hollanda fait évoquer avec nostalgie par un des interlocuteurs ce peuple de géants de pierre comme le témoignage de la grandeur et de la faveur exceptionnelles des arts dans l'Antiquité. Dans son Traité d'architecture, Vitruve évoque la proposition de l'architecte Dinocratès à Alexandre le Grand de sculpter le mont Athos sous la forme d'une figure qui tiendrait dans une main une large ville fortifiée et dans l'autre une coupe d'où s'écouleraient les rivières de la montagne ; au xve siècle, Alberti, Filarète, Francesco di Giorgio se feront les échos de cette tradition légendaire dans leurs traités d'architecture et cette image de colosse anthropomorphe rupestre illustrera encore l'Entwurf einer historischen Architektur de Fischer von Erlach (Esquisse d'une architecture historique, 1725). Le projet de Michel-Ange, dont témoignent Vasari et Condivi dans leurs biographies de l'artiste, de tailler directement dans le marbre des carrières de Carrare un géant tourné vers la mer nous apprend autant sur la forme et la force de son imagination que les proportions considérables, le caractère titanesque de ses figures pour le tombeau de Jules II, le Moïse de Saint-Pierre-aux-Liens ou les Esclaves de l'Académie de Florence.
Esclave, marbre de Michel-Ange (1475-1564). Galleria dell' Accademia, Florence.
Crédits : Bridgeman Images
Il est remarquable que parmi les Sept Merveilles du monde figurent deux statues colossales : la statue chryséléphantine de Zeus à Olympie faite par Phidias (vers 448 av. J.-C.) et le colosse d'Hélios à l'entrée du port de Rhodes. Les descriptions antiques (Pline, Philon) permettent de concevoir ce dernier, œuvre de Charès de Lindos, avant sa destruction lors du tremblement de terre de 228 avant J.-C., comme une figure de bronze haute de 32 mètres qui se tenait jambes serrées sur un côté du port. Mais les hommes de la Renaissance, à la suite des chroniques de l'époque médiévale, l'ont représenté d'une façon beaucoup plus prodigieuse, enjambant l'entrée du port, les navires passant sous ses jambes, un miroir sur la poitrine ou une torche brandie servant de phare pour la navigation (gravures des Sept Merveilles du monde de Filips Galle d'après Martin van Heemskerck, 1572, d'Antonio Tempesta, 1608, de Martin de Vos, 1614, tapisserie d'après les cartons d'Antoine Caron). C'est que le colosse jouit d'une place particulière dans le domaine des arts. Transcendant les limites entre sculpture et architecture, il étonne parce qu'il constitue un prodige technologique ; il impressionne par ses dimensions hors du commun et la comparaison qu'elles nous font sentir immanquablement avec notre propre corps ; il inspire l'admiration sacrée que l'on ressent face à une idole mystérieuse et toute-puissante ; création fabuleuse, il est toujours l'objet d'affabulations qui se sont transmises de génération en génération.
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Écrit par :
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
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Pour citer l’article
Martine VASSELIN, « COLOSSAL, art et architecture », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 29 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/colossal-art-et-architecture/