CHANGEMENT CLIMATIQUE ET ÉVÉNEMENTS MÉTÉOROLOGIQUES MAJEURS
L’expression « extrême météorologique » désigne les manifestations les plus visibles de la variabilité climatique. De fait, nous-mêmes et les écosystèmes sommes plus sensibles à des événements climatiques dévastateurs souvent brefs qu’à une élévation de température de quelques dixièmes de degrés sur plusieurs décennies. En outre, la rapidité et la systématisation de la diffusion de l’information par les médias nous donnent le sentiment que de plus en plus de phénomènes extrêmes sont recensés : il suffit qu’une anomalie soit perçue localement par une personne pour qu’elle soit relayée à l’échelle planétaire en quelques heures. Cette véritable inflation du nombre de phénomènes recensés pose la question de la pertinence de leur relation avec le changement climatique qui est observé depuis le début du xxe siècle.
Que sont les extrêmes ?
Trois catégories de définitions
Il est important de donner une définition aussi précise que possible aux termes qu’on emploie. On constate que des communautés scientifiques utilisent souvent l’expression « extrême météorologique » pour désigner des phénomènes assez différents.
On distingue trois catégories de définitions pour les extrêmes ; chacune dépend de la discipline scientifique qui les étudie [Jeandel et Mossery, 2011]. Pour les statisticiens, l’extrême est indiqué par les très grandes valeurs d’une grandeur mesurée, c’est-à-dire les valeurs qui s’écartent considérablement de la moyenne et des valeurs qui gravitent autour de la moyenne. On parle de « queue de la distribution statistique » pour parler d’extrêmes, et donc des valeurs très grandes (ou très petites), qui sont toutefois rarement atteintes. Par exemple, si l’on s’intéresse aux variations quotidiennes de température à Paris en été, les extrêmes chauds arrivent quand le thermomètre dépasse 35 0C. Si on trace la courbe des valeurs enregistrées à Paris (c’est-à-dire la distribution statistique de la température), la valeur de 350 se situe dans la queue supérieure de la distribution. La définition statistique de l’extrême est donc très simple et on peut utiliser un arsenal de théories ad hoc (qui, en revanche, ne sont pas élémentaires) pour décrire des observations, faire des prévisions, calculer des incertitudes. Grâce à ce paradigme, on peut traiter les extrêmes de vent de la même manière que les extrêmes de température ou de précipitation : ce seront, à peu de chose près, les mêmes équations statistiques.
Les physiciens ont une définition phénoménologique de l’extrême météorologique ; ils définissent les événements comme « vague de froid », « vague de chaleur », « tempête », « sécheresse », « événement cévenol ». Dans ce cas, le phénomène « tempête » n’a rien à voir avec une « vague de chaleur », car les variables et les mécanismes physiques qui conduisent à ces événements sont différents. Par exemple, quand on parle de tempête extratropicale (comme, en Europe, les tempêtes Lothar et Martin en décembre 1999), il s’agit d’instabilités de pression qui se déplacent vers l’est à des vitesses d’une soixantaine de kilomètres par heure, mais ce déplacement s’accompagne de vitesses de vent pouvant dépasser 150 kilomètres par heure. La définition du physicien est également quantitative pour certains extrêmes (comme les tempêtes, vagues de chaleur, vagues de froid). Notamment, si on parle de tempêtes, le physicien va distinguer les tempêtes extratropicales des tempêtes méditerranéennes (qui conduisent aux épisodes cévenols dans le sud de la France). Les deux types de phénomènes conduisent à des pluies et des vents intenses, mais leurs origines et leurs portées géographiques sont complètement différentes. Il ne suffit donc pas d’étudier la queue de la distribution du vent ou de la pluie pour qualifier l’événement, car il importe d’en avoir une connaissance à grande échelle.
La troisième manière de définir les extrêmes peut être qualifiée de sociétale : on s’intéresse plus aux événements qui causent des dégâts spectaculaires qu’à ceux qui ne touchent ni les biens ni les personnes. Dans l’optique sociétale, les événements climatiques se mesurent en dollars ou en nombre de morts. Une telle définition a nécessairement pour corollaire le fait qu’un événement n’est extrême que s’il nous touche : des vitesses de vent de 150 kilomètres par heure qui traversent le nord de la Scandinavie intéressent peu de monde car on ne déplore ni dégât matériel ni perte humaine. En revanche, si de telles vitesses de vent sont atteintes en région parisienne, elles marqueront davantage les esprits, et de manière durable parce que peu de bâtiments sont conçus pour y résister.
Cette définition repose donc sur la vulnérabilité de notre société : on s’intéresse à la combinaison d’un aléa météorologique (qui peut se produire n’importe où sur la planète) et à l’exposition de la société (les biens et personnes). Si la Terre était uniformément peuplée, les définitions économique (vulnérabilité) et physique (aléa météorologique) seraient équivalentes. Mais ce n’est pas le cas, ce qui rend difficile la communication autour des extrêmes entre sciences physiques et sciences humaines et sociales.
Classement des extrêmes
On peut considérer qu’il y a deux grands types de phénomènes extrêmes : ceux qui persistent (de plusieurs semaines à plusieurs mois) et ceux qui durent de quelques heures à quelques jours [Field et al., 2012].
Dans la première catégorie, on peut recenser les sécheresses météorologiques (liées à l’absence de précipitation, qui peuvent conduire à la désertification d’une région pour les plus intenses), les canicules estivales qui, accompagnées de sécheresse, fragilisent les écosystèmes, et les vagues de froid hivernales. Ces phénomènes s’installent dans la durée et marquent une saison (hiver ou été) sur une zone géographique assez grande (par exemple sur un rayon de 1 000 km).
La seconde catégorie regroupe des événements qui durent quelques jours au plus, ou qui touchent des surfaces très limitées. C’est le cas des tempêtes, des cyclones, des précipitations d’été (comme les épisodes cévenols du sud de la France). Ces phénomènes sont soudains et souvent destructeurs.
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Écrit par
- Pascal YIOU : chercheur au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives
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Médias
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