CLASSES SOCIALESClasse ouvrière
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Une existence courte dans un temps long
En France, le processus de formation de la classe ouvrière, entamé pendant la période révolutionnaire s'inscrit dans le temps long, sur un siècle et demi, et prolonge l'histoire des corporations. Sa genèse, au cours du long xixe siècle, est inséparable des luttes sociales pour l'autonomie ouvrière (sans-culottisme, journées révolutionnaires de 1830) mais également du processus d'homogénéisation des représentations sociales impulsées par le pouvoir d'État : la législation sociale a, par exemple, fortement contribué à distinguer le groupe des ouvriers de celui des commerçants, relativement proches jusqu'à la Commune (1871). Le cas français se caractérise par une unification tardive et incomplète de la classe ouvrière, notamment par rapport au cas britannique. Ce déficit chronique d'ouvriérisation de la société française s'explique par la position longtemps hégémonique de la petite bourgeoisie propriétaire, par celle des artisans mais surtout des paysans dont le maintien des effectifs à un niveau important a freiné la migration vers les villes et l'industrie. Les élites économiques et politiques ont par conséquent dû très tôt faire appel à l'immigration, à la main-d'œuvre féminine et aux ouvriers-paysans. Mal dégagée du monde rural et artisanal, la classe ouvrière du pays manque d'autonomie ; ce qui se traduit par une faiblesse du mouvement ouvrier français.
La musique pour un meilleur rendement !
Un gramophone a été installé pour stimuler le travail de ces jeunes femmes, dans une usine de la société Westinghouse, à Newark (New Jersey), en 1925.
Crédits : Hulton Getty
Après plusieurs décennies de bouleversements, d'instabilité et de déracinement, c'est la crise des années 1930 qui stabilise et fixe le prolétariat industriel autour des grandes usines. Issu du deuxième âge de l'industrialisation (1900-1930), qui a vu l'éclosion de la grande usine et de la banlieue, un nouveau type d'ouvrier naît dans l'entre-deux-guerres d'une première génération d'ouvriers déracinés. L'apogée de l'ouvriérisation de la société française se situe entre 1950 et 1970, au moment où cette génération vit sa maturité. La force de la classe ouvrière s'exprime alors au sein d'une indu [...]
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Écrit par :
- Julian MISCHI : chargé de recherche en sociologie, Institut national de la recherche agronomique (Centre d'économie et sociologie appliquées à l'agriculture et aux espaces ruraux), Dijon
- Nicolas RENAHY : chargé de recherche, Institut national de la recherche agronomique, première classe, chercheur associé au C.M.H.- E.T.T.
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Pour citer l’article
Julian MISCHI, Nicolas RENAHY, « CLASSES SOCIALES - Classe ouvrière », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 janvier 2021. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/classes-sociales-classe-ouvriere/