CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT
Bilan et perspectives
Depuis la constitutionnalisation de la Charte de l’environnement, force est de constater que celle-ci n’a entraîné ni les effetsnégatifs craints par ses opposants ni les conséquences positives espérées par ses promoteurs. Toutefois, son utilité s’est révélée en dehors des applications purement juridiques et ses retombées, pour symboliques qu’elles soient, ne sont pas négligeables.
Les opposants à cette constitutionnalisation avaient focalisé leur combat autour des principes de précaution et des risques pour l’innovation et la croissance française. La France aurait dû, selon eux, s’acheminer vers un blocage de sa recherche industrielle et une diminution de sa croissance économique. Ce qui n’a pas été le cas – à l’exception de l’année 2009 (–2,9 %), à la suite de la crise des subprimes, et de 2020 (–7,5 %), en raison de la pandémie de la Covid-19 – mais n’empêche pas ces opposants de continuer à pousser leur argumentation.
À l’inverse, les plus fidèles soutiens ont pu être déçus. Le droit de vivre « dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », pourtant érigé en premier article de cette Charte, n’a pas, bien sûr, empêché les ravages de la pandémie de Covid-19, ni que la France se retrouve régulièrement depuis 2019 mise en demeure pour son absence d’application de la directive européenne relative à la qualité de l’air (2008/50/CE) et plus précisément pour des dépassements « de manière systématique et persistante » des valeurs limites de concentration.
Chaque article de la Charte de l’environnement, pris isolément, pourrait être analysé dans ses effets et, pour beaucoup d’entre eux, on serait bien en peine de trouver des répercussions positives. C’est le cas notamment pour l’article 6, qui vise la promotion du développement durable, et l’article 8, qui porte sur l’éducation à l’environnement. Il en est de même pour l’article 10, qui stipule que la Charte inspire l’action européenne et internationale de la France. Il serait en fait bien difficile de trouver une seule politique portée par le pays qui aurait été inspirée par cette Charte.
Quant à l’article 5, le plus contesté, relatif au principe de précaution, il n’a guère eu le rôle d’accélérateur de la recherche que lui prédisaient ses plus fervents supporters.
Un élément essentiel de compréhension de la portée de la Charte de l’environnement est apparu en 2016 lorsque des parlementaires ont demandé au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la valeur constitutionnelle du principe de non-régression – qui signifie que, dans l’hypothèse où ce principe aurait été reconnu, la loi ne pourrait plus jamais être moins favorable à l’environnement qu’elle ne l’est à un moment donné. Ce principe n’est pas en lui-même inscrit dans la Charte de l’environnement, mais il était concevable d’envisager l’intégralité des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement comme faisant un ensemble qui empêcherait tout retour en arrière. Le juge constitutionnel ne l’a pas jugé ainsi, et la Charte de l’environnement ne protège donc pas de nouvelles lois pouvant être moins favorables à l’environnement.
En outre, l’ensemble de la jurisprudence indique au moins une certaine réserve dans l’application de la Charte, et aucun texte législatif majeur n’a été censuré pour entrave aux principes énoncés dans la Charte de l’environnement.
Ainsi, sur un sujet aussi sensible que la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM), sur lequel les points de vue scientifiques sont encore très controversés, le Conseil constitutionnel a jugé que la loi du 26 mai 2008 n’induisait pas une entrave au principe de précaution (décision no 2008-564 DC du 19 juin 2008). Et, sur l’enfouissement des déchets radioactifs, il a considéré[...]
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Écrit par
- Thierry LIBAERT : professeur des Universités, conseiller au Comité économique et social européen, président de l'Académie des controverses et de la communication sensible
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