CLUNY
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L'ordre de Cluny
Une prospérité rapide
Le 2 septembre 909 (la date de 910 traditionnellement adoptée est due à une erreur dans le calcul de l'indiction), le duc d'Aquitaine, Guillaume III, donna la villa de Cluny à Bernon, abbé de Baume (Baume-les-Messieurs, Jura) pour y fonder un monastère de douze moines vivant sous la règle de saint Benoît, sans être soumis à d'autre juridiction, ecclésiastique ou laïque, que celle du pape. Grâce à la protection pontificale qui s'affirma sans relâche, à la valeur exceptionnelle de ses abbés et à son heureuse situation aux confins de l'Empire, l'abbaye de Cluny prospéra vite, au point de constituer le premier groupement qui, dépassant les conceptions de la règle de saint Benoît, rassembla sous une autorité unique un grand nombre de monastères.
Au premier abbé Bernon († 927) succédèrent Odon († 942) puis Aymar († 965), dont l'abbatiat fut de courte durée et qui fit élire Maïeul, abbé de 948 à 994. Cette élection inaugurait une période de cent cinquante ans au cours de laquelle Cluny eut à sa tête des hommes remarquables. Odilon (abbé de 994 à 1049) et Hugues (1049-1109) conduisirent l'ordre à son apogée. On estime à 1 184 le nombre de monastères clunisiens à cette époque, dont 883 pour les provinces françaises, 99 pour l'Allemagne et la Suisse, 44 pour l'Angleterre, 54 pour la Lombardie, 31 pour l'Espagne. Ces chiffres pourtant considérables ne donnent qu'une idée incomplète de l'activité de Cluny et de son influence, qui s'exerça aussi bien sur de nombreuses abbayes restées indépendantes que sur le gouvernement de l'Église, à une époque où la papauté traversait une des crises les plus graves de son histoire, qu'en politique, car les grands abbés de Cluny étaient écoutés de l'empereur et des princes.
L'esprit de Cluny
Inlassablement, les dirigeants de l'ordre rappelaient que les principaux devoirs du moine étaient d'assurer l'office divin, de pratiquer l'hospitalité et l'aumône. Ils cherchaient à réformer les monastères selon ces principes et, pour en assurer l'observation, ils les annexèrent à leur ordre. Bien qu'ils aient adopté pour leur vie conventuelle les règlements laissés par saint Benoît d'Aniane, l'organisateur du monachisme carolingien, les clunisiens se préoccupèrent moins des activités extérieures qui avaient jusqu'alors retenu l'attention des moines : ils reléguèrent à une place secondaire l'instruction des enfants, l'étude et l'art, ce qui ne les empêcha pas d'ailleurs de constituer une des plus belles bibliothèques médiévales, de compter parmi eux de remarquables écrivains et de réaliser des merveilles architecturales, mais sans qu'on puisse parler dans aucun de ces secteurs d'une école clunisienne. Cette constatation est spécialement valable dans le domaine artistique. Si on veut opposer le luxe de Cluny au dépouillement de Cîteaux, il convient de ne pas oublier la sobriété de la grande église de Cluny ou de Saint-Marcellès-Châlon édifiées avant la fondation de Cîteaux, qui y trouva des modèles. Plus que par la richesse, souvent réelle, de la décoration, les églises et les cloîtres de l'ordre de Cluny se distinguèrent par le goût de leurs constructeurs.
Si, par leur exemple, les clunisiens propagèrent l'idée que la purification des mœurs était indispensable, ils gardèrent une position extrêmement prudente dans la querelle des Investitures ; leurs excellents rapports avec les empereurs et les princes ne les incitaient pas à revendiquer pour l'Église une entière liberté. Ils ne furent pas moins réservés à l'égard des croisades, où ils ne jouèrent aucun rôle. Saint Maïeul déclina l'honneur d'être pape en 973, saint Odilon refusa en 1031 l'archevêché de Lyon, malgré l'ordre du pape Jean XIX, saint Hugues n'accepta pas de venir à Rome participer au Conseil que voulait réunir Urbain II ; la charge d'abbé de Cluny leur paraissait un moyen plus efficace de servir l'Église. Malgré certains titulaires médiocres ou incapables, l'abbé de Cluny jouit toujours du prestige que lui avaient légué les quatre grands abbés des xe et xie siècles.
Les coutumes qui régissaient la vie des moines furent compo [...]
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Écrit par :
- Jacques DUBOIS : moine bénédictin, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
- Carol HEITZ : professeur d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Paris-X et au Centre d'études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers
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Pour citer l’article
Jacques DUBOIS, Carol HEITZ, « CLUNY », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 08 août 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/cluny/